Table ronde

Pour doper l’épargne salariale, une baisse indispensable du forfait social

Publié le 26 mars 2018 à 15h06    Mis à jour le 27 juillet 2021 à 11h29

Propos recueillis par Eric Leroux

Projets de réforme du gouvernement, extension de l’épargne salariale aux PME, apports de la gestion déléguée : les participants à notre table ronde passent en revue tous les leviers pour un développement du partage du profit. Les enjeux sont clairs : casser l’image de complexité, sensibiliser les employeurs sur les possibilités qui leur sont ouvertes, et faire œuvre de pédagogie auprès des salariés. Les choses bougent dans le bon sens !

Le gouvernement a mis le partage des profits à l’agenda. Qu’attendez-vous de ces discussions ?

Quelles sont vos attentes ?

Jean-François Schmitt, directeur général, Humanis Gestion d'Actifs : Le projet de loi Pacte essaie de poursuivre trois objectifs à la fois, avec le risque qu’il n’en atteigne aucun.

Le premier objectif concerne l’épargne, notamment celle des jeunes générations qui auront besoin d’un complément de retraite, car elles ne peuvent pas compter sur des revenus de remplacement aussi élevés que par le passé. Il faut donc inciter les jeunes à épargner pour faire face à la baisse à venir.

Le deuxième point du projet de loi tourne autour du renforcement du financement des PME, et le troisième aborde le partage des profits. Ce que nous attendons, c’est d’abord une simplification de l’épargne salariale. Aujourd’hui, les dispositifs sont perçus par les entreprises et les salariés comme relativement complexes, alors qu’ils étaient autrefois simples. Cette supposée complexité est particulièrement ressentie par les TPE et PME. C’est le principal frein au développement.

François Dillemann, directeur commercial, CIC Epargne Salariale : L’épargne salariale et retraite est impactée par deux des thèmes du projet de loi Pacte. Le «partage de la valeur et l’engagement sociétal des entreprises» est une bonne chose. Il s’agit de «démocratiser» l’épargne salariale en la rendant accessible à un plus grand nombre d’entreprises, notamment TPE et PME au travers de mesures comme «l’abaissement du seuil de déclenchement de la participation de 50 salariés à 10 salariés». Cela permettrait à un plus grand nombre de salariés de bénéficier de ces systèmes de rémunération complémentaires. Cette mesure est soutenue par l’AFG.

Une autre mesure favoriserait l’accès à l’épargne d’entreprise à un plus grand nombre, en continuant à développer l’actionnariat salarié, en visant un objectif de 10 % du capital des entreprises françaises détenu par les salariés. Développer l’actionnariat durable dans les entreprises françaises permettrait de pérenniser le capital, car la présence de salariés actionnaires constitue un véritable bouclier anti-OPA. L’actionnariat permet aussi aux salariés d’être plus impliqués dans l’entreprise, car ils s’intéressent indirectement à sa gouvernance, ils comprennent alors mieux sa vie et savent vers quoi tendent leurs efforts.

Le deuxième thème relatif au financement des entreprises propose d’unifier les produits d’épargne-retraite supplémentaire existants en un «compte avenir», individuel ou collectif. Cela devrait conduire à la fusion des instruments de retraite, à la fois assurantiels, comme l’article 83 ou 39, et d’épargne salariale comme le Perco. Nous ne sommes pas favorables à cette mesure, car sa mise en œuvre serait complexe et elle devrait concilier plusieurs dispositifs qui sont aujourd’hui très différents. Le Perco est régi par le Code du travail. L’article 83 et l’article 39 sont régis par le Code général des impôts. A quoi rattacherait-on ce nouveau dispositif ? Ces instruments nous semblent complémentaires et non pas concurrents. Cette volonté d’unifier les produits d’épargne-retraite collectifs semble préparer la réforme des retraites de 2019.

