Contrôleurs de gestion

Les rémunérations marquent le pas

Publié le 23 octobre 2015 à 15h00    Mis à jour le 23 octobre 2015 à 17h13

Alexandre Rajbhandari

En 2015, les contrôleurs de gestion n’ont pas bénéficié de hausse de leur rémunération fixe, tandis que leur part de variable se réduit. Un ensemble de facteurs qui pèsent sur leur taux de satisfaction.

Les contrôleurs de gestion continuent de subir le contrecoup de la crise financière. En effet, le gel de leur rémunération se confirme cette année, après avoir déjà été constaté en 2014, selon le baromètre des rémunérations des fonctions finance réalisé par Michael Page, l’Association française des trésoriers d’entreprises (AFTE), l’Institut français de l’audit et du contrôle internes (IFACI), l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) et Option Finance auprès de 348 professionnels.

Ainsi, alors que la rémunération moyenne des contrôleurs de gestion était de 60 000 euros bruts annuels en 2014, elle s’est établie à 59 500 euros cette année. «Cette baisse est très faible, et il est difficile d’en déduire que les salaires des contrôleurs de gestion sont réellement en recul, nuance Mikaël Deiller, manager exécutif senior chez Michael Page. Toutefois, ce chiffre reflète bien la tendance que nous observons sur le marché : les rémunérations de ces professionnels ne progressent plus.»

Des jeunes diplômés moins exigeants

Une situation qui s’explique principalement par le fait que les salaires à l’embauche ont tendance à stagner depuis plusieurs années.«Aujourd’hui, les rémunérations proposées par les employeurs lors de processus de recrutement sont identiques à celles que nous observions il y a deux ou trois ans», constate Mikaël Deiller. Le phénomène est encore plus marqué pour les offres qui s’adressent aux jeunes diplômés. «Le marché du travail en contrôle de gestion ne parvient pas à absorber l’ensemble des jeunes candidats à la recherche d’un emploi, observe Mikaël Deiller. Ces derniers sont donc de moins en moins exigeants sur les rémunérations proposées par les recruteurs.»Ce phénomène est particulièrement visible chez les contrôleurs de gestion marketing et industriels, qui comptent la plus forte proportion de jeunes diplômés (10 % et 20 % respectivement), et qui voient leurs rémunérations fixes moyennes passer respectivement de 53 000 à 52 000 euros et de 52 000 à 51 000 euros.

Mais cette baisse ne concerne pas que les profils jeunes, elle atteint également les responsables de contrôle de gestion ! Ces derniers voient leur part de fixe passer de 72 000 euros à 68 000 euros bruts annuels en seulement un an. Pourtant, 74 % d’entre eux ont travaillé pendant plus de dix ans dans la finance d’entreprise. «Si cette baisse est étonnante, elle peut s’expliquer par le fait que les recruteurs préfèrent faire évoluer leurs contrôleurs de gestion opérationnels vers des postes de responsables plutôt que de recruter à l’extérieur de leur structure, détaille Mikaël Deiller. Ce faisant, ils contrôlent davantage l’évolution du salaire des responsables du contrôle de gestion.»

Parmi les fonctions à faire exception à cette baisse généralisée figurent les contrôleurs de gestion centraux. Ces derniers ont vu leur rémunération fixe progresser de 53 000 euros annuels bruts à 57 000 euros en un an. L’échantillon compte plus de profils seniors que l’année précédente, ce qui peut changer les chiffres. En effet, 30 % d’entre eux ont plus de cinq années d’ancienneté à leur poste, contre 18 % l’année dernière. «Mais cette différence n’est pas uniquement la conséquence d’un aléa statistique, elle reflète la volonté des recruteurs de renforcer les compétences du contrôle de gestion central en recrutant davantage de profils expérimentés», note Mikaël Deiller.

Un dernier facteur tend à expliquer le plafonnement des rémunérations de la profession en général : le niveau particulièrement faible des augmentations accordées par les employeurs. La proportion de ceux qui n’ont pas du tout été augmentés est passée de 37 % à 41 % en un an. En outre, parmi ceux qui ont vu leur rémunération revalorisée, une majorité d’entre eux n’a pas obtenu plus de 3 % d’augmentation. Ainsi, l’augmentation moyenne obtenue par les contrôleurs de gestion de cette année affiche un léger recul, passant de 3,5 % à 3,4 % en un an. «Seuls les contrôleurs de gestion marketing et industriels semblent tirer leur épingle du jeu, estime Mikaël Deiller. En effet, ils ont obtenu des augmentations plus élevées que la moyenne (3,8 % et 3,6 % respectivement). Toutefois, il s’agit principalement d’un effet de rattrapage par rapport à l’année dernière, où ils ont bénéficié d’une augmentation plus faible que leurs confrères.»

