Fintechs

Un nouveau vivier d’emplois pour les directions financières

Publié le 13 mai 2016 à 17h49

Guillaume Clément

Face à la croissance rapide de leurs activités, les fintechs recrutent de plus en plus de collaborateurs financiers, bénéficiant notamment de plusieurs années d’expérience dans des institutions financières «traditionnelles». Si ces start-ups proposent souvent des rémunérations inférieures à celles des grands établissements, nombre d’entre elles donnent en revanche la possibilité à leurs nouvelles recrues d’entrer au capital.

Le 1er juin prochain, Amaury Dauge quittera son poste de directeur financier d’Euronext pour rejoindre… une fintech à New York ! Mais les professionnels de la finance qui souhaitent intégrer une société de technologies financières n’ont pas nécessairement besoin de s’expatrier : ils peuvent aussi trouver des opportunités en France. Les fintechs hexagonales attirent d’ailleurs un nombre croissant d’entre eux. «Nous avons reçu plus d’une cinquantaine de candidatures pour le poste de directeur financier adjoint que nous avons ouvert il y a quelques semaines», confirme Marine Crovella, responsable des ressources humaines au sein de la fintech spécialisée dans le crédit aux particuliers Younited Credit (ex-Prêt d’Union). Si les jeunes diplômés représentent traditionnellement les profils les plus prompts à rejoindre des start-ups, les fintechs attirent pour leur part également de nombreux candidats expérimentés.

«De plus en plus de directeurs financiers, de banquiers ou encore de contrôleurs de gestion qui ont exercé durant plusieurs années au sein de PME, d’ETI, de grands groupes ou d’institutions financières établies décident en effet de poursuivre leur carrière au sein de fintechs,indique Alain Clot, président de l’association France FinTech. Ils y voient notamment l’opportunité de participer à une aventure entrepreneuriale en exerçant des responsabilités étendues dans des sociétés affichant souvent une forte croissance.»

Certes, ces jeunes entreprises représentent encore un vivier d’emplois limité à quelques centaines de postes pour les fonctions financières. Mais cette situation est, selon les professionnels, appelée à évoluer rapidement en raison du fort développement du secteur. «Comme notre chiffre d’affaires a été chaque année multiplié par quatre depuis 2013, nous allons créer une quarantaine de postes, pour pratiquement doubler nos effectifs d’ici à la fin de l’année, confie Damien Germonprez, directeur général du spécialiste des paiements en ligne Lemon Way. Pour gérer cette croissance, nous comptons renforcer la fonction finance, après les embauches récentes d’un directeur des opérations et d’un trésorier, en recrutant, entre autres, un directeur administratif et financier, un responsable de la conformité, un contrôleur de gestion et un auditeur.»

Des experts en compliance recherchés

Les activités des fintechs ont des activités très différentes, qui vont du crowdfunding à l’affacturage, en passant par la titrisation, les paiements dématérialisés ou encore l’agrégation de comptes bancaires. Mais la plupart d’entre elles recherchent néanmoins les mêmes expertises. «Comme il s’agit de sociétés financières, elles ont besoin de collaborateurs qui disposent de compétences poussées en matière de compliance, de gestion des cash-flows et d’analyse crédit, souligne Alain Clot. Nombre d’entre elles privilégient donc les candidats affichant plusieurs années d’expérience au sein de banques, d’assureurs ou encore de fonds d’investissement. Cela permet en effet à ceux-ci d’afficher a priori une bonne compréhension des spécificités, notamment réglementaires, du secteur de la finance.» A ce titre, le fait d’avoir exercé des fonctions au sein d’autorités de régulation peut représenter un véritable atout pour les candidats.

«Nous avons choisi notre directrice financière pour ses compétences et notamment parce qu’elle avait effectué, entre autres, une mission en tant que contrôleur de gestion senior au sein de l’AMF, illustre Arthur de Catheu, directeur général de la fintech spécialisée dans la gestion des créances commerciales Finexkap. Comme elle a également endossé la fonction de responsable de la conformité et du contrôle interne (RCCI) lorsqu’elle nous a rejoints, il était primordial qu’elle soit capable d’échanger régulièrement avec le régulateur, par exemple dans le cadre d’audits concernant nos processus internes.»

