Les tables rondes De funds magazine

Faut-il investir dans les mid et small caps ?

Publié le 3 juillet 2015 à 16h30

Catherine Rekik

Sur longue période, les mid et small caps ont surperformé les grandes valeurs. Mais après quelques années de belles performances et de collecte, la tendance sur les fonds actions petites et moyennes valeurs s’est inversée durant l’année 2014. Ces segments de la cote ont pâti de la faiblesse de la croissance de la zone euro au moment où le lancement du PEA-PME mettait un coup de projecteur sur la classe d’actifs.Dans un contexte favorable aux actifs risqués et alors que les perspectives de croissance s’améliorent dans la zone euro, Funds s’interroge sur l’opportunité d’investir dans cet univers de valeurs.

Le comportement des marchés actions depuis le début de l'année

Cyrille Carrière : Après une année 2014 volatile avec un rebond de fin d’année assez sélectif, l’année 2015 a plutôt bien démarré. Nous sommes dans un contexte de normalisation générale des valorisations. Toutes les valeurs ont progressé : aussi bien les valeurs de qualité que les financières ou les values. Les marchés actions ont bénéficié de la politique monétaire accommodante de la BCE, de la baisse du prix du pétrole et de l’évolution de la parité euro/dollar.

Yves Maillot : A partir de fin janvier, l’annonce du quantitative easing de la BCE a provoqué un décrochage de l’euro contre le dollar, ce qui a constitué un moteur à court terme pour les marchés actions. Des flux venant des Etats-Unis ont été investis dans les actions européennes, dans un premier temps dans les grandes valeurs et, quelques mois plus tard, dans les valeurs moyennes. L’univers des mid et small caps continue donc de surperformer les grandes valeurs et, dans la phase de correction, il résiste assez bien.

On parle de surperformance des valeurs moyennes sur longue période ? Est-ce toujours le cas ?

Marie-Jeanne Missoffe : Nous avons constaté par le passé que les small caps surperforment toujours, particulièrement en période de croissance économique. Au cours de la période récente, les années de sous-performance, 2008, 2009 et 2011, sont des années de récession. L’année 2014 illustre bien cette corrélation à la croissance. Début 2014, lorsque tout le monde pariait sur un retour à la croissance dans la zone euro, les valeurs moyennes surperformaient. Aux premiers signes négatifs sur la reprise au printemps 2014, ce compartiment a commencé à sous-performer. Depuis le début de l’année 2015, la reprise économique se précise grâce au triple choc taux, dollar et baril. Cette croissance économique est très porteuse pour les valeurs moyennes. Elles y sont plus sensibles.

Cyrille Carrière : Sur le long terme, le compartiment des petites et moyennes valeurs surperforme les grandes valeurs. Ce phénomène est lié à la composition même de cet univers. C’est un segment de la cote dans lequel les investisseurs vont trouver de l’innovation technologique, industrielle ou dans les services. Ce sont des sociétés de croissance. Sur très longue période, le couple rendement/risque des small et mid caps est extrêmement favorable. Seul en cas de choc de marché comme en 2008-2009, il peut y avoir des phases de sous-performance, car la classe d’actifs est perçue comme moins liquide.

Yves Maillot : Quand on parle de rendement/risque, on pense à la volatilité. Or, la volatilité sur le long terme est un concept qui perd son sens. Il n’y a pas plus de volatilité sur le compartiment des mid et small caps que sur les grandes valeurs. Le risque porte plutôt sur la liquidité dans les phases de stress des marchés.

Eric Biassette : Une plus forte croissance bénéficiaire est le principal moteur de surperformance de cette classe d’actifs sur le long terme. Les valeurs moyennes sont souvent des sociétés familiales, avec une stratégie qui s’inscrit dans le temps et un management expérimenté, autant de facteurs qui favorisent une croissance des résultats soutenue. Ces sociétés ont également une grande capacité d’adaptation. Elles peuvent investir rapidement dans de nouvelles zones géographiques ou de nouvelles activités porteuses. Lorsque les marchés montent, les valeurs moyennes progressent généralement plus vite, car elles comportent davantage de valeurs industrielles et cycliques. Dans les phases de baisse comme celle de 2008-2009, la sous-performance a été assez ponctuelle et limitée, contrairement à ce que nous avons connu dans le passé. C’est sans doute lié à une meilleure connaissance de la classe d’actifs aujourd’hui.

Grégoire Uettwiller : Depuis dix ans, le CAC 40 a dégagé une performance annualisée de 5 %, contre 7 % pour les small caps et 11 % pour les mid caps. Contrairement à ce que l’on croit souvent, la performance des valeurs moyennes est donc supérieure à celle des small caps ces dix dernières années, sans doute parce que ces dernières ont beaucoup plus corrigé pendant la crise. Ce segment de la cote a été touché par une bulle entre 2005 et 2006, d’où un krach plus violent en 2008. A l’instar des autres segments de la cote, il faut avoir une approche de long terme sur les small caps, car elles ne sont pas à l’abri de phénomènes de mode ou de désaffection des investisseurs.