Le gouvernement souhaite aussi durcir le mode de sortie du Perco en privilégiant la rente au détriment de la sortie en capital, alors que les salariés sont encore très attachés à une sortie en capital. Afin de rendre le dispositif «attractif», le nouveau dispositif proposerait une sortie en rente et/ou en capital. Dans ses propositions, l’AFG préconise une sortie en capital si le montant global est inférieur à deux Pass (80 Ke). Le cas de déblocage pour l’acquisition de la résidence principale disparaîtrait, ce qui serait dommageable, car c’est l’élément majeur qui incite les plus jeunes à verser dans le Perco. D’autre part, être propriétaire, c’est aussi préparer sa retraite.

José Castro, directeur du développement corporate de Natixis Interépargne : Cette réforme vise à un meilleur partage de la valeur, elle devrait favoriser la diffusion de l’épargne salariale au sein des entreprises de moins de 50 salariés, via l’abaissement des seuils de déclenchement de la participation/l’intéressement.

Un autre objectif de la réforme est de concourir au financement de l’économie. Rappelons que la détention d’actions par les Français reste très majoritairement le fait de l’épargne salariale. Environ trois millions d’épargnants sont devenus actionnaires (et non exclusivement de leur propre entreprise) par ce biais. Les épargnants qui investissent à long terme (dans le Perco) investissent majoritairement en actions ou en produits diversifiés, et ils sont très sensibles à la souplesse et à la flexibilité de ce dispositif. Une évolution sur le mode de sortie risquerait de détourner les populations jeunes et/ou à faibles revenus du Perco, et de remettre en cause cette dynamique vertueuse d’épargne à long terme.

Hubert Clerbois, associé spécialisé sur l’épargne retraite, EPS Partenaires : Le partage des profits est un serpent de mer. Le principe a été inventé sous le général de Gaulle, puis revisité par les différents gouvernements. Ce n’est donc pas un sujet nouveau, mais c’est un instrument de motivation des salariés.

Le projet de loi Pacte pourrait proposer de redéfinir les outils, voire de fusionner PEE et Perco. Mieux vaudrait donc que la loi se concentre sur un abaissement des seuils de déclenchement de la participation, pour que les salariés de PME et TPE disposent de cet instrument.

De la même manière, la fusion de la participation et de l’intéressement serait une bien mauvaise idée, car même si les salariés ne comprennent pas toujours les ressorts propres à chaque mécanisme, ils répondent tous deux à des objectifs différents.

La participation, c’est une association aux résultats. L’intéressement répond, lui, à une autre logique : il peut être construit sur mesure afin d’être adapté à la réalité de l’entreprise. C’est aussi un bon moyen pour les chefs et directions d’entreprise de communiquer sur leur activité, en mettant en place un accord qui colle à ses spécificités. Ces deux outils du partage des profits doivent donc rester séparés, ce qui n’interdit pas de rechercher des simplifications.

L’autre idée consistant à fusionner épargne retraite de type article 83 et Perco n’est pas plus séduisante, car les entreprises se sont habituées à ces outils et s’en sont emparées. Ce n’est donc pas le moment d’arrêter cette dynamique et de tout chambouler.

Finalement, le vrai problème de l’épargne salariale, c’est son environnement social mouvant : augmentation du forfait social, baisses dans certains cas, augmentation de la CSG. C’est là le principal frein pour les entreprises, car elles craignent que leurs réalisations actuelles soient modifiées par la loi à un horizon assez court. Il est difficile d’être rassurant sur le sujet, car les changements ont été trop nombreux depuis dix ans.

Aujourd’hui, les entreprises se sont-elles vraiment emparées de l’épargne salariale ?

Quelles sont celles qui restent à l’écart ?

José Castro

Dans les grandes et moyennes entreprises, l’épargne salariale est pleinement intégrée à la politique de rémunération, depuis longtemps. L’épargne salariale est perçue comme un avantage différenciant proposé par l’entreprise à l’embauche, d’une part ; elle est un vecteur pour promouvoir l’actionnariat salarié, d’autre part. Face aux enjeux du financement de la retraite, elle joue son rôle puisqu’aujourd’hui, le quart des salariés du privé est couvert par un Perco.

