Actions européennes

Comment investir sur les marchés actions européens ?

Publié le 13 novembre 2013 à 14h48    Mis à jour le 3 décembre 2013 à 11h51

Catherine Rekik

L’Europe retrouve de l’attrait auprès des investisseurs et la collecte sur les fonds actions européennes est de nouveau positive. Plusieurs éléments plaident en faveur d’un retour sur les actions européennes. Mais plusieurs interrogations demeurent :Peut-on réellement parier sur une amélioration de la conjoncture en Europe ? Quels sont les facteurs de soutien des marchés européens (flux, M&A, etc.) ? Les valorisations sont-elles réellement attractives ? Quels fonds faut-il privilégier ? Faut-il jouer un style plutôt qu’un autre (value versus growth) ? Investir sur certains secteurs en particulier ?

Regain d'intérêt pour les actions européennes

Funds : Comment ont évolué les marchés actions européens ces dernières semaines ? Sur quels éléments se fonde le regain d’intérêt pour les actions européennes ? 

Philippe Lecoq, directeur adjoint et coresponsable de la gestion actions européennes, EdRAM : Nous avions anticipé en début d’année une normalisation en Europe et sur les marchés financiers. Les conditions nécessaires pour cette normalisation sont en train d’être remplies. La première de ces conditions concernait la prime de risque, qui a clairement baissé. On constate également une plus grande sérénité face aux risques politiques. Nous l’avons vu récemment avec l’Italie, où la démission des députés proches de Berlusconi fin septembre n’a eu qu’un faible impact sur les marchés. Nous assistons également à un redémarrage des opérations financières, ce qui peut générer un regain d’intérêt pour les actions en général, et constituer un support de valorisation important. Nous avons une conjonction d’éléments plutôt favorables pour un gérant actions.

L’amélioration de l’environnement macroéconomique européen intervient à un moment où la croissance ralentit dans les pays émergents et les investisseurs ne veulent plus investir dans l’obligataire. Les valorisations sont désormais en ligne avec les moyennes historiques. Il y a eu une expansion des multiples. Pour que la hausse se poursuive, il faut maintenant que les résultats des entreprises surprennent les marchés  

Karl Huber : Le début du mois de septembre a été marqué par une certaine nervosité avec la situation en Syrie et des investisseurs dans l’attente d’une clarification sur l’ampleur du tapering. La résolution de la crise syrienne et la décision surprise de la Fed ont ensuite apporté un nouveau soutien aux actions mondiales. Les indices PMI publiés pour la Chine et la zone euro ont surpris positivement. Les actions européennes ont ainsi affiché les meilleures performances en septembre (derrière le Japon) et la plus forte progression sur le troisième trimestre. Le retour de la croissance en Europe, la perspective d’une amélioration de la rentabilité des entreprises et le retour des investisseurs sur ce marché seront les principaux facteurs de hausse.

Christophe Besson : En Europe, c’est surtout la zone euro qui est au coeur du sujet. Le Royaume-Uni a déjà réalisé un beau parcours ces trois dernières années. Sur la zone euro, j’aurai plutôt tendance à parler d’arrêt de la dégradation. Certains indicateurs avancés sont meilleurs que prévu, mais les chiffres réels ne sont pas encore très forts. Malgré la forte dégradation économique que nous avons connue, les entreprises ont maintenu des résultats corrects. On peut imaginer que, s’il y a un arrêt de la dégradation, compte tenu des efforts qui ont été faits dans les sociétés, il peut y avoir une amplification et une bonne surprise en termes de profits. Avoir 0,2 ou 0,5 % de croissance dans la zone euro constitue déjà une bonne nouvelle.

Il est intéressant de constater également un arrêt de la dégradation de la consommation dans certains pays, y compris en Europe du Sud, en Espagne et en Italie. Au début de l’année 2012, il y avait un consensus important en faveur des actions puis nous avons connu trois mois plutôt diffi ciles avant que les marchés repartent à la hausse à partir de juillet 2012. Les investisseurs ont peut-être une posture momentanée un peu euphorique mais il faut accepter l’idée d’une correction. Il y a six mois, l’arbitrage entre taux et actions était très pertinent. Depuis, les taux ont pratiquement repris 100 points de base et les marchés actions ont monté, mais c’est maintenant que cet arbitrage se met en place. 

