Directeurs financiers

Les salaires baissent en 2015

Publié le 4 décembre 2015 à 17h34

Alexandre Rajbhandari

Cette année, les rémunérations fixes des directeurs financiers se sont réduites, sans être véritablement compensées par une hausse de leur variable. Le taux de satisfaction de ces professionnels figure ainsi parmi les moins élevés des différentes fonctions de la direction financière.

En termes de rémunération, l’année 2015 s’avère particulièrement mauvaise pour les directeurs financiers. Tel est le principal constat du baromètre de rémunération des fonctions finance réalisé auprès de 367 professionnels par Michael Page, l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG), l’Association française des trésoriers d’entreprises (AFTE), l’Institut français de l’audit et du contrôle internes (IFACI) et Option Finance. En effet, les rémunérations annuelles fixes brutes des directeurs financiers ont baissé, passant en moyenne de 96 300 euros en 2014 à 94 300 euros en 2015. En outre, la part de ces professionnels qui gagnaient moins de 90 000 euros a augmenté de trois points à 56 %, tandis que celle des directeurs financiers obtenant plus de 150 000 euros bruts annuels de rémunération a diminué, atteignant 7 %, contre 11 % en 2014.

Un marché du travail tendu

Cette situation s’explique avant tout par le fait que le marché du travail est particulièrement tendu pour les directeurs financiers.

«Après avoir privilégié la sécurité pendant les premières années de la crise financière, ces derniers sont désormais moins frileux et prêts à saisir les opportunités professionnelles qui se présentent», explique Mikaël Deiller, manager exécutif senior chez Michael Page. Ainsi, seulement 29 % des répondants de ce baromètre disent vouloir évoluer dans leur société actuelle. Autre preuve du fait qu’ils envisagent progressivement de changer d’employeur, les directeurs financiers interrogés se disent à 76 % prêts à déménager pour une opportunité professionnelle.

Mais à ces directeurs financiers en poste s’ajoutent également ceux qui, ayant quitté ou perdu leur emploi ces dernières années, sont désormais à la recherche d’un nouveau travail. Autant de candidats que le nombre d’offres ne peut pas absorber. «En effet, il y a peu de création de postes de directeurs financiers pour rééquilibrer le marché, regrette Mikael Deiller. Signe de la forte concurrence sur cette typologie de profils, lorsque nous publions une annonce, nous pouvons recevoir jusqu’à 300 candidatures en deux semaines seulement.»

Ce déséquilibre pèse ainsi durablement sur les salaires à l’embauche. «Alors que la situation a tendance à se prolonger, les candidats qui ne sont pas en poste revoient progressivement leurs prétentions salariales à la baisse, témoigne Mikaël Deiller. De ce fait, les directeurs financiers en recherche active peuvent facilement se retrouver abaisser leurs prétentions salariales de 20 % à 30 %, voire même plus dans certains cas de figure.»

Des augmentations de plus en plus rares

Si le salaire moyen à l’embauche a tendance à baisser, celui des directeurs financiers en poste progresse de moins en moins. En effet, quasiment un directeur financier sur deux (49 %) n’a pas obtenu de revalorisation salariale cette année, soit bien plus que la proportion qui est observée pour les auditeurs internes (41 %), les contrôleurs de gestion (41 %), et les trésoriers (37 %). Le phénomène s’aggrave d’année en année. En effet, les directeurs financiers n’étaient que 46 % à ne pas avoir été augmentés en 2014, et 34 % les deux années précédentes. En parallèle, la part des professionnels qui a reçu une augmentation supérieure à 3 % est passée de 24 % à 20 % en un an.

Là encore, la situation particulièrement tendue du marché du travail pour les directeurs financiers explique cette tendance. «Les entreprises, sachant que les opportunités de mobilité sont rares pour les directeurs financiers, peuvent réduire leurs efforts en termes d’augmentations sans risquer de les voir partir», explique Mikaël Deiller. Une position de force dont elles n’hésitent pas à profiter, alors que les contraintes budgétaires héritées de la crise sont toujours d’actualité. «La croissance peine encore à repartir dans l’Hexagone, cela contraint les sociétés à continuer de maîtriser leur masse salariale, souligne Mikaël Deiller. Elles pénalisent surtout les plus hauts salaires, pour lesquels toute augmentation représente des sommes significatives dans leurs budgets.» Ainsi, seuls les profils les plus jeunes, qui bénéficient des rémunérations les plus modestes, semblent profiter de belles revalorisations. En effet, la part des directeurs financiers de moins de 35 ans ayant vu leurs salaires augmenter de plus de 10 % s’élève à 21 %, contre 6 % pour la population générale.