Par contre, elle reste insuffisamment répandue dans les TPE/PME, et le défi de la réforme porte sur l’extension de l’épargne salariale aux entreprises de moins de 50 salariés. Bien sûr, elle pourrait être favorisée par la baisse du forfait social, mais il faut en simplifier la mise en place.

François Dillemann

Les grandes entreprises se sont bien emparées des systèmes d’épargne salariale et plus globalement des périphériques de rémunération offerts par la loi, elles ont pris conscience des enjeux, à la fois en matière d’attractivité pour leurs salariés mais aussi pour les avantages fiscaux et sociaux qu’ils offrent. Beaucoup d’entre elles s’équipent de Perco, ce qui se traduit par une croissance importante et régulière du nombre d’entreprises couvertes, de salariés bénéficiaires et de montants investis.

Les entreprises qui ont plus de 50 salariés doivent mettre en place un accord de participation, ce dernier doit être adossé à un PEE. Ces entreprises sont donc relativement bien équipées en épargne salariale. L’enjeu pour demain porte sur les PME et TPE de moins de 50 salariés. Aujourd’hui, un salarié sur deux est privé d’épargne salariale, soit parce que son entreprise n’a pas mis en place de dispositif, soit parce qu’elle a décidé de ne rien attribuer.

Il y a plusieurs manières de démocratiser l’épargne salariale. Tout d’abord, via l’intéressement, qui est aujourd’hui facultatif, mais qui est utile aux entreprises, car de par sa construction, il doit générer un surcroît de productivité — c’est en tout cas son objectif — versus la participation, qui s’appuie sur une formule légale.

Toujours dans une volonté de rendre l’épargne salariale accessible au plus grand nombre, l’AFG propose de rendre obligatoire l’adossement des accords d’intéressement à un PEE, ce qui est déjà le cas pour la participation. Cette mesure nous semble particulièrement intéressante.

Hubert Clerbois

Le Perco se développe rapidement, mais avec 6 900 euros en moyenne par plan, les montants sont notoirement insuffisants pour préparer un complément de retraite. Ils vont augmenter, mais il y a encore un long chemin à parcourir.

Les entreprises, grandes ou petites, commencent à prendre conscience que les dispositifs d’épargne salariale, la retraite supplémentaire ou les régimes de prévoyance contribuent à leur réussite. Ce sont d’ailleurs des points sur lesquels les candidats à un poste se renseignent de plus en plus avant de signer un contrat.

Il n’en reste pas moins que les PME sont peu équipées, et qu’elles sont difficiles à atteindre par les réseaux commerciaux de l’épargne salariale. De plus, elles sont souvent arrêtées par la complexité apparente du système. Il faut donc trouver un moyen d’accompagner l’acte commercial — une baisse du forfait social, une obligation d’investir l’intéressement dans le PEE ou le Perco –, afin que les lourdes démarches de mise en place puissent laisser espérer une rentabilité aux opérateurs. La baisse du forfait social me paraît être un impératif pour débloquer ce mouvement, d’autant que dans les PME où les salaires sont peu élevés, il existe de nombreux allégements de charges sociales qui font qu’une augmentation de salaire ne coûte pas forcément beaucoup plus cher que le versement d’une prime ou d’un abondement. Cela contribue aussi au fait que la PME n’emprunte pas cette voie de manière naturelle.

Jean-François Schmitt

Il y a une dichotomie flagrante entre les grandes entreprises qui ont les moyens pour articuler la rémunération de leurs salariés autour des différents dispositifs existants, et les PME pour qui l’épargne salariale semble être une contrainte.

On parle beaucoup de la France à deux vitesses, avec des salariés de grands groupes qui disposent déjà de tout un arsenal de dispositifs — épargne salariale, retraite, prévoyance — et ceux des PME où le salaire constitue la seule rémunération, malgré une moindre «sécurité de l’emploi».