Christian Parisot : Grâce aux banques centrales, nous sommes sortis d’un scénario de risque systémique, ce qui a eu un effet positif sur les marchés. Nous sortons d’un mouvement technique où nous avions un marché actions très décoté par rapport à un marché obligataire très cher. La rotation s’est faite en termes de valorisation et pas forcément en termes de flux, les investisseurs ayant surtout vendu des positions sur des actifs monétaires peu rentables plutôt que des sicav obligataires. Mais les injections de liquidité ont été tellement importantes que, avec un retour de l’appétit pour le risque, elles vont désormais s’investir sur les marchés actions. Ce qui est gênant, c’est que ceux-ci ont monté sur fond de révision à la baisse des profi ts des entreprises. D’où un PER élevé à court terme.

Nous pouvons estimer que les investisseurs, s’appuyant sur les enquêtes PMI, anticipent un rebond des bénéfices. Mais ces enquêtes permettent uniquement d’avoir un mouvement directionnel mais pas forcément l’ampleur de l’amélioration. Il reste encore beaucoup de risques de blocages de la croissance et de volatilité. Sur les douze prochains mois, il y aura beaucoup d’interrogations sur l’ampleur de la reprise en Europe, dans le monde et sur la réaction des banques centrales. Nous aurons également un rééquilibrage sur la valorisation des marchés actions et des marchés obligataires. Il ne faut pas que le gain de croissance des bénéfices des entreprises soit absorbé par une remontée trop brutale des taux longs. Il faut donc une reprise modérée de l’activité globale pour ne pas avoir une mauvaise réaction des marchés obligataires.

Don Fitzgerald, gérant, Tocqueville Finance : Nous sommes aujourd’hui dans une meilleure configuration avec une forte réduction du risque systémique et des politiques d’austérité bien avancées dans certains pays. C’est le cas de l’Espagne, qui a fait des réformes en profondeur et qui est en passe de sortir de la récession. Les indices PMI s’améliorent et nous constatons que la consommation redémarre plus tôt que nous ne le pensions. Mais les marchés actions refl ètent déjà ces bonnes nouvelles. Les valorisations actuelles sont plutôt en ligne avec les moyennes historiques.  

Bertrand Puiffe : Je regarde l’Europe sous l’angle des pays nordiques. Les marchés nordiques ont réalisé la meilleure performance en euros depuis le début de l’année, ce qui peut surprendre car 40 % de ces économies sont tournées vers l’export : 50 % vers la zone euro et 50 % vers les pays émergents. La performance est liée à la consommation intérieure qui a été particulièrement forte en Suède, qui représente 50 % du PIB de la zone. La priorité dans ce pays n’est pas l’inflation mais plutôt la lutte contre le chômage et la relance de l’activité. La Banque centrale suédoise a mené une politique de baisse des taux, ce qui, au passage, a aidé les exportations. La politique fiscale a été très accommodante, l’impôt sur les sociétés est passé de 26 à 22 % à partir du 1er janvier.

La Finlande a fait la même chose. Ces mesures stimulent l’activité économique et se reflètent dans les cours de Bourse. A ce dynamisme s’ajoute la perspective d’une reprise en Europe et dans les pays émergents. Les banques nordiques, qui représentent 25 % de l’indice FTSE Nordic, ont bénéficié à plein de la consommation alors que les cours de Bourse des sociétés exportatrices ont stagné, ce qui permet d’anticiper un potentiel de rebond important dans la perspective d’une reprise de l’activité en Europe.  

