Stratégie

Une direction financière à la loupe : Econocom

Publié le 3 juin 2016 à 18h16

Arnaud Lefebvre

Spécialisé dans la digitalisation des entreprises, le groupe Econocom s’est engagé dans une stratégie de développement portée en partie par un important volet d’acquisitions. Pour Galiane Touze, secrétaire générale du groupe, le pilotage des performances revêt donc une grande importance, ce qui se traduit notamment par une forte proximité des équipes financières et opérationnelles.

La soif de croissance externe d’Econocom est inextinguible. Fin mars, le groupe spécialisé dans la digitalisation des entreprises (2,316 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015) a en effet finalisé le rachat de 60 % du capital de Cineolia, un fournisseur de services digitaux auprès de patients en milieu hospitalier. Si cette acquisition constitue la première de 2016 pour la société d’origine belge, elle intervient après dix opérations de ce type bouclées l’année dernière ! De quoi largement mobiliser Galliane Touze, secrétaire générale de l’entreprise de services du numérique (ESN, ex-SSII) en charge des finances, du juridique corporate et du M&A. «Après avoir réalisé au cours des dernières années des acquisitions de taille significative, à l’image de celles du groupe ECS auprès de la Société Générale en 2010 (pour 210 millions d’euros) et d’Osiatis en 2014 (pour 175 millions d’euros), nous avons fait le choix de nous focaliser sur des PME disposant d’une expertise dans des secteurs de pointe, ce qui nous permet d’enrichir notre offre de transformation digitale de manière très ciblée, tout en simplifiant l’intégration des entités puisque nous laissons une grande autonomie aux dirigeants de ces sociétés dont ils restent d’ailleurs actionnaires, précise-t-elle. Ce modus operandi portant ses fruits, il contribue à renforcer notre offre digitale, accélérer notre croissance et améliorer notre profitabilité, nous allons le poursuivre dans les prochains mois.» Sous l’effet de la croissance tant externe qu’organique (+ 8 % sur un an en 2015), la société cotée sur Euronext Bruxelles vise ainsi un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros et un résultat opérationnel courant de 150 millions (117,7 millions en 2015) à horizon 2017.

Dans l’accompagnement de cette stratégie, la fonction finance d’Econocom est amenée à occuper un rôle central. Au-delà du rattachement du volet relatif aux fusions-acquisitions à Galliane Touze, cette position privilégiée s’explique avant tout par les spécificités du secteur dans lequel opère le groupe, marqué par des évolutions technologiques constantes. «Surtout, la finance fait partie de notre ADN, elle est au cœur de nos offres : l’activité de gestion administrative et financière représente 50 % de notre chiffre d’affaires et constitue un différenciateur stratégique par rapport aux autres ESN. La finance est également un accélérateur de notre croissance. Au cours des deux dernières années nous avons émis deux emprunts obligataires et lancé un programme de billets de trésorerie (voir encadré).»

Des processus en voie d’automatisation

S’appuyant sur une équipe d’environ 215 personnes – dont une vingtaine de collaborateurs basés au siège – réparties dans une dizaine de pays, Galliane Touze accorde, à ce titre, une attention renforcée au contrôle de gestion. «Depuis sa création il y a quarante-deux ans, le groupe a fondé son approche sur le concept du “face reality”, impliquant de regarder les chiffres de près», confirme la secrétaire générale. Pour le mettre en œuvre, la fonction finance a alors opté pour un processus «bottom-up». «L’ensemble des patrons opérationnels sont en effet responsables de leur compte de résultat, explique-t-elle. A ce titre, nous leur demandons chaque mois de rédiger un “management letter” : dans ce document, dont le format n’est pas contraint, ces derniers doivent décrire les principales tendances et principaux chiffres de la période écoulée et actualiser leurs prévisions budgétaires sur un horizon de trois mois. Cet exercice les incite à travailler étroitement avec les équipes financières locales et contribue à renforcer le rôle de “business partners” de ces dernières. Cela incite également à anticiper et proposer des mesures correctrices si nécessaire : cet exercice mensuel contribue à la réactivité et à l’agilité du groupe.» Au niveau du siège, où quatre personnes sont affectées au contrôle de gestion, la plupart de ces informations sont ensuite reprises dans les reportings. Publiés sur un rythme mensuel, ceux-ci mettent l’accent sur les principaux agrégats financiers (chiffre d’affaires, résultat opérationnel, rentabilité des capitaux investis…) au niveau de chaque business unit et de chaque pays.