Si l’on veut aller vers les petites entreprises, il faut un geste fiscal important, mais aussi des avancées sur la structuration, parce que le chef d’entreprise n’a pas le temps ni l’envie d’aller chercher des critères pour mettre en place de l’intéressement. L’idéal serait de parvenir à une formule de calcul par défaut pour faciliter le passage à l’acte. C’est très ambitieux et très complexe comme objectif, mais si l’on veut que l’intéressement se développe dans les TPE-PME, il faudra aider le chef d’entreprise avec un accord standard. A l’ère du digital, un accord d’intéressement devrait pouvoir être mis en place en deux clics. C’est cela qui ferait vraiment la différence.

La solution, pour les petites et moyennes entreprises, ne passe-t-elle pas par des accords de branche, qui permettraient d’irriguer l’ensemble d’un secteur d’activité?

Hubert Clerbois

La loi Macron avait prévu cette possibilité d’instaurer des accords d’intéressement, avec une formule commune à toutes les entreprises d’une branche. Une seule branche a avancé sur ce sujet : c’est celle des banques, qui sont plutôt loin de l’univers des PME.

L’accord de branche est une très bonne idée. Il faudrait creuser le sujet dans ce sens pour avancer au plus vite.

François Dillemann

C’est effectivement une idée qui fait son chemin : nous sommes de plus en plus consultés par des branches pour proposer des solutions allant dans ce sens. Il y a une volonté partagée des branches et du gouvernement, mais la négociation au sein des branches et, de ce fait, la mise en place des dispositifs prend du temps.

José Castro

Ce sujet mérite réflexion, mais surtout il s’insère dans une approche globale de nécessaire simplification souhaitée par les entreprises de mise en place des dispositifs d’épargne salariale.

Jean-François Schmitt

Nous répondons déjà à des appels d’offres issus d’accords de branche, et certains nous ont déjà été confiés. Il n’en reste pas moins que la translation entre l’accord de branche et le nombre de plans effectivement créés est plutôt décevante. Plutôt que d’inventer quelque chose de nouveau, il faudrait faire en sorte que les accords existants soient effectivement appliqués sur le terrain.

On évoque les différents taux de forfait social qui existent aujourd’hui - il y en a trois différents, allant de 8 à 20 %. Selon vous, quel serait le niveau idéal ?

Jean-François Schmitt

Le taux idéal, c’est zéro, pour permettre à des salariés de se constituer, en deux ou trois ans, une épargne significative permettant l’accession à la propriété, le financement de projets personnels, ou la préparation de la retraite future. Tant qu’il n’y a pas une différence significative avec les charges salariales, nous n’y arriverons pas, d’autant que la complexité reste perçue comme forte.

Hubert Clerbois

Le forfait social fait entrer environ 3 milliards d’euros par an dans les caisses des organismes sociaux. On imagine donc mal l’Etat se priver d’une telle manne. Il n’en reste pas moins qu’une baisse est indispensable pour encourager les entreprises à se lancer ou à majorer leurs efforts. Il faudrait aussi en finir avec les incitations temporaires, comme le forfait à 8 % pour les PME qui se lancent, mais qui n’est accordé que pour cinq ans. Il ne s’agit pas d’une économie de charges pérenne et les chefs d’entreprise le mesurent bien.

Par ailleurs, le forfait à 16 % ne concerne que les entreprises ayant un Perco Plus, et seulement pour les sommes qui y sont réellement investies. Pour gagner 4 points de forfait social, l’employeur doit donc rediscuter l’accord avec les partenaires sociaux et intégrer un fonds PME. Lorsque l’on mesure le travail que cela entraîne, on comprend que les entreprises ne le fassent pas.

François Dillemann

Le forfait social à 20 % est un frein sérieux. Il faut le réduire de manière significative si l’on veut généraliser l’épargne salariale. La baisse de 20 à 16 % n’a été utilisée que de manière opportuniste par des entreprises qui proposaient déjà des dispositifs, elle n’a pas été suffisante pour susciter un engouement auprès de celles qui restent. C’est donc un levier à actionner.

Le forfait social est aujourd’hui réduit à 8 % pour les entreprises qui mettent en place un dispositif d’épargne salariale pour la première fois, mais seulement sur une durée de six ans. Une initiative intéressante serait de généraliser cette baisse du forfait social, ou de le faire disparaître pour ces entreprises.

