Stratégie

Une direction financière à la loupe... Elis

Publié le 27 novembre 2015 à 18h03

Alexandre Rajbhandari

Rompue aux LBO, la direction financière d’Elis était suffisamment organisée pour gérer sans difficultés majeures l’introduction en Bourse de la société, réalisée en février dernier. Néanmoins, l’opération a élargi son champ d’action, en l’amenant notamment à créer un poste dédié aux relations investisseurs et à reconsidérer son approche de la gestion des risques.

Pour la direction financière d’Elis, 2015 aura constitué une année particulièrement active. D’abord, la société de blanchisserie industrielle (1,331 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2014) est sortie du giron du capital investissement pour s’introduire en bourse le 11 février dernier. Un nouveau changement d’univers pour ce groupe qui, fondé en 1883 par la famille Leducq, est resté sous le contrôle de la famille jusqu’en 1997, avant d’entrer dans le monde du private equity avec BC Partners, puis PAI Partners en 2002, et enfin Eurazeo à partir de 2007. Elis a ainsi réalisé une des plus grosses introductions en bourse de l’année, plaçant 854 millions d’euros sur les marchés boursiers. Quelques semaines plus tard, la société levait 800 millions d’euros sous la forme d’obligations pour se refinancer. Deux appels successifs aux marchés qui ont entraîné des implications importantes pour la fonction finance.«En effet, le fait d’être coté nous donne également de nouvelles responsabilités, notamment en termes de présentation de nos comptes et de communication financière, explique Louis Guyot, directeur administratif et financier d’Elis. Afin de répondre à ces nouvelles contraintes, nous avons renforcé l’organisation de la direction financière.»

Des créations de postes

Ainsi la composition de cette dernière a été modifiée. L’introduction en bourse a en effet généré un besoin de communication financière que la société n’avait jamais eu à gérer auparavant. «Jusqu’à présent, nos créanciers étaient peu nombreux et nos échanges courants avec ces derniers étaient assurés par notre trésorier», signale Louis Guyot. Désormais, Elis doit assurer une communication financière publique et permanente, ce qui a poussé le directeur financier à créer un nouveau pôle au sein de sa direction financière. «Nous avons recruté, le lendemain de l’introduction en bourse, Nicolas Buron en tant que responsable de l’ensemble de nos relations investisseurs», poursuit Louis Guyot. Celui-ci est responsable de l’élaboration de la stratégie de communication avec les analystes et les investisseurs obligataires et actions. «Outre l’élaboration de nos communiqués financiers, il organise également tous les événements d’échange avec nos partenaires financiers (analyste et investisseurs), de la publication de nos résultats à nos roadshows en passant par les conférences et les forums», précise Louis Guyot.

La cotation a également amené Louis Guyot à chercher à renforcer la direction juridique, également placée sous son périmètre et sous la supervision de Bastien Soret.«Nous avons recruté une juriste qui aura la charge de s’occuper de toutes les problématiques de droit boursier, explique Louis Guyot. Cette personne devra notamment coordonner la rédaction de notre document de référence. Elle sera aussi responsable de l’organisation de l’assemblée générale des actionnaires.» Cette recrue vient renforcer un département composé jusqu’alors de deux juristes. Barthélémy Morin s’occupe de toutes les problématiques juridiques corporate. «Il est responsable de la rédaction des contrats, de la vie de la centaine de sociétés du groupe, des problématiques de concurrence, et des aspects juridiques lors d’opérations de croissance externe», précise Louis Guyot. De son côté, Sophie Montel-Gallon, au poste de directrice administrative, travaille principalement sur les problématiques liées à l’immobilier et aux baux des différentes entités d’Elis.

La mise en place d’une équipe dédiée au risk management

Dans la perspective de l’introduction en bourse, un troisième département a également vu le jour en 2013. «Dès mon arrivée en 2013, afin de préparer le groupe à changer de dimension, j’ai décidé de structurer un département consacré à la gestion des risques autour de l’équipe existante d’auditeurs internes», signale Louis Guyot. Ce pôle, placé sous la responsabilité de Cyril Jausserand, compte désormais quatre professionnels. «Ces derniers ont pour mission, en plus de leurs responsabilités de contrôleurs internes, de réaliser une cartographie des risques pour l’ensemble du groupe», poursuit Louis Guyot. Ils doivent ainsi, pour chaque département d’Elis, identifier tous les risques pouvant survenir, qu’ils soient de nature financière, fiscale, juridique, opérationnelle ou bien stratégique. L’objectif consiste ainsi à s’assurer que ces derniers sont bien couverts par une police d’assurance adéquate. «Ce travail, qui s’est révélé utile lors de la rédaction de notre document de base, a également permis au groupe de prendre conscience des paramètres à surveiller afin de se développer plus sereinement, estime Louis Guyot. Après ce premier axe, nous devons désormais travailler, par la mise en place de processus préventifs, sur le pilotage des risques d’Elis.»

