Une direction financière à la loupe

Neopost

Publié le 11 avril 2014 à 12h01    Mis à jour le 25 juin 2014 à 10h48

Arnaud Lefebvre

Seule fonction centralisée chez Neopost, la direction financière a connu plusieurs aménagements au cours des dernières années. Afin d’accompagner au mieux l’évolution récente du business model du groupe, elle a notamment concentré ses efforts sur le renforcement des reportings réalisés et, surtout, sur la communication auprès des investisseurs.

Pour la direction financière de Neopost (1,09 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2013), les chantiers organisationnels se succèdent. Afin d’optimiser son fonctionnement, celle-ci avait opéré en 2008-2009 quelques aménagements, en regroupant par exemple la direction consolidation avec celle en charge du contrôle de gestion. A peine ces changements effectifs, la fonction finance a dû s’adapter pour accompagner la mise en œuvre par la direction générale d’un nouveau business model. Jusqu’alors positionnée sur les solutions liées au traitement du courrier, la société a décidé, en 2012, d’élargir son offre. «Certes, l’activité historique de Neopost reste très profitable et elle offre une visibilité appréciable, avec notamment deux tiers de revenus récurrents, rappelle Jean-François Labadie, directeur financier du groupe. Mais ce marché est désormais mature, avec des volumes de courriers expédiés en diminution au niveau mondial. Pour continuer de croître, une diversification de nos métiers était nécessaire.»

Cette volonté d’élargissement du champ d’activité s’est notamment traduite par le développement de l’activité «communication & shipping solutions», dont la commercialisation de produits (offre de solutions de gestion de la communication clients, solutions logistiques, solutions graphiques, etc.) laisse augurer une croissance à deux chiffres des ventes au cours des prochaines années.

Une communication financière renforcée

Cette évolution stratégique n’a toutefois pas bouleversé l’organisation en tant que telle de la direction financière. Celle-ci repose, au niveau local, sur des équipes financières présentes dans chacun des 30 pays dans lesquels le groupe est implanté. Ces dernières comptent, à leur tête, un directeur financier. «De manière classique, les directeurs financiers pays sont à la fois sous mon autorité et sous celle du président des entités concernées», précise Jean-François Labadie. Ces équipes décentralisées sont en charge des problématiques liées au contrôle de gestion, à la comptabilité et à la fiscalité. Au total, près d’un millier de collaborateurs exercent dans le groupe des missions administratives et financières. Au niveau du siège, Jean-François Labadie continue de s’appuyer sur une équipe relativement resserrée. Les 21 personnes qu’elle comprend sont réparties dans six directions.

Pour plusieurs d’entre elles, la nouvelle orientation stratégique de Neopost a nécessité d’adapter leurs missions, à commencer par le département en charge des relations investisseurs. Piloté par Gaële Le Men, celui-ci est stratégique pour la société car près de 98 % de son capital, coté sur NYSE Euronext Paris, est flottant. «Compte tenu du nombre important d’investisseurs, notamment étrangers, l’activité de communication financière est primordiale, insiste Jean-François Labadie. Elle l’est d’autant plus quand la société fait évoluer ses activités, car un tel changement nécessite de faire œuvre de pédagogie.» Aux côtés du directeur financier groupe, Gaële Le Men consacre ainsi une part importante de son travail à la préparation des deux roadshows annuels et des nombreuses réunions effectuées à l’international auprès d’investisseurs (Londres, Edimbourg, Francfort, Genève, Zürich, New York, Boston, Chicago, Toronto, etc.). Au total, Jean-François Labadie estime allouer un quart de son activité à ces enjeux de communication.

Un reporting plus précis

De la même manière, la direction contrôle de gestion et consolidation, que dirige Frédéric Neuburger, a été amenée à opérer des ajustements sous l’effet de la diversification des activités du groupe. Ceux-ci portent principalement sur le reporting réalisé, qui a fait l’objet d’une refonte. Afin de renforcer la lisibilité des performances, ce dernier distingue depuis 2013 les états financiers en fonction des métiers du groupe.«En outre, nous avons ajouté des indicateurs, tels que le taux de croissance organique pour le groupe dans son ensemble, par domaine d’activité et par réseau de distribution, précise Jean-François Labadie. Cette évolution qualitative est grandement appréciée par la communauté financière.» Des tâches qui sont venues s’ajouter aux missions classiques de cette direction. Frédéric Neuburger et ses quatre collaborateurs directs évaluent ainsi une fois par mois les performances des 115 sociétés du groupe, afin de les comparer aux hypothèses retenues dans le business plan. Toutefois, alors que certains groupes cherchent à réduire le plus possible le délai entre la fin d’une période définie (résultats mensuels, résultats trimestriels, etc.) et la publication du reporting, Jean-François Labadie a choisi une autre approche. «Lorsque le planning de reporting imposé est serré, les contrôleurs de gestion bénéficient de trop de peu de temps pour effectuer une analyse minutieuse, explique-t-il. Chez Neopost, nous préférons nous appuyer sur un reporting complet à partir duquel nous pouvons, le cas échéant, prendre des mesures opérationnelles nous permettant d’atteindre nos objectifs. Pour cette raison, nous produisons le reporting complet à J+10.» Les résultats semestriels et annuels du groupe sont publiés, pour leur part, environ 55 jours après la fin de la période concernée. Autre tâche de ce département : la préparation du plan stratégique à trois ans et du budget. En septembre de chaque année, les équipes financières de l’ensemble des entités du groupe font remonter leurs perspectives à un horizon de trois ans, dans le cadre de l’élaboration d’un plan stratégique triennal. Le processus se termine en fin d’année, avec la finalisation du budget.