Afin de faciliter la tâche des contrôleurs de gestion, la fonction finance d’Econocom s’est engagée, depuis quelques années déjà, dans une démarche d’automatisation de ses processus. Conduit par une équipe projets (1,5 équivalent temps plein), ce chantier se traduit actuellement par le déploiement de l’ERP du groupe dans l’ensemble de ses filiales. «Le groupe a un modèle de croissance mixte et réalise chaque année plusieurs acquisitions, rappelle Galliane Touze. L’harmonisation de nos systèmes est donc un enjeu important, facilitant ainsi l’établissement des reportings et générant des gains de productivité. Nos collaborateurs disposent dès lors de plus de temps pour se consacrer à des missions à plus forte valeur ajoutée.» En parallèle, ce département travaille, en ce moment, sur la mise en place d’outils de dématérialisation (factures, mandats, etc.).

Un rythme de publication modifié

Tout aussi sollicitée en raison notamment de la dynamique acquisitive du groupe, la direction en charge de la comptabilité et de la consolidation est composée, pour sa part, de trois collaborateurs. Elle traite désormais plus de 80 liasses fiscales. Alors que ce nombre est en augmentation constante, ce département a également été impacté par la volonté de la direction financière d’avancer le calendrier des publications de résultats. «Nous effectuons une première publication autour du 20 janvier (le 18 janvier cette année) avec le chiffre d’affaires et une indication de résultats, avant une publication complète début mars. Nous essayons de faire aussi bien que les meilleurs élèves du SBF 120. Cette exigence conduit les équipes comptables à rechercher des axes d’amélioration et d’optimisation, à repenser les process pour anticiper les éléments financiers susceptibles de l’être, comme par exemple les coûts pour l’activité de services et les goodwills en procédant plus en amont aux tests de dépréciation d’actifs (impairment tests).» Ce faisant, un premier projet de rapport annuel peut ainsi être rédigé courant décembre, avant d’être actualisé durant le premier trimestre.

Même s’il ne compte qu’un seul collaborateur au niveau central, le département en charge de la fiscalité est, lui aussi, stratégique. «Dans la mesure où nous acquittons plus de 20 millions d’euros d’impôts par an, nous accordons beaucoup d’importance aux problématiques fiscales», confie Galliane Touze. En plus d’assister les directeurs financiers locaux sur ce type de sujets, le responsable fiscal d’Econocom focalise notamment son attention sur certains dispositifs particuliers. En tant que groupe innovant, l’ESN bénéficie par exemple du crédit d’impôt recherche (CIR). «Pour la société, il s’agit d’un outil important qui représente plus de 3 millions d’euros de résultat opérationnel par an, témoigne la secrétaire générale. Ce sujet est intéressant mais complexe et nécessite un suivi permanent.» Il en va de même pour les prix de transfert. Autant de sources de complexité qui conduisent ce département à solliciter, au besoin, des conseils externes (voir l’encadré sur Les partenaires de la direction financière).