Le Perco est mis en avant pour la préparation de la retraite. Comment inciter les entreprises à renforcer leurs dispositifs ?

Jean-François Schmitt

Si l’on veut que le Perco soit un véritable outil de préparation de la retraite, il faut que le dispositif devienne trans-employeur. Cela permettrait au salarié travaillant dans une petite entreprise d’y investir, en sachant qu’il conservera ce vecteur d’épargne tout au long de sa carrière. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, car si le Perco est transférable, il faut pour cela que le nouvel employeur en mette un à sa disposition. A défaut, les transferts ne sont pas possibles.

PEE et Perco sont vus comme des plus apportés par l’entreprise, mais à l’inverse des pays anglo-saxons, ils ne sont pas assimilés à une solution pour la retraite. Il faudrait que le Perco devienne universel pour que les salariés se l’approprient et conservent la possibilité de sortie en capital, comme le souhaite l’écrasante majorité des salariés épargnants.

José Castro

Les entreprises, qui ont mis en place un Perco, ont compris qu’elles enclenchent ainsi un cercle vertueux pour épargner ; nous notons que les salariés sont nettement plus enclins à investir leur participation et/ou leur intéressement, en présence d’un PEE et d’un Perco, qu’en présence d’un PEE seul. L’abondement est bien sûr un facteur très incitatif : 73 % des versements effectués dans le Perco ont été abondés. L’abondement des versements affectés au Perco croît progressivement d’année en année (850 euros en moyenne). Certaines entreprises instaurent un abondement commun PEE/Perco avec une répartition plus favorable au Perco. Par contre, l’utilisation de la passerelle temps/Perco peut encore progresser ; source d’une fiscalité avantageuse pour le salarié, il convient de communiquer davantage sur ce mode de versement dans le Perco.

Les efforts des entreprises en faveur du Perco sont très bien perçus des salariés. Nous venons de co-mener une enquête auprès de plus de 130 000 épargnants, pour connaître leurs souhaits en vue d’épargner pour leur retraite. Parmi les solutions qui existent, tant individuelles que collectives, le Perco est plébiscité par 82 % des épargnants sondés ; le Perco arrive en seconde position, juste après l’assurance-vie, mais devant l’immobilier.

Les entreprises qui font bénéficier leurs salariés d’un Perco peuvent se réjouir d’avoir su valoriser ses atouts vis-à-vis des salariés.

François Dillemann

La portabilité est essentielle, mais la pédagogie est indispensable. Il faut sensibiliser les épargnants à la question de la retraite et à l’existence de différents systèmes.

Il faut aussi valoriser le rôle de l’entreprise. Elle est face à un vrai sujet «sociétal» et nous devons lui démontrer qu’elle peut devenir un acteur incontournable de la retraite de ses salariés.

Cette mise en valeur doit aussi passer par la mise en exergue des avantages du Perco, en particulier l’absence de charges patronales et de fiscalité sur les sommes versées par l’entreprise (participation, intéressement et abondement), la fiscalité attractive pour l’épargnant à la sortie et sur les perspectives de plus-values du Perco sur le long terme.

Les choses bougent cependant, nous le constatons avec le succès de la passerelle temps/Perco, c’est une des sources d’alimentation des Perco les plus «indolores» pour l’épargnant. Beaucoup d’entreprises ont mis en place des Perco, grâce à ce dispositif, qui permet de transformer en épargne des jours de repos non pris. C’est un vrai moteur de souscription. Les salariés ont ainsi la possibilité d’épargner jusqu’à dix jours de repos (congé payé, RTT…) par an, sans fiscalité et avec des charges sociales minorées. Les entreprises, elles, voient le niveau des charges diminué de l’ordre de 50 %. Pour bénéficier de cet avantage et favoriser ce transfert, nombre d’entre elles ajoutent d’ailleurs un abondement significatif.