En outre, Louis Guyot a travaillé à la réorganisation de son département comptable, comptant 34 personnes et piloté par Philippe Arbelot.«A mon arrivée dans la société, en novembre 2013, ce département avait des difficultés pour s’adapter aux divers processus induits par la mise en place récente de SAP», se souvient Louis Guyot. Ainsi, les comptables faisaient face à des problèmes techniques pour, par exemple, enregistrer les livraisons de leurs fournisseurs et payer les factures correspondantes. «Nous avons fait appel aux services d’un cabinet pour résoudre ces dysfonctionnements, poursuit Louis Guyot. Désormais, un des collaborateurs du département comptable, qui a pour mission d’améliorer des processus comptables sous SAP, est également chargé de résoudre les problèmes techniques ponctuels liés à l’utilisation de l’ERP.»

En outre, le précédent système d’informations proposait une vision du groupe par entités. Le passage sous SAP nécessitait de repenser l’organisation par type d’écritures comptables.«J’ai donc organisé le département comptabilité de manière à ce que le traitement comptable corresponde au mieux au fonctionnement du progiciel, explique Louis Guyot. Ainsi, chaque comptable s’occupe d’un sujet comptable transverse, comme par exemple les immobilisations ou les sujets sociaux, et enregistre les écritures comptables correspondantes pour toutes les entités du groupe, quelle que soit leur localisation géographique.» Ces données sont ensuite agrégées par l’équipe de Pierre Gette, chef de la consolidation. «Ce dernier pilote une équipe de quatre spécialistes, qui travaillent également de façon transverse», précise Louis Guyot. Ainsi organisée, l’équipe produit chaque mois les résultats consolidés en cinq jours.

Un contrôle de gestion exigeant

Contrairement au département comptable, l’équipe s’occupant du contrôle de gestion, placée sous la supervision de Jean-Etienne Rivière, n’a pas connu de modification majeure au cours des dernières années. «Le processus de contrôle de gestion d’Elis était déjà très efficace lors de mon arrivée, il n’avait donc pas besoin d’être réorganisé», insiste Louis Guyot. Ainsi, deux collaborateurs sont responsables du contrôle financier, c’est-à-dire de la vérification de la fiabilité des données communiquées par la comptabilité, tandis que les neuf autres contrôleurs de gestion s’occupent chacun du pilotage de la performance de subdivisions régionales du groupe Elis. Si l’organisation du département est classique, l’analyse de la performance est particulièrement approfondie.«Les contrôleurs de gestion doivent s’efforcer de respecter la même finesse d’analyse, quelle que soit la taille de l’entité concernée, explique Louis Guyot. Ce travail très exigeant permet ensuite aux directeurs régionaux, lors des réunions avec la direction, d’être capables d’expliquer, à l’échelle d’une subdivision régionale, des écarts de l’ordre de 1 000 euros seulement.»

Enfin, la direction financière est complétée par le département de la trésorerie, supervisé par Philippe McVean. «Philippe McVean et un de ses collaborateurs gèrent l’ensemble des dettes et de la trésorerie du groupe, indique Louis Guyot. Ils sont également responsables de la gestion du cash de la société.» Une tâche importante car la société ne dispose pour l’instant que d’un cash pooling limité. «Le groupe est présent dans 12 pays, mais notre système de cash pooling ne concerne que la France, la Belgique et le Luxembourg, détaille Louis Guyot. Ainsi, nous devons encore réaliser les virements entre nos différentes entités européennes de façon régulière.» Certes, Elis compte, au cours des cinq années à venir, étendre son cash pooling à l’ensemble des entités du groupe. Toutefois, les obstacles sont nombreux. D’une part, les différentes entités du groupe résultant d’opérations de croissance externe, elles n’ont pas toutes leurs comptes bancaires au sein du même établissement bancaire. D’autre part, la mise en place d’un cash pooling est très compliquée à réaliser dans certains pays. «Par exemple, la fiscalité brésilienne rend les transferts de cash plus complexes», illustre Louis Guyot.

Le département de la trésorerie compte également trois personnes, responsables du recouvrement des créances clients lorsque celles-ci présentent des arriérés conséquents. «Ces collaborateurs reprennent les dossiers lorsque les responsables clients, qui sont tous localisés dans les centres régionaux, n’ont pas réussi à s’accorder avec nos partenaires sur un plan de remboursement de leurs créances», précise Louis Guyot.