Une direction trésorerie et financement très active depuis deux ans

Pilotée par Christophe Liaudon, la direction trésorerie et financement a, elle aussi, été très sollicitée depuis deux ans. Cette activité soutenue n’est toutefois pas liée à la transformation du groupe. Faisant face à des échéances de refinancement, le groupe a en effet mené, depuis 2012, plusieurs placements privés sur les marchés français, allemand et américain, ainsi qu’une émission obligataire publique, pour un montant total avoisinant 600 millions d’euros. De plus, il a mis en place une nouvelle ligne de crédit syndiqué, début 2013, pour 500 millions d’euros, le crédit syndiqué précédent étant arrivé à échéance en juin 2013. Un dynamisme sur le marché de la dette qui va d’ailleurs se poursuivre. Afin de refinancer sa souche d’obligations convertibles arrivant à échéance en février prochain, l’équipe de Christophe Liaudon – composée d’une personne exerçant à temps plein et d’une autre répartissant ses missions entre la direction trésorerie et financement et celle des relations investisseurs – prépare actuellement une nouvelle opération. Outre la gestion de la dette, dont l’encours brut s’élève à environ 950 millions d’euros, ce département veille également au bon pilotage de la trésorerie. «Pour ce faire, nous disposons d’un cash-pooling physique, qui nous permet de centraliser nos ressources libellées en euros, en livres sterling et en dollars américains et canadiens, signale Jean-François Labadie. Au-delà d’une bonne visibilité sur notre cash, cette structure nous permet surtout de mieux utiliser notre trésorerie pour financer nos filiales, ce qui s’est traduit par une diminution des tirages sur notre ligne de crédit syndiqué.»

Créée en 2009, la direction contrôle interne est la plus récente à avoir intégré le périmètre d’intervention de Jean-François Labadie. Dénommée plus exactement «direction contrôle interne et synergies», son existence découle du profil du groupe. «Dans la mesure où Neopost dispose d’une organisation décentralisée et où notre développement passe des opérations de croissance externe, il est important de nous assurer à la fois du respect et de la diffusion des bonnes pratiques au sein de nos filiales, expose Jean-François Labadie. De plus, le fait d’auditer le travail de l’ensemble des entités représente un excellent moyen d’identifier des sources d’économies.»A la tête de cette direction, Didier Prat planifie les 15 à 20 missions d’audit réalisées durant chaque exercice. Ces dernières sont menées par une quinzaine de collaborateurs qui exercent, la majorité de l’année, d’autres fonctions au sein de filiales.«Afin de donner au contrôle interne une connotation très opérationnelle, nous avons décidé de former des contrôleurs de gestion et des consolideurs à cette tâche, témoigne Jean-François Labadie. Ils passent ainsi une à deux semaines par an dans des entités, avant de remettre leur rapport à l’issue de la mission. Ce dernier est ensuite analysé par les responsables opérationnels de l’entité ainsi que par la direction générale et moi-même.» Récemment, ces équipes ont par exemple travaillé sur l’optimisation du circuit de retour des machines à affranchir usagées vers une plateforme centrale, ou encore sur le reconditionnement de ces produits.

Les fonctions leasing et informatique directement supervisées

Les deux dernières directions de la fonction finance sont, quant à elles, moins classiques. Ainsi, Neopost a opté pour un rattachement des systèmes d’information à la direction financière. Un choix qui s’explique par des considérations à la fois pratiques et stratégiques. «Dans un souci d’efficacité et d’économies, la direction générale souhaite que les moyens et les ressources informatiques soient gérés de façon centralisée, rappelle Jean-François Labadie. Or la seule direction centralisée au niveau du siège est celle en charge des finances ! De plus, les dépenses informatiques étant relativement significatives, il est assez légitime que la direction informatique soit rattachée à la direction financière.» Placé sous la direction de Vincent Deriot, ce département a en effet investi plus de 20 millions d’euros en 2012 dans des chantiers informatiques. Au cours des prochains mois, les projets de ce type restent nombreux. Comptant actuellement trois ERP, le groupe envisage en effet de migrer, d’ici l’année prochaine, vers une structure unique. Une démarche identique est actuellement menée en ce qui concerne les logiciels de gestion de la relation client du groupe (CRM – customer relationship management).