Hubert Clerbois

L’entreprise a un rôle important à jouer pour inciter à investir dans le Perco, car celles qui disposent d’un Perco ont aussi un PEE. Elles peuvent orienter l’épargne vers l’un ou l’autre en modulant le montant de l’abondement. Si l’entreprise verse le même abondement dans les deux plans, le salarié ne verra pas la logique à privilégier le Perco et à bloquer son épargne jusqu’à la retraite, alors que le PEE, lui, offre plus de liberté. Reste que toutes les entreprises ne sont pas prêtes à intervenir pour la retraite de leurs salariés, car certaines estiment que ce n’est pas leur rôle.

Enfin, ce sont les jeunes qui ont le plus besoin de se constituer un complément de retraite. Il faudrait donc réfléchir à un moyen de les inciter à jouer la carte du Perco, au travers d’avantages fiscaux ou sociaux majorés.

La gestion financière de l’épargne salariale, et en particulier la gestion pilotée du Perco, apporte-t-elle de bonnes réponses aux salariés ?

François Dillemann

Oui. Dans les pays anglo-saxons, où cette gestion pilotée par horizon est présente depuis des décennies, toutes les études démontrent que c’est la formule la plus performante sur la durée. Peu de salariés ont envie de gérer eux-mêmes et, à défaut de gestion pilotée, ils se réfugient trop souvent dans les fonds prudents inadaptés à un horizon de moyen et long terme.

Il faut se féliciter que les pouvoirs publics aient encouragé cette voie en décidant que lors des choix par défaut (en l’absence de réponse du salarié), 50 % de la quote-part de participation était automatiquement investie dans le Perco en gestion pilotée.

Il ne faut cependant pas enfermer le salarié dans un carcan et il est nécessaire de lui laisser un espace de liberté. C’est ce qui nous a conduits à développer trois grilles d’allocations plus ou moins risquées, afin de répondre à toutes les attentes. Jusqu’ici, seule une grille, plutôt dynamique, était proposée, et elle pouvait rebuter des épargnants réfractaires au risque. En proposant aussi des options prudentes ou équilibrées, nous facilitons l’entrée dans le Perco.

La gestion pilotée dans le PEE doit aussi être une piste de réflexion, car la durée moyenne de détention de l’épargne salariale dans les PEE est aujourd’hui d’environ dix ans. Nous envisageons aussi de proposer une gestion sous mandat pour les épargnants qui le souhaitent. En attendant, nous développons des solutions avec un risque maîtrisé qui rencontrent un grand succès : ce sont des fonds investis à hauteur de 30 % en actions et où le capital est garanti à hauteur de 90 %. Cela permet d’offrir un instrument de diversification avec une connaissance totale du risque maximal encouru.

Jean-François Schmitt

Les grilles d’allocation dans la gestion pilotée ont l’avantage de permettre d’effectuer des moyennes à la hausse et à la baisse. C’est un pilotage automatique qui, sur vingt à trente ans, n’a pas de concurrent sérieux. Sur une telle durée, un épargnant ne saura pas manœuvrer avec la même réactivité qu’un professionnel de la gestion.

L’outil est là, il faut maintenant le démocratiser pour que les salariés puissent s’en emparer. Le point essentiel dans l’allocation d’actifs, c’est la part investie sur des actifs risqués en fonction de la durée prévue de l’investissement.

José Castro

La gestion pilotée représente plus du tiers des actifs investis dans le Perco et sa part a tendance à croître. C’est pourquoi, il nous a semblé important de privilégier la simplicité et la lisibilité de cette gestion, et de proposer des solutions alternatives et adaptées, lorsque les salariés n’ont pas les connaissances suffisantes. Nous y répondons à travers des fonds générationnels : durant toute sa vie active, le salarié investit dans un seul et même fonds, qui correspond à sa génération ; l’épargne est progressivement désensibilisée, à l’approche du départ en retraite. Cette démarche a aussi pour avantage de piloter plus finement la désensibilisation, en période de marchés agités.