Laurent Inglebert : Pour comprendre ce qui se passe sur les marchés européens, il faut également tenir compte des alternatives qui s’offrent aux investisseurs. Ces dernières années, tous les secteurs ont été délaissés en Europe. La croissance potentielle des Etats-Unis est très limitée du fait de la faiblesse des gains de productivité et de la croissance de la population active et le pays est quasiment ingouvernable ; malgré cela, les marchés américains ont atteint un plus haut historique cette année et les marges des entreprises sont au plus haut. Certes, on parle beaucoup des gaz de schiste et des effets positifs sur les coûts de production mais il ne s’agit pas non plus d’une rupture technologique.

Les Etats-Unis ne sont pas à l’aube d’un cycle de croissance forte et les investisseurs commencent à considérer le marché comme cher. Par ailleurs, les investisseurs ont pris conscience, depuis le début de l’année, que les pays émergents n’étaient pas à l’abri de problèmes structurels. Par conséquent, entre des marchés émergents en croissance mais avec des risques, notamment d’inflation, et une reprise modérée en Europe où de nombreux pays ont entamé des réformes, les investisseurs prennent conscience des avantages de la zone euro.

La valorisation des marchés américains

Funds : Les marchés américains sont bien valorisés mais peut-on imaginer pour autant qu’ils ne soient plus les marchés directeurs ? Une hausse des marchés européens peut-elle être décorrélée de la Bourse américaine ? 

Christophe Besson : Il est difficile d’imaginer des marchés européens qui montent et des marchés américains en repli sauf… si ce sont les investisseurs américains qui réallouent leurs actifs vers l’Europe.  

Christian Parisot : En cas d’arbitrage et de réallocation trop rapide sur l’Europe, la montée de l’euro affaiblirait la reprise. J’apporterai un bémol à tout ce qui a été dit précédemment : le problème de fond de la crise – le surendettement des ménages ou des Etats – est loin d’être réglé. Il faudra une génération pour y parvenir ! Les marchés jouent essentiellement sur une amélioration conjoncturelle. Les arbitrages réalisés depuis le début de l’année sont fondés sur des déceptions, notamment sur l’idée que les marchés émergents tiraient la croissance mondiale. Une fois de plus, les investisseurs ont réalisé que les pays émergents étaient un wagon et non la locomotive de la croissance mondiale.

Les Etats- Unis n’ont plus ce rôle non plus. Le potentiel de croissance est plus fort qu’en Europe, mais de l’ordre de 2 % seulement. La croissance mondiale est faible et les marchés américains vont rester les marchés directeurs car les grandes entreprises américaines cotées ne représentent pas uniquement l’économie américaine. Acheter les grandes valeurs américaines, c’est acheter la croissance mondiale. Etre baissier sur la Bourse américaine revient à être négatif sur la croissance mondiale et donc, à terme, sur l’Europe.  

Karl Huber : Les actions européennes ont été délaissées ces dernières années. Les raisons d’investir se sont multipliées depuis quelques mois et le retour de la croissance peut s’avérer la dernière pièce du puzzle. Cela serait favorable à la rentabilité des entreprises et devrait donner un nouvel élan à la hausse. En outre, la fin du quantitative easing devrait fournir moins de soutien aux autres marchés actions et obliger les investisseurs à regarder de plus près les niveaux de valorisation. A noter que le marché européen continue de se négocier avec une décote importante. De nombreux investisseurs attendaient le moment opportun pour revenir sur ce marché. Les récents flux laissent penser que celui-ci est arrivé.

Laurent Inglebert, analyste dans l'équipe de gestion actions européennes, Aberdeen : A moyen terme, la sortie d’un cycle d’investissement des entreprises extrêmement bas peut soutenir les marchés européens. En cas de frémissement de la croissance et de rétablissement de la confiance, nous devrions voir des investissements de remplacement, jusqu’ici retardés, prendre forme. 

Christian Parisot : Il faudra cependant regarder les conditions de financement car, ce qui est inquiétant dans la zone euro, c’est la baisse continue du crédit à court terme.  Bertrand Puiffe : Les pays nordiques ont connu une grave crise au début des années 1990 et, pendant dix ans, il y a eu un credit crunch larvé. Les banques se sont restructurées et ont vendu des actifs. Pendant dix ans, la croissance a été freinée à cause de la mauvaise situation des banques. Cet exemple montre à quel point les problèmes d’accès au crédit sont pénalisants pour les entreprises.  