Mid cap, small cap… Que recouvrent exactement ces termes ?

Marie-Jeanne Missoffe : Les indices représentatifs de l’univers des small caps retiennent des capitalisations très différentes. Sur le marché français, la capitalisation boursière d’une small cap est inférieure à 150 millions d’euros et la capitalisation d’une mid cap se situe entre 150 millions et 1 milliard d’euros. En Europe, les valeurs du Stoxx Europe Small 200 capitalisent entre 1,5 et 9 milliards d’euros. Chez Mandarine Gestion, notre univers small cap est limité aux capitalisations inférieures à 7 milliards d’euros.

Julien Lepage : Chaque gérant a sa propre définition. Une valeur identifiée comme mid cap chez Amiral Gestion peut être considérée comme une small cap par un gros asset manager. Tout dépend également de l’indice de référence choisi.

Cyrille Carrière : En Europe, une small cap a une capitalisation boursière inférieure à 1 milliard. La capitalisation boursière des mid caps se situe entre 1 et 5 milliards, avec une moyenne autour de 2,5 milliards.

Yves Maillot : Nous gérons un fonds Europe qui a pour indice de référence le MSCI Small Caps Europe, dont la moitié des sociétés capitalisent entre 2 et 5 milliards de dollars. Plus de 15 % de l’indice ont une capitalisation boursière proche de 10 milliards. Une small cap française va être considérée comme une microcap. En Europe, le marché britannique représente environ 40 % de l’univers d’investissement. Il se caractérise par des capitalisations boursières plus élevées.

L’investisseur intéressé par cette classe d’actifs a donc intérêt à vérifier la définition que le gérant donne à cette valeur…

Marie-Jeanne Missoffe : Le client a tout intérêt à regarder ce qu’il y a dans le prospectus, mais aussi à vérifier la composition du fonds et l’indice de référence. Les fonds «small caps» européens sont composés de sociétés dont la taille se situe plutôt en moyenne autour de 4 milliards.

Grégoire Uettwiller : Nous raisonnons dans nos portefeuilles par rapport aux indices auxquels appartiennent les valeurs, c’est une définition plus pérenne compte tenu de la volatilité des marchés.

Marie-Jeanne Missoffe : Les fonds doivent avoir une politique d’investissement cohérente avec le benchmark retenu.

Les périodes propices pour investir dans les small et mid caps

Julien Lepage : L’univers des mid et small caps est très large. Il se compose de valeurs domestiques, mais aussi des leaders mondiaux qui vont bénéficier de la baisse de l’euro. Idéalement, il faut investir dans cette classe d’actifs quand personne ne s’y intéresse. Les années 2003 et 2009 ont offert les meilleurs points d’entrée sur ces valeurs. Durant ces chocs de marché, près de 10 % de l’univers étaient à peine valorisés par le cash par action.

Cyrille Carrière : L’univers se compose effectivement de sociétés leaders sur leurs niches d’activités, et qui, faisant fi de la croissance européenne, ont réussi à se déployer à l’international. Les sociétés allemandes ont notamment cette vision exportatrice. Elles ont la capacité de croître en dépit d’un environnement européen peu favorable. Beaucoup de sociétés ont profité de la croissance dans les pays émergents, mais aussi de l’accélération de la croissance américaine en 2014. Entre 20 et 30 % de l’activité sont exposés au marché américain, ce qui leur a permis de bénéficier du double effet croissance et appréciation du dollar.

Yves Maillot : Les investisseurs ont tendance à penser que les small caps sont domestiques, alors qu’elles sont très internationales et donc sensibles à l’évolution de l’euro/dollar.

Marie-Jeanne Missoffe : Nous avons assisté en 2014 à une accélération des opérations de fusion-acquisition, notamment de sociétés françaises réalisant des acquisitions aux Etats-Unis. Le compartiment des valeurs moyennes a été plus actif en matière de M&A que celui des grandes valeurs. Les opérations réalisées début 2014 ont eu un très bon timing, avec un euro encore fort et des taux très bas. Beaucoup de sociétés de notre univers ont de solides structures financières. Téléperformance a ainsi acquis la société Aegis aux Etats-Unis et Norbert Dentressangle a repris la société de transport TDG avant de faire lui-même l’objet d’une OPA par l’américain XPO Logistics.

Cyrille Carrière : Ce mouvement de réallocation du capital vers la zone nord-américaine est assez emblématique de ce qui s’est passé l’an dernier. Beaucoup de sociétés ont profité de la croissance dans les pays émergents ces dernières années. Elles ont changé de dimension et se sont servies de cette base pour se redéployer aux Etats-Unis. Eurofins a par exemple une politique de croissance externe tournée vers l’Amérique du Nord. Norma Group y a réalisé une acquisition importante qui lui a permis de se diversifier sur le plan géographique et en termes de produits. La période est très favorable aux sociétés qui ont des projets d’investissement, car elles parviennent à les financer dans des conditions très attractives. Avec de telles conditions de financement, la création de valeur est telle que les cibles peuvent être payées un peu plus cher si l’opération est stratégique.