Des professionnels moins mobiles

La reprise du marché du travail pour les contrôleurs de gestion se confirme cette année. Ainsi, 71 % des contrôleurs de gestion interrogés affirment avoir été sollicités pour un nouveau poste au cours des douze derniers mois. Parmi ces derniers, 38 % estiment que ces sollicitations ont été plus nombreuses que l’année dernière.

Toutefois, si les offres qu’on leur présente sont éloignées de leur domicile actuel, les contrôleurs de gestion seront moins enclins à accepter de déménager que les autres membres de la direction financière. En effet, 67 % d’entre eux disent être prêts à changer de domicile pour une opportunité professionnelle, contre 69 % pour les trésoriers, 76 % pour les directeurs administratifs et financiers, et 78 % pour les auditeurs internes.

Le constat est similaire en ce qui concerne les opportunités à l’étranger. Seuls 43 % d’entre eux seraient prêts à déménager dans un autre pays, contre 54 % pour les directeurs administratifs et financiers, 58 % pour les trésoriers, et 61 % pour les auditeurs internes.

Un variable de plus en plus modeste

Si leur salaire fixe progresse moins vite qu’auparavant, leur rémunération variable recule également. En effet, alors que la part de variable moyenne pour l’ensemble de la profession était de 7,5 % en 2014, elle a chuté à 6,7 % cette année. Cette réduction affecte aussi bien les contrôleurs de gestion marketing (dont le variable est passé de 6,2 % à 6,5 % en un an), que les contrôleurs de gestion centraux (de 7,5 % à 6,7 %) ou encore les responsables de contrôles de gestion (de 9,1 % à 7,8 %). Seuls les contrôleurs de gestion industriels et de projets ont vu leur variable progresser cette année.

Toutefois, cette composante de leur rémunération ayant fortement baissé en 2014, elle demeure encore inférieure à ce qu’ils pouvaient obtenir il y a deux ans (voir graphique). «Cette baisse généralisée n’est pas très étonnante, car la part de variable devient de plus en plus discrétionnaire dans les contrats de travail, observe Mikaël Deiller. Concrètement, les employeurs se laissent la possibilité de ne pas octroyer de variable du tout pendant les premières années.» Mais cette disparition progressive des bonus n’est pas le seul fait des recruteurs. En effet, les contrôleurs de gestion ont également tendance à en demander de moins en moins. «Généralement, les rémunérations variables sont indexées en partie sur la performance de la société, précise Mikaël Deiller. Dans le contexte économique actuel encore morose, les contrôleurs de gestion craignent donc que leur rémunération variable soit limitée voire nulle. Afin de sécuriser leur rémunération, ils sont donc de plus en plus nombreux à demander un variable plus faible, en contrepartie d’une part fixe plus importante.»

Une moindre satisfaction que les autres fonctions finance

Ces différents éléments expliquent la faible satisfaction des contrôleurs de gestion par rapport aux autres fonctions de la direction financière. Ainsi, la part des contrôleurs de gestion qui se disent satisfaits de leur poste est de seulement 61 %, contre 75 % pour les auditeurs internes et 80 % pour les trésoriers. Parmi les principaux points que les répondants souhaitent voir s’améliorer figurent la reconnaissance de leur travail (47 %), l’équilibre entre la vie privée et la vie personnelle (37 %), le besoin de formation (30 %) et la relation avec la hiérarchie (29 %).

Si toutes les catégories de contrôleurs de gestion affichent sensiblement le même taux de satisfaction, une spécialisation se distingue : les contrôleurs de gestion de projets sont seulement 47 % à s’estimer satisfaits de leur poste. «Ce phénomène tient principalement au fait que ces contrôleurs de gestion pilotent le plus souvent des projets des entreprises actives dans la construction ou dans les services informatiques où les opportunités pour changer de spécialisation sont moins nombreuses», explique Mikaël Deiller.

Moins satisfaits, les contrôleurs de gestion n’en sont pas pour autant moins ambitieux. Sur l’ensemble des répondants, 33 % veulent devenir responsables du contrôle de gestion, et parmi les responsables, 45 % veulent devenir directeurs administratifs et financiers. «Le contrôle de gestion permet de capitaliser une bonne connaissance opérationnelle de l’entreprise, et demeure ainsi le meilleur tremplin pour devenir directeur administratif et financier», rappelle Mikaël Deiller. D’ailleurs, 17 % des directeurs financiers interrogés dans ce baromètre étaient auparavant responsables du contrôle de gestion. Ainsi, malgré des rémunérations en berne, les perspectives d’évolution offertes par le contrôle de gestion demeurent séduisantes. La profession a donc encore de l’avenir devant elle.

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