Des roadshows en préparation aux Etats-Unis

Parmi les principales prérogatives de la direction financière figure enfin la communication financière. Assurée par Galliane Touze, épaulée le plus souvent par un directeur exécutif, cette tâche implique, outre les obligations classiques liées à la publication des comptes, la gestion des relations avec les analystes suivant la valeur en Bourse. «Au nombre de six (Exane, ING, KBC, Petercam, CM-CIC Securities et Oddo), nous les rencontrons a minima lors de réunions concernant la publication de nos résultats semestriels et annuels», explique la secrétaire générale. Emettant assez régulièrement sur les marchés de capitaux, Econocom organise également de nombreux roadshows ou rencontres avec des investisseurs. «Chaque année, nous en réalisons au moins trois en France, un ou deux en Belgique et un en Allemagne et au Royaume-Uni, poursuit Galliane Touze. En 2016, nous avons planifié nos premiers roadshows aux Etats-Unis et en Suisse sur les conseils de nos brokers, afin d’élargir encore notre base d’actionnaires.»

Mais ces efforts de communication ne se limitent pas seulement à la sphère externe. Considérant qu’il est nécessaire, pour faire adhérer l’ensemble des collaborateurs, de partager avec eux les informations importantes de la vie du groupe (résultats financiers, acquisitions…), la société tient en effet tous les mois une réunion à laquelle participent ses trente principaux managers. «L’idée est que ces derniers diffusent ensuite les messages clés à leurs équipes, tant opérationnelles que financières», souligne Galliane Touze. Cette volonté de maintenir un tel lien se reflète directement dans la politique de ressources humaines mise en place par Econocom, qui repose notamment sur un programme de gestion des talents.«De manière globale, mais plus particulièrement dans le cadre de ce dernier, la fonction finance veille à rester à l’écoute des attentes de ses collaborateurs, et surtout à être en mesure de leur proposer des évolutions et des formations, insiste Galliane Touze. Dans ce contexte, nous mettons un fort accent sur la mobilité interne.» Au cours des derniers mois, le directeur financier en charge de l’activité Services a par exemple pris la tête de la fonction finance du groupe au Benelux, tandis qu’un contrôleur de gestion travaillant au siège vient de rejoindre le département d’audit interne. Plusieurs promotions ont également été effectuées, avec un contrôleur groupe nommé directeur des participations, un poste nouvellement créé dans le but d’assurer la bonne intégration des entités acquises. Afin de permettre à ses managers de renforcer constamment leurs compétences, l’entreprise a aussi créé, en 2012, son école de management, l’«Econocom Management Academy». «Reposant sur un programme de cours répartis dans l’année, cette formation, ouverte à environ 400 de nos managers, concerne notamment mes équipes, tous mes N-1 l’ont par exemple suivie.» Cette stratégie RH permet ainsi à la fonction finance d’Econocom d’afficher un niveau de turn-over extrêmement limité. De bon augure au regard des objectifs de croissance que s’est engagé à atteindre l’année prochaine le groupe, d’autant plus que celui-ci travaille actuellement sur un plan stratégique 2018-2022 dont «l’un des axes clés sera l’amélioration de la profitabilité opérationnelle».

Une direction spécifique pour le financement

  • Alors qu’Econocom opère dans trois activités («technology management & financing», «services» et «produits et solutions»), le périmètre de sa direction financière a évolué. «Historiquement, le pôle trésorerie et financement était rattaché à la fonction finance, rappelle Galliane Touze. Il y a quelques années, nous avons fait le choix de le scinder.»
  • Une décision motivée par les spécificités de l’activité de location. «Aujourd’hui, nous accordons dans le cadre de notre activité de gestion administrative et financière plus d’un milliard d’euros de financements à nos clients, poursuit Galliane Touze. Cet enjeu stratégique du groupe que constitue le refinancement de nos contrats de location a été confié à une direction du financement dirigée par Valérie Clar, dont les équipes travaillent également sur le financement du groupe.»