Philippe Lecoq : Les marchés européens sont actuellement dans une phase de rattrapage grâce à l’Italie, à l’Espagne et à la France. La hausse n’est pas liée à une amélioration franche des fondamentaux. Au Royaume-Uni, les perspectives de croissance sont meilleures, de l’ordre de 2 à 3 % en 2014. Un cercle vertueux semble enclenché : le marché immobilier remonte, la consommation est plus dynamique et le chômage commence à baisser.  

Don Fitzgerald : Les marchés américains et les marchés européens vont rester corrélés. Le rattrapage des marchés européens va se poursuivre. Si nous sommes réellement dans une phase de redémarrage économique, l’Europe va probablement surperformer car la construction de l’indice européen est plus cyclique.

La valorisation des marchés européens

Funds : On lit et on entend beaucoup dire que les marchés européens ne sont pas chers. De quoi parle-t-on exactement ? Les valorisations sont-elles réellement attractives ?

Christophe Besson, directeur des gestions, CM CIC AM : Il est très difficile de répondre à cette question. Qu’est-ce que le taux sans risque en zone euro ? Cette notion de valorisation est complexe. Pour beaucoup, la valorisation correspond à l’évolution des marchés et à leur composition. Si nous étions sûrs que, demain, les banques pourraient se payer jusqu’à deux fois les fonds propres, alors nous pourrions dire que la zone euro n’est pas chère. Aux Etats-Unis, la situation est différente : certaines banques ont fait faillite et les survivantes se paient plus cher. Pour revenir sur le M&A, je n’ai pas le sentiment que ce thème influence déjà les valorisations relatives dans les modèles. Cela anime des secteurs délaissés, comme les télécommunications. Au final, la zone euro ne semble pas chère. L’aversion au risque y diminue et la baisse de la prime de risque rend la zone de nouveau investissable.  

Christian Parisot : La question est de savoir si j’achète plutôt une action ou une obligation EDF. Si nous prenons le consensus des analystes sur les perspectives de croissance des résultats d’EDF à moyen/long terme et que nous les comparons à une obligation EDF, nous constatons que la prime de risque est revenue à quelques points de sa moyenne de long terme. Si nous revenons sur l’idée de valorisation en absolu, nous pouvons penser que les taux sont historiquement bas et les actions ne sont pas chères dans une perspective de reprise économique. Dans un scénario de croissance molle, les indices européens ne sont pas très décotés. Si, à l’inverse, nous estimons que nous allons vers un nouveau cycle de croissance de quatre ou cinq ans, les actions ne semblent pas chères, contrairement aux obligations, car les taux vont remonter. Les incertitudes économiques rendent très difficile un jugement sur les valorisations des actions.

Don Fitzgerald : La décote des actions par rapport aux obligations semble évidente. Le rendement des actions est aujourd’hui supérieur à celui des obligations d’Etat, ou obligations corporate. Prenons le cas d’une société qui a de solides perspectives comme Nestlé : son action procure un rendement supérieur à 3 % et les investisseurs peuvent attendre une hausse régulière du dividende alors que l’obligation Nestlé sur dix ans offre à peine 1 % de rendement (en francs suisses). Par ailleurs, les marchés actions européens sont très décotés par rapport aux marchés américains. Cette décote est en partie justifiée notamment par une construction très différente des indices, mais certaines sociétés européennes ont de meilleurs fondamentaux. Prenons l’exemple de Publicis, valorisée comme Omnicom bien que plus rentable et mieux positionnée sur des segments en forte croissance, comme le digital et les marchés émergents. Cependant, les actions européennes ne sont pas chères en relatif, mais elles ne sont pas loin non plus de leur juste valeur.