Au-delà de ce type d’expertise, les sociétés de technologies financières attendent que leurs recrues adaptent leurs méthodes de travail à leur nouvel environnement. «Notre directeur financier et notre directeur du risque crédit disposent chacun de plus d’une dizaine d’années d’expérience au sein de sociétés financières internationales comme Renault Banque et Bibby Factor, confie Nicolas Lesur, directeur général de la plateforme de crowdfunding Unilend. Ils ont notamment dû s’habituer à travailler avec un nombre de collaborateurs plus restreint que par le passé et appréhender les spécificités du prêt participatif, comme par exemple la diversité des prêteurs (particuliers, personnes morales, etc.) et le fait que les échanges avec ceux-ci s’effectuent majoritairement par Internet.»Pour certaines fintechs, cette capacité d’adaptation prime même sur l’expérience au sein d’institutions financières. Les profils plus «généralistes», notamment issus des cabinets d’audit et de conseil, sont alors particulièrement prisés. «Nous avons recruté notre directeur financier il y a un an et demi car nous avons apprécié son expérience de quatre ans comme auditeur chez KPMG, illustre Cyril Chiche, président de l’entreprise spécialisée dans le paiement mobile Lydia. Cette dernière lui a en effet permis de démontrer sa capacité à mener des tâches variées (création de process, définition d’indicateurs de gestion, etc.) tant au sein de groupes industriels que de PME exerçant dans les services.»

Des salaires de start-up

Pour attirer les talents, la majorité des fintechs doit toutefois composer avec une contrainte significative : elles disposent souvent de marges de manœuvre limitées en matière de salaires. «Il est vrai que certaines fintechs peuvent se permettre de rémunérer les membres de la fonction finance au prix du marché, mais la plupart d’entre elles proposent aux candidats des rétributions qui se situent entre 10 % et 20 % en dessous de celles proposées par les grandes entreprises et sociétés financières», reconnaît Alain Clot. Dans certains cas, ce différentiel se révèle en outre bien plus important. «Notre gérant senior, qui est notamment en charge de nos activités de titrisation, a accepté de voir son salaire divisé par quatre par rapport à son dernier poste au sein d’une grande banque française, confie le fondateur d’une fintech. Or il représente tout de même notre troisième collaborateur le mieux payé !»Pour compenser leur capacité limitée à offrir des salaires comparables à ceux des grands établissements, les fintechs misent la plupart du temps sur d’autres formes de gratification.«Les cadres supérieurs, comme par exemple les directeurs financiers, se voient souvent proposer une association au capital, par l’attribution de bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE) ou de bons de souscription d’actions (BSA), poursuit Alain Clot. Ils peuvent également bénéficier de plans d’intéressement, ce qui peut se révéler particulièrement rentable au sein de sociétés en forte croissance.»

Alors que les professionnels estiment que les fintechs françaises devraient continuer de renforcer leurs effectifs globaux cette année, notamment en raison de l’implantation de certaines d’entre elles (Lendix, Unilend, Younited Credit, Lemon Way, etc.) à l’international, leur demande concernant les profils financiers devrait également se renforcer. A ce titre, les spécialistes des relations investisseurs, des opérations de croissance externe, de la comptabilité et du contrôle de gestion pourraient particulièrement tirer leur épingle du jeu.

Comment recrutent les fintechs ?

• Les dirigeants des fintechs approchent le plus souvent les candidats potentiels par l’intermédiaire de leur réseau professionnel. «Nous avons engagé plusieurs membres de la direction financière soit après qu’ils nous ont été présentés par des connaissances communes, soit parce que nous avions nous-mêmes précédemment travaillé ensemble, confie Olivier Goy, président de la plateforme de crowdfunding Lendix. Notre directeur financier a par exemple effectué une partie de sa carrière chez 123 Venture, un fonds de private equity que j’ai fondé en 2000.»

• Par ailleurs, certaines fintechs rencontrent de futures recrues à l’occasion d’événements professionnels (salons, conférences sectorielles, etc.), tandis que d’autres se servent principalement d’Internet et des réseaux sociaux. «Nous venons d’engager un trésorier après avoir publié une offre d’emploi uniquement sur LinkedIn, indique Damien Guermonprez, directeur général de Lemon Way. Nous avons choisi ce modus operandi car nous voulions cibler des candidats affichant une bonne connaissance des outils web, ces derniers étant au cœur de notre activité.»

• Lorsqu’elles cherchent à pourvoir un poste à haut niveau de responsabilité (directeur administratif et financier, directeur comptable, etc.), les fintechs peuvent également avoir recours à des cabinets spécialisés. «Nous avons recruté un gérant par l’intermédiaire d’un chasseur de têtes afin de bénéficier de son expertise en matière de ciblage de profils, confie Cédric Teissier, président de Finexkap. Nous avons ainsi pu rencontrer «seulement» une dizaine de candidats avant d’arrêter notre choix, ce qui nous a permis de gagner du temps durant le processus de recrutement.»

• Pour optimiser leurs recherches de candidats, les fintechs devraient en outre pouvoir prochainement tirer profit d’une initiative de l’association France FinTech. «Nous prévoyons de constituer d’ici à la fin de l’année une base de données interne regroupant les profils des professionnels du secteur, ce qui nous permettra de faciliter la mise en relation entre les employeurs et les candidats potentiels», indique Alain Clot, président de France FinTech.

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