Le parcours de Galiane Touze

Diplômée de l’ESC Rouen, Galliane Touze débute sa carrière chez PricewaterhouseCoopers au poste d’auditeur, avant de devenir contrôleur financier chez Hutchison Télécommunications France (groupe Orange), où elle est promue directeur délégué au budget et à la stratégie. Elle rejoint ensuite, en 2001, Cable & Wireless en tant que responsable du développement pour l’Europe continentale. C’est l’année suivante qu’elle intègre Econocom en qualité de responsable des acquisitions groupe. Depuis 2007, elle y occupe la fonction de secrétaire général, en charge notamment des finances.

Endettement : un large recours à la désintermédiation

  • Désintermédiée à près de 50 %, la dette d’Econocom se caractérise par une grande variété d’instruments. En plus de recourir de longue date à l’affacturage, la société a en effet émis, en 2011 puis en 2014, des obligations convertibles, respectivement des Oceane et des Ornane. Il y a un an, elle a réalisé son premier placement privé, un Euro-PP de 101 millions d’euros. Enfin, en octobre dernier, elle a lancé un programme de billets de trésorerie, dont la taille est plafonnée à 300 millions d’euros.

Une visibilité renforcée sur les marchés financiers

  • Le 9 juin prochain, Econocom célébrera sa vingtième année de cotation sur Euronext (Bruxelles). Fort de cet historique, le groupe s’est vu intégrer, en avril 2015, dans l’indice nouvellement créé par Enternext «Tech40». Un label qui, selon l’opérateur de marché, «permet de distinguer des PME-ETI innovantes européennes cotées» et, surtout, de leur faire bénéficier pendant un an d’un dispositif de promotion et d’accompagnement, incluant par exemple des roadshows à l’international. «Nous sommes fiers d’avoir été choisis pour la seconde année parmi plusieurs centaines de sociétés innovantes européennes», se réjouit Galliane Touze.
  • La société a souhaité avoir la même visibilité en ce qui concerne ses obligations émises en mai 2015 dans le cadre d’un placement privé. Alors même que la part des Euro-PP non cotés ne cesse d’augmenter, pour représenter aujourd’hui les deux tiers environ des nouvelles opérations de ce type, Econocom a décidé de «lister» ses titres sur Alternext. «Le listing de notre Euro-PP contribue à notre notoriété auprès des investisseurs ainsi qu’à leur renvoyer une image d’exigence, le groupe ayant fait le choix de la transparence», explique Galliane Touze.

Les partenaires de la direction financière

Les banques

Cinq établissements composent le principal pool bancaire du groupe : la Société Générale, BNP Paribas, ING, LCL et Belfius. Dans la mesure où il offre des solutions de financement à ses clients sous la forme de location, pour un montant annuel de plus de 1 milliard d’euros, Econocom s’appuie sur un nombre de partenaires sensiblement plus important. «Nous entretenons des relations avec 35 banques, qui sont pour l’essentiel des filiales des grandes banques européennes», précise Galliane Touze.

 

Les auditeurs et commissaires aux comptes

Depuis de nombreuses années, les comptes d’Econocom sont audités par PricewaterhouseCoopers. «En la matière, nous souhaitons maintenir une stabilité. Comme certaines de nos activités, en particulier celle de location, sont assez complexes à comptabiliser, le fait d’être accompagné par un partenaire connaissant parfaitement la société constitue un gage de qualité et d’efficacité.»

Les conseils

En fiscalité, Landwell & Associés intervient sur des sujets en Belgique et en France, comme par exemple les prix de transfert et le crédit d’impôt recherche (CIR). Sur les opérations de fusions-acquisitions, une large partie des dossiers est gérée en interne, ce qui n’empêche pas Econocom de solliciter les cabinets Gide et Racine, ses partenaires juridiques. S’agissant plus spécifiquement des due diligences financières, le groupe a mandaté, au cours des derniers mois, Eight Advisory, PwC, EY, Finexsi ou encore Aplitec. «En revanche, nous sollicitons peu les grandes banques ou banques d’affaires pour structurer nos opérations de croissance externe, explique Galliane Touze. Nous avons au fils des années développé des compétences en interne.»

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