Bertrand Puiffe : Sur la zone nordique, le PER moyen est de 12 fois pour une croissance estimée des profits comprise entre 8 et 10 %. En cas de rebond des exportations, la progression des résultats pourrait être proche de 15 %. Les marchés nordiques restent attractifs, surtout s’il y a une reprise en Europe et dans les marchés émergents. Par ailleurs, le thème des M&A est très présent dans la zone nordique, où il y a déjà eu dix OPA, la plus emblématique étant celle de Microsoft sur les terminaux mobiles de Nokia. Les entreprises américaines s’intéressent aux sociétés européennes de qualité avec des ratios de valorisation attrayants.

Laurent Inglebert : Les multiples de valorisation sont plus faibles en Europe car de nombreuses grandes capitalisations dans les indices européens sont dans les secteurs de base, les utilities ou les télécoms. L’avenir du secteur bancaire européen participe également au phénomène. Nous sommes toujours dans le flou en termes de régulation. Par ailleurs, pour régler le problème de la dette, les gouvernements ont plutôt tendance à orienter l’épargne des ménages et l’argent disponible vers le financement des émissions obligataires plutôt qu’à favoriser le financement des entreprises. Les entreprises européennes se financent peu sur les marchés, contrairement aux sociétés américaines. Le financement de l’économie repose donc essentiellement sur les banques. Si celles-ci ne sont pas incitées à financer l’économie, nous risquons d’avoir une reprise qui patine. La révision des prévisions des bénéfices par action pour les trois prochaines années doit donc rester prudente tant que nous n’avons pas de vision plus claire sur le secteur bancaire et ses possibilités réelles de financer l’économie productive.

Karl Huber : Les actions européennes continuent de se négocier à des niveaux inférieurs aux autres marchés. La reprise de ces derniers mois a surtout constitué une compression des primes de risque et a permis de ramener les valorisations à des niveaux plus normaux. En outre, la répression financière a poussé les rendements obligataires à des niveaux dramatiquement bas, ne laissant envisager qu’une seule possibilité : la hausse. Les investisseurs sont désormais bien conscients du risque de baisse associé à la détention d’obligations. En revanche, les actions européennes ont encore, selon nous, un potentiel de hausse, et la plupart des investisseurs restent sous-investis.

Philippe Lecoq : Ce sont les opérations avec de fortes primes qui tirent les valorisations de marchés et, pour l’instant, il n’y en a pas. Les opérations qui ont eu lieu dernièrement correspondent plutôt à une volonté des entreprises de sortir d’une impasse stratégique. Cela crée de la valeur pour l’actionnaire mais il n’y a pas de mouvement de fond des OPA comme celui de la fi n des années 1990. Les opérations financières ne sont pas un moteur pour les valorisations. Et, pour l’heure, elles restent cantonnées au secteur des télécoms.

Laurent Inglebert : Les meilleures performances parmi les grosses capitalisations européennes concernaient des valeurs ayant des problèmes structurels importants : Alcatel, Nokia ou Peugeot. Ces valeurs ont été fortement sanctionnées par les marchés et bénéfi cient aujourd’hui d’un effet d’aubaine ou de rattrapage important. Par ailleurs, les gérants qui étaient short de ces valeurs ont tous clôturé leurs positions en même temps, ce qui a accentué le rebond. Malgré tout, dans une perspective d’investissement à long terme, ces titres n’ont pas, à mon avis, leur place en portefeuille en raison de la fragilité de leurs fondamentaux. Christian Parisot : Certains éléments ne doivent pas être sousestimés non plus : 63 % du cash-fl ow des entreprises américaines sert à racheter des actions ou à verser des dividendes. Les entreprises sont les premiers acheteurs d’actions aux Etats-Unis ! Elles sous-investissent dans l’économie américaine et achètent leurs actions, ce qui fait monter les valorisations.

Laurent Inglebert : Depuis le début du quantitative easing aux Etats-Unis, le dividende net a fortement augmenté, et plus rapidement que l’investissement productif des entreprises. A court terme, cela ressemble à une bonne nouvelle pour les actionnaires. A moyen/long terme, ce n’en est pas une pour l’économie ni pour la pérennité de ces dividendes.