Par ailleurs, nous avons noté, qu’une fois à la retraite, les épargnants conservent leurs avoirs investis dans le Perco, huit ans en moyenne. Il faut aussi leur proposer des solutions pour pouvoir continuer à faire fructifier leur épargne, sans opter pour autant pour une gestion totalement monétarisée.

Hubert Clerbois

La gestion pilotée, c’est la gestion financière pour les nuls. Ce n’est pas péjoratif, car la très grande majorité des salariés reconnaissent ne rien y connaître. Pour eux, c’est donc la solution la mieux adaptée. Il faut cependant bien les informer, notamment les plus jeunes, car s’ils prévoient d’utiliser cette épargne pour acheter une résidence principale, ils risquent de se retrouver avec une allocation d’actifs trop agressive.

La solution n’est d’ailleurs pas parfaite pour autant : la désensibilisation s’effectue parfois de manière trop automatique, sans tenir compte des conditions de marché. En outre, la plupart de ces grilles de gestion pilotée ont été conçues il y a plusieurs années, et elles ne sont plus toujours adaptées aux conditions actuelles de marché.

Depuis dix ans, nous n’avons pas connu de grosse crise financière, et les résultats de la gestion pilotée sont favorables. En cas de crise boursière, on ne sait cependant pas comment réagiraient les jeunes salariés s’ils constataient une forte baisse de leur capital. Il faut donc être à leurs côtés pour éviter qu’ils ne prennent de mauvaises décisions dans la panique.

Les outils de gestion et de suivi mis à disposition des salariés permettent-ils de valoriser au mieux ces dispositifs ?

José Castro

Nous sommes engagés dans un processus d’innovation permanente pour rendre les outils de gestion et de suivi les plus accessibles, les plus simples possible pour les salariés.

Les vidéos pédagogiques, les webinaires, l’amélioration du parcours client ont enrichi récemment ces outils. Et nous travaillons à un projet de robo-advisor pour guider les épargnants dans leur allocation. En 2017, nous avons souhaité accompagner les salariés pour mieux préparer leur retraite. Nous avons coconstruit avec une start-up experte du bilan retraite, une solution digitale qui intègre la lecture automatique du Relevé individuel retraite, le corrige, optimise le montant de la retraite. A partir de cette simulation précise et fiable, l’épargnant peut élaborer une stratégie d’investissement personnalisée selon sa situation et en optimisant le dispositif d’épargne salariale de son entreprise. Ces outils s’insèrent bien sûr dans une relation omnicanal, où le digital et l’humain ont toute leur raison de coexister.

François Dillemann

L’univers de l’épargne salariale est très inventif. Nous avons des sites internet totalement interactifs, des applications sur smartphones, des simulateurs de retraite, de capital, de rente… Nous proposons aussi des modules de formation en e-learning, conclus par des quiz.

Nous sommes donc en mesure de fournir une information de qualité, mais nous n’avons pas toujours accès aux salariés pour la mettre en valeur. S’il ne va pas sur le site, ne s’y intéresse pas, nos outils ne changeront pas grand-chose. C’est l’un de nos principaux défis à relever.

Nous travaillons aussi sur la mise au point d’un robo-advisor pour aider les salariés à construire leur allocation d’actifs. Nous proposons également une plateforme téléphonique accessible 7 jours sur 7. Mais comme rien ne remplace le contact réel, nous nous appuyons aussi sur le groupe et son maillage du territoire pour organiser des réunions sur le terrain avec les salariés, animées par nos 80 spécialistes. A l’issue des réunions d’information dans les entreprises, nous avons observé une véritable démultiplication des sommes investies, notamment dans des fonds diversifiés.

Jean-François Schmitt

Nous travaillons déjà avec des agrégateurs de comptes pour apporter à nos clients la visibilité que mérite l’épargne salariale. Il est clair que tous les outils progressent rapidement en accessibilité et en simplicité. On peut aller voir à tout moment l’état de son épargne salariale, suivre la gestion des fonds, arbitrer en ligne.

A terme, avec les agrégateurs de comptes, les épargnants auront sur un seul support un accès à tous leurs dispositifs d’épargne, y compris l’épargne salariale, et comptes bancaires.

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