Enfin, Neopost proposant à ses clients le financement de leur achat de machines, la direction générale a décidé de mettre en place un département dédié pour son activité de «leasing» en Europe. Compte tenu du rôle stratégique de cette dernière pour la société, en raison à la fois de sa forte rentabilité et de sa part significative dans l’endettement global du groupe, cette direction, confiée à Didier Lefèvre, a été ajoutée aux prérogatives de Jean-François Labadie. «Il est essentiel de maintenir une vigilance sur cette activité car les financements que nous octroyons représentent les deux tiers de la dette financière du groupe, indique Jean-François Labadie. Afin de gérer le portefeuille de leasing, et notamment le risque de crédit des clients concernés, c’est incontestablement la direction financière qui doit trancher en dernier ressort.» Une attention renforcée qui permet à Neopost de maintenir un taux de défaut dans ce portefeuille stable, autour de 1 %.

Un faible turn-over des effectifs financiers

Convaincu par cette organisation ainsi que par les améliorations apportées depuis deux ans, Jean-François Labadie retient un autre motif de satisfaction : le faible turn-over des équipes financières. «C’est assurément l’une des clés de notre efficacité», déclare-t-il. Une stabilité des effectifs que le directeur financier groupe explique notamment par la relation de proximité instaurée avec les cadres financiers.«Au niveau du siège, nous veillons à rester disponibles pour l’ensemble de nos collaborateurs, insiste Jean-François Labadie. Ces derniers se savent écoutés, et entendus.» Souhaitant maintenir un contact régulier avec ses collaborateurs locaux, le directeur financier groupe se déplace également au moins une fois par an dans chaque filiale. Pour les entités américaines, qui représentent environ 40 % du chiffre d’affaires du groupe, la fréquence est plus élevée car Jean-François Labadie s’y rend sur un rythme bimestriel.

En outre, un autre élément peut aussi expliquer cette fidélité des équipes. En effet, une expérience au sein de la fonction finance peut constituer, chez Neopost, un tremplin vers des fonctions directionnelles. Par exemple, l’actuel directeur général de la filiale du Benelux exerçait auparavant le poste de contrôleur de gestion groupe. De quoi inciter les cadres financiers à faire leurs preuves durant plusieurs années.

Le parcours de Jean-François Labadie

Diplômé de l’Institut supérieur de gestion, Jean-François Labadie, 47 ans, débute sa carrière, en 1992, chez Schlumberger comme contrôleur de gestion de la division «retail production systems France», avant d’en être promu responsable du contrôle de gestion. A la suite du rachat de cette division par Tokheim, en 1998, il devient directeur financier de la filiale française. L’année suivante, il est recruté par Neopost en tant que directeur financier des activités industrielles du groupe, en France, dans le domaine des systèmes d’affranchissement. En 2005, il est nommé responsable de la supply chain des activités industrielles à l’échelle française. Trois ans plus tard, il prend la tête de la supply chain du groupe. Il occupe ses fonctions actuelles depuis juin 2011.

Les partenaires de la direction financière

  • Banques

Le pool bancaire de Neopost compte 11 établissements, parmi lesquels BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Natixis, HSBC, Bank of America-Merrill Lynch et JP Morgan. Avant le renouvellement de sa ligne de crédit revolving, début 2013, le groupe comptait 16 banques. Une diminution du nombre de partenaires qui s’explique par deux facteurs. «D’une part, nous avons réalisé plusieurs placements privés en 2012, ce qui réduisait d’autant nos besoins – le crédit actuel atteint 500 millions d’euros, contre 750 millions pour le précédent –, rappelle Jean-François Labadie. D’autre part, il est plus simple de répartir les flux entre nos banques lorsqu’elles sont moins nombreuses.»

  • Commissaires aux comptes

En relations historiques avec Arthur Andersen, puis avec EY après l’absorption du premier par le second, Neopost a choisi de s’appuyer sur ce cabinet de commissariat aux comptes en raison de son implantation géographique, qui lui permet de couvrir l’intégralité du périmètre du groupe. En complément, la société a opté pour une structure de plus petite taille : Finexsi Audit. «Recourir aux services d’un tel cabinet, aux côtés d’EY, nous paraissait constituer un bon équilibre, explique Jean-François Labadie. Nous consultons celui-ci principalement sur des sujets techniques, comme le traitement des normes comptables IFRS ou les tests de dépréciation (impairment tests).» Ces mandats prendront fin en janvier 2016 pour Finexsi Audit et en janvier 2019 pour EY.

  • Conseil

La direction financière travaille régulièrement avec des cabinets externes, sur plusieurs thématiques. Affichant une dette nette d’environ 800 millions d’euros, elle accorde une attention particulière à la gestion de cette dernière. Pour la conseiller en matière de produits de couverture notamment, elle est en relation avec Forex Finance. En outre, la banque d’affaires Lazard intervient sur les problématiques de fusions-acquisitions, tandis que le cabinet d’avocats Landwell & Associés est sollicité pour les aspects liés à la fiscalité. Enfin, dans la mesure où la direction des systèmes d’information est rattachée à la fonction finance, Jean-François Labadie et ses équipes se font également accompagner par Accenture pour les chantiers informatiques.

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