Les types de fonds à privilégier

Funds : A court terme, cela ressemble à une bonne nouvelle pour les actionnaires. A moyen/long terme, ce n’en est pas une pour l’économie ni pour la pérennité de ces dividendes.

 

Philippe Lecoq : Il y a un rééquilibrage entre les secteurs, ce qui est plutôt sain. Il est sans doute un peu tôt pour revenir sur les valeurs de croissance. Mieux vaut attendre des signaux plus positifs en provenance des pays émergents. Les valeurs de croissance s’achètent plutôt quand les taux baissent, alors que nous sommes dans un mouvement inverse. Prenons l’exemple d’Unilever, qui est assez emblématique des valeurs exposées à la croissance des pays émergents. La publication de son chiffre d’affaires trimestriel a déçu – la croissance organique passant de 5 à 3,5 % –, mais le titre n’a baissé que de 3 %, ce qui est assez raisonnable comme réaction de marché. Nous défendons une approche purement stock picking. Un portefeuille peut très bien être surpondéré value et souspondéré croissance et sous-performer le marché si, au sein de chaque style ou de chaque secteur, il y a une mauvaise sélection de titres. Il faut être sélectif et ne pas parier sur un seul style ou secteur.

Bertrand Puiffe : Sur le long terme, les études d’attribution de performance montrent que le fait d’être sous ou surpondéré sur un secteur ne fait pas la performance. C’est la sélection de titres à l’intérieur des secteurs qui est importante. Dans le fonds FF Nordic Fund, je reviens sur les valeurs cycliques de qualité, des sociétés comme SKF ou Autoliv qui ont souffert du ralentissement des pays émergents et affi chent une décote par rapport à leurs valorisations historiques. Ces sociétés ont des bilans sains avec des positions de cash net. Je m’intéresse également aux mid & small caps. Il y a peu de liquidités sur ces sociétés et il est possible d’acheter des valeurs avec des décotes signifi catives par rapport à leurs valorisations historiques et aux large caps. Le stock picking permet de sélectionner de futurs champions. Aujourd’hui, il est possible de tirer profi t de la problématique de liquidités sur cette classe d’actifs.  

Christophe Besson : Sur les deux dernières années, nous avons remarqué, dans les phases de hausse rapide, la surperformance de l’Eurostoxx 50. Si on estime que les marchés peuvent repartir vite mais qu’il y aura des chocs, il faut avoir en portefeuille ces grandes valeurs européennes pour profiter des mouvements de hausse. Il est important d’équilibrer value et growth. Nous constatons, sur les trois à cinq dernières années, que la volatilité de notre fonds growth est deux fois inférieure à celle du marché et à celle de notre fonds value. Or la volatilité est un concept important quand on investit.

L’investisseur a donc intérêt à avoir des valeurs de croissance pour stabiliser son portefeuille dans une perspective de long terme. Récemment, le growth a fait moins bien que la value mais n’a pas baissé. Les valeurs value peuvent fortement rebondir mais également baisser très vite. Les portefeuilles doivent donc être équilibrés car la hausse des marchés ne peut pas être linéaire. La volatilité que nous constatons dans nos portefeuilles n’est pas celle que nous lisons de l’indice.

 

Christian Parisot, chef de la recherche économique, Aurel BGC : Le scénario de début d’année était celui d’une croissance mondiale tirée par les pays émergents, donc il fallait avoir en portefeuille des actions européennes exposées à cette thématique. Les pays émergents ont déçu mais, à moyen/long terme, la croissance reste tout de même positive. Il y a eu une correction mais ces valeurs n’ont pas été complètement délaissées. Deuxième scénario : l’Europe redémarre. Dans cette optique, il faut investir sur des valeurs value, très décotées et domestiques, comme les utilities. Mais même si nous sommes un peu plus optimistes sur l’Europe, ce scénario semble un peu extrême. L’allocation sectorielle va donc être très complexe dans les prochains mois. Dans notre scénario central, nous estimons qu’il y aura une amélioration de la conjoncture en Europe qui justifie un repricing. Nous préférons les valeurs européennes les moins risquées et capables d’avoir une croissance solide des bénéfices avec des secteurs comme les assurances, l’industrie ou la distribution. Nous évitons les valeurs bancaires et les secteurs de base car il y a encore trop d’incertitudes.  