Des variables en hausse

En ce qui concerne les rémunérations variables, l’évolution observée cette année est totalement différente. En effet, la part variable moyenne obtenue par les directeurs financiers est passée de 8,9 % à 10,3 % de leur part fixe en un an. Certes, cette progression permet aux directeurs financiers de récupérer ce qu’ils ont perdu en termes de rémunération fixe. Néanmoins, les directeurs financiers doivent rester vigilants car la variabilisation de leur rémunération pourrait ne pas se révéler à leur avantage sur le long terme.«En effet, afin de réduire leurs engagements, les entreprises ont de plus en plus tendance à recourir à des rémunérations variables, dont l’octroi n’est pas garanti contractuellement, nuance Mikaël Deiller. De la sorte, les directeurs financiers sont de moins en moins souvent assurés de percevoir leur bonus.» Un point d’attention crucial lorsque ces professionnels signent un contrat de travail. «Mais encore une fois, la situation du marché du travail actuel ne les place pas dans une position où ils peuvent négocier facilement les conditions de leur rémunération variable», regrette Mikaël Deiller.

Conséquence logique de ce tableau plutôt terne, les directeurs financiers figurent parmi les professionnels de la direction financière les moins satisfaits de leur poste. En effet, alors que les trésoriers sont 80 % à se dire satisfaits, et les auditeurs internes 75 %, les directeurs financiers ne sont que 63 % dans ce cas. Mais le taux de satisfaction des directeurs financiers pourrait s’améliorer dans les années à venir. En effet, la dynamique du marché de l’emploi commence timidement à s’inverser. 70 % des directeurs financiers disent avoir été sollicités pour de nouveaux postes, et la part de ceux pour lesquels ces prises de contact ont été plus nombreuses s’élève à 39 %, contre 31 % un an plus tôt. En parallèle, la proportion des répondants à dire que les sollicitations ont été moins nombreuses que l’année précédente est de 23 %, au lieu de 27 % en 2014. «Ces signaux sont encourageants, reconnaît Mikaël Deiller. Néanmoins, le marché du travail pour ces professionnels mettra plusieurs années à se rééquilibrer.» En attendant, les directeurs financiers vont donc être contraints de prendre leur mal en patience.

Méthodologie du baromètre

Ce baromètre, qui portait sur les rémunérations des auditeurs internes, des contrôleurs de gestion, des trésoriers et des directeurs administratifs et fi nanciers, a été réalisé entre le 15 juin et le 10 juillet 2015 auprès de 1 423 professionnels des directions financières d’entreprises françaises cotés ou non cotés.

Parmi les répondants, 63 % travaillent dans un groupe, 11 % dans une ETI, et 18 %

dans une PME.

Des rémunérations supérieures offertes dans le secteur de la distribution

  • Si les rémunérations des directeurs financiers sont dans l’ensemble homogènes selon les secteurs d’activité, une spécialisation sort toutefois du lot. En effet, les directeurs financiers de la distribution semblent mieux rémunérés que les professionnels travaillant dans d’autres secteurs d’activité. Ainsi, 10 % de ces professionnels gagnent plus de 200 000 euros bruts annuels, contre 2 % pour la population globale des directeurs financiers.
  • «Un phénomène qui peut s’expliquer par le fait que certains groupes du secteur de la distribution doivent gérer beaucoup plus de flux financiers que les autres sociétés, explique Mikaël Deiller. Par conséquent, les directeurs financiers concernés peuvent avoir des équipes plus conséquentes à superviser, notamment pour la comptabilité tiers et le contrôle de gestion. Ils endossent donc endossent davantage de responsabilités sur des périmètres importants.»
  • Toutefois, cette situation semble ne pas leur convenir. En effet, la majorité d’entre eux se disent insatisfaits de leur poste actuel (58 % des répondants).

Des perspectives de mobilités plus fortes en comptabilité et contrôle de gestion

  • En termes de gestion des ressources humaines, les équipes comptables et de contrôle de gestion sont celles qui ont le plus mobilisé les directeurs financiers cette année. En effet, les comptables et les contrôleurs de gestion sont ceux pour lesquels les directeurs financiers ont engagé le plus de dépenses de formation (40 % et 33 % des répondants). En outre, ce sont ces professionnels qui ont le plus bénéficié de mobilités internes (pour 61 % et 57 % des répondants). Un phénomène qui s’explique principalement par le fait que ces profils sont les plus difficiles à fidéliser. «Ce phénomène est classique, considère Mikaël Deiller. En effet, les comptables et les contrôleurs de gestion constituent une population jeune, très mobile et plus “volatile”, pour laquelle le turnover est particulièrement élevé.»
  • En termes de recrutement, les directeurs financiers semblent avoir mis l’accent sur le renforcement de leurs équipes de contrôle de gestion. «Cette année, nous avons observé que les grandes entreprises ont commencé à nouveau à relancer les recrutements de contrôleurs de gestion», note Mikaël Deiller. Ainsi, alors que 26 % des directeurs financiers avaient recruté en contrôle de gestion en 2014, la proportion a légèrement progressé cette année, à 30 %. Ce chiffre grimpe à 42 % dans les grands groupes, et à 43 % dans les sociétés cotées.

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