Des collaborateurs très stables

Si la direction financière a connu quelques ajustements d’effectifs ces dernières années, le turnover de ses salariés demeure particulièrement faible. «Il m’arrive régulièrement de remettre des médailles de travail de 40 ans à des personnes qui ont passé l’intégralité de leur carrière chez Elis, atteste Louis Guyot. Certes, certains talents, comme les contrôleurs de gestion, sont plus jeunes et plus mobiles, reconnaît Louis Guyot. Mais s’ils quittent l’entreprise, c’est davantage parce qu’ils recherchent de nouvelles opportunités.»

Outre cette stabilité des collaborateurs financiers, Louis Guyot se réjouit également de l’attractivité gagnée par Elis depuis son entrée en bourse.«Nous sommes régulièrement contactés par des candidats de très grande qualité qui souhaitent nous rejoindre», certifie Louis Guyot. Un phénomène de bon augure pour le groupe, qui prévoit de renforcer ses équipes pour soutenir son développement.

Le parcours du directeur financier : Louis Guyot

Polytechnicien et ingénieur du corps des Ponts et Chaussées, Louis Guyot commence sa carrière dans le secteur public. En 1998, il entre à la direction du Trésor en tant qu’adjoint au chef du bureau consacré au financement du logement et des collectivités locales. Trois ans plus tard, il devient directeur administratif et financier du groupe de maisons de retraite Medica, propriété de la Caisse de dépôts. En 2004, Louis Guyot rejoint la Compagnie des Alpes, également dans le giron de la Caisse des Dépôts, au poste de directeur du développement et de la stratégie.

Trois années plus tard, il est nommé directeur finances et opérations de la direction du développement chez Dalkia, la division énergie du groupe Veolia, avant de revenir vers le secteur des maisons de retraite en 2010 en tant que directeur général finances et international de Korian.

En octobre 2013, Louis Guyot est recruté par Elis en tant que directeur administratif et financier.

Le M&A géré en dehors de la direction financière

  • Chaque année, la société acquiert entre 5 et 10 sociétés de blanchisserie industrielle, souvent familiales, dont le chiffre d’affaires peut aller jusqu’à 20 millions d’euros. Un rythme soutenu, qui nécessite d’avoir un professionnel dédié à la prospection des cibles, en France comme à l’étranger.
  • Pour cette tâche, Elis a réalisé un choix original. «Il existe des organisations où le M&A est rattaché à la direction financière, détaille Louis Guyot. Chez Elis, cette responsabilité est rattachée à un membre du comité de direction en charge notamment du développement.» Un choix particulier, que le directeur financier justifie par la volonté de mener une politique de croissance externe raisonnée.
  • «Il est préférable que la croissance externe soit de la responsabilité de collaborateurs qui travaillent directement avec le terrain, comme c’est le cas chez Elis, estime Louis Guyot. En effet, ils sont plus à même de juger de la performance opérationnelle des cibles, et le groupe est ainsi assuré de ne pas procéder à des acquisitions qui se révèlent ensuite difficiles à intégrer.»

Les partenaires de la direction financière

Les banques

La direction financière d’Elis travaille avec un pool bancaire constitué de 5 banques : BNP Paribas, Deutsche Bank, Crédit Agricole, Société Générale et HSBC. Chacune d’entre elles a apporté plus de 100 millions d’euros dans le crédit syndiqué de 600 millions d’euros de la société. Ces banques ont également structuré l’emprunt obligataire de 800 millions d’euros au mois d’avril dernier.

Les commissaires aux comptes

Depuis 2007, Elis travaille avec les cabinets Mazars et PwC. «Notre actionnaire majoritaire de l’époque, Eurazeo, avait l’habitude de travailler avec ces cabinets, explique Louis Guyot. Pour des raisons pratiques, nous avons décidé de travailler avec ces mêmes prestataires.»

Malgré la sortie du groupe du giron d’Eurazeo, la société n’envisage pas encore de changer de commissaires aux comptes. «Il est particulièrement confortable de travailler avec des commissaires aux comptes qui connaissent bien notre mode de fonctionnement», reconnaît Louis Guyot.

Les avocats-conseils

Pour tous les sujets concernant le financement de la société et les opérations de type corporate, Elis travaille avec le cabinet Sullivan & Cromwell. C’est d’ailleurs avec ces avocats que la société a travaillé pour réaliser son introduction en bourse, ou dans le cadre de ses acquisitions.

En revanche, Elis gère l’ensemble de ses problématiques d’ordre fiscal avec le cabinet Fidal.

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