Don Fitzgerald : Nous ne changeons pas de style en fonction des anticipations de marché. Notre approche privilégie le stock picking et l’analyse fondamentale, ce qui permet d’éviter les value traps. Je ne suis pas non plus à l’aise avec les valorisations élevées car on n’est jamais à l’abri de mauvaises surprises. Le portefeuille est structurellement sous-exposé au secteur bancaire. Sa sensibilité aux données macroéconomiques, financières et politiques rend très difficile toute valorisation des fondamentaux des banques européennes. De même, le fonds est structurellement sous-pondéré sur le secteur des services aux collectivités du fait de sa forte dépendance aux décisions politiques et réglementaires, là encore diffi cile à anticiper. Nous cherchons des valeurs décotées ou en ligne avec le marché, des sociétés qui ont des avantages compétitifs et des business models durables.  

Laurent Inglebert : Les clients nous ont choisis pour un style de gestion et une vision de long terme. Nous ne pouvons pas changer de style sous prétexte que, en ce moment, il y a un retour sur les valeurs domestiques que nous jugeons de moins bonne qualité que celles que nous avons en portefeuille actuellement. Il faut rester cohérent. Notre horizon de placement est de cinq, dix ans ou plus, et nous sélectionnons des valeurs de qualité combinant un business model robuste, une santé financière avérée et une diversification géographique de leurs revenus, notamment dans les pays émergents. Nous n’avons pas le sentiment que les fondamentaux de ces entreprises aient changé. Par ailleurs, même si la croissance dans les pays émergents ralentit, elle restera selon nous durablement plus forte que dans la plupart des pays développés.

Funds : Les clients ne veulent pas prendre de risque mais acceptent-ils pour autant d’être investis dans des fonds actions qui peuvent être moins performants que les indices ?

Laurent Inglebert : Tout dépend du profil des clients. Les CGP font face par exemple tous les jours à des clients particuliers à qui il est difficile d’expliquer qu’un fonds sélectionné, géré par un professionnel, a une moins bonne performance que l’indice. Mais quand le client a une perspective de long terme ou qu’il s’agit d’un professionnel, il comprend tout à fait de ne pas être investi sur des sociétés dont les fondamentaux peuvent être remis en question. A court terme, vous faites des paris sur des titres ; à long terme, vous achetez des business models.  

Christophe Besson : Nous devons accompagner une certaine cible de clientèle, plus retail, dans sa compréhension des marchés et ses choix d’allocation. L’arbitrage permanent de fonds gérés de façon active peut s’avérer moins pertinent sans base solide d’allocation.  Bertrand Puiffe : Des notions comme la volatilité sont compliquées à appréhender pour des investisseurs qui n’ont pas une grande culture financière, comme aux Etats-Unis. Il est difficile de leur expliquer que la performance peut être moindre mais que le ratio de sharpe est très bon.  

Karl Huber : Les titres value bénéficieront de la reprise de la croissance mais la sélection des titres reste selon nous la clé. Le thème de la croissance mondiale et, à plus long terme, la consommation des émergents, ne peuvent être ignorés. Par ailleurs, la répression financière a obligé les investisseurs à se tourner vers d’autres actifs dans leur quête de rendement. L’intention de la BCE de maintenir les taux bas ne devrait pas améliorer les choses dans les années à venir. Ceci, combiné à une hausse de la trésorerie des entreprises, devrait engendrer une augmentation des dividendes et une hausse des dividendes spéciaux. Nous prévoyons de voir ces entreprises récompensées par le marché.

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