Eric Biassette : L’investissement dans cette classe d’actifs est plus porteur dans un contexte de reprise économique, car on trouve davantage de sociétés industrielles ou cycliques au sein des valeurs moyennes. Ainsi, les indices de valeurs moyennes comportent moins de sociétés «défensives», comme les utilities, les télécoms ou les pharmaceutiques.

Julien Lepage : Le CAC 40 se comporte comme un mauvais gérant qui achèterait systématiquement les valeurs qui montent et vendrait celles qui baissent (via la mécanique des entrées et sorties d’indices). Pour les valeurs moyennes, c’est l’inverse. Le Next 20, l’antichambre du CAC 40, est ainsi un des indices les plus performants, puisqu’il est composé des 20 valeurs moyennes qui montent le plus avant d’être «vendues» au… CAC 40 !

Cyrille Carrière : L’univers des valeurs moyennes est le lieu important de l’innovation dans tous les domaines, la numérisation des paiements avec Ingenico, Internet, l’automatisation industrielle, etc. Les mid caps sont des petites valeurs qui ont réussi et ont souvent des positions d’oligopoles sur des niches.

Marie-Jeanne Missoffe : Les small caps travaillant sur niches d’activité, c’est un univers où l’on trouve beaucoup de leaders avec des parts de marché supérieures à 25 % – Dürr, small cap allemande spécialisée dans les solutions de peinture pour l’automobile a 50 % du marché mondial. Cela confère à ces leaders de niches un pricing power important. Paradoxalement, il est plus facile de trouver des leaders dans l’univers des small caps que dans celui des large caps – Volkswagen n’a que 12 % du marché mondial.

Grégoire Uettwiller : Ces sociétés ont souvent leur propre dynamique, car elles sont sur des niches. Certaines sont très domestiques, comme Tessi ou Nexity. Malgré un environnement défavorable en France, Nexity est à un plus haut historique si on capitalise les dividendes. C’est une société bien gérée. La plupart de petites et moyennes valeurs étant peu suivies, il peut y avoir des anomalies de valorisation. C’est un univers très intéressant pour les stock pickers.

Comment dénicher une pépite ?

Grégoire Uettwiller : Chez Moneta, nous avons une approche contrariante. Nous aimons regarder les valeurs auxquelles personne ne s’intéresse. Ces valeurs sont généralement repérables après un accident, lorsqu’un titre décroche violemment après un «profit warning», par exemple. C’est comme cela que nous générons nos nouvelles idées. Une fois que nous avons repéré ces sociétés, nous appliquons un processus d’investissement, identique pour les small, mid ou large caps, pour aboutir à un modèle de valorisation très précis (modélisation des performances passées, prévisions à deux ou trois ans, etc.). Nous rencontrons également régulièrement le management de ces sociétés. Ce suivi dans la durée nous permet d’avoir un avantage compétitif.

Cyrille Carrière : La rencontre avec les dirigeants des sociétés est un prérequis, car il y a autant de modèles économiques que de sociétés.

Julien Lepage : En ce qui nous concerne, ce n’est pas forcément un prérequis. Il est toujours intéressant de rencontrer les dirigeants, mais il y a d’autres critères pour investir dans une valeur. Certains grands investisseurs nord-américains ne rencontrent jamais de dirigeants, pour ne pas être influencés. Il y a donc deux écoles qui s’opposent. L’univers des small caps étant assez peu défriché, beaucoup d’investisseurs ne s’y intéressent pas. Enfin, plus que la taille de la capitalisation boursière, c’est la liquidité qui doit être prise en compte.

Cyrille Carrière : Nous investissons plutôt dans des mid caps que dans des small caps. Nous n’avons pas une gestion opportuniste, mais plutôt une vision d’accompagnement de stratégies sur le long terme. Nous souhaitons accompagner la croissance de ces sociétés. Il nous faut donc avoir une connaissance de l’activité, des produits et des marchés dans lesquels opère la société, qui s’acquiert essentiellement auprès du management. C’est la meilleure source d’information pour bien comprendre un marché et sa dynamique de croissance.

Grégoire Uettwiller : Il est d’autant plus important de rencontrer le management des petites sociétés qu’elles communiquent souvent moins que les grandes. Certaines publient des communiqués parfois succincts ou font moins de présentations aux investisseurs.

Eric Biassette : Nous avons une approche systématique. Nous cherchons avant tout la croissance. L’atout principal de ces valeurs réside dans le supplément de croissance qu’elles peuvent délivrer. Par ailleurs, nous privilégions les valeurs moyennes aux plus petites capitalisations. En effet, d’une part, nous avons besoin d’avoir un long historique de la société pour l’analyser et, d’autre part, nous considérons que les plus petites sociétés sont généralement plus risquées. Quand un accident intervient sur une valeur petite ou moyenne, la chute du titre peut être très rapide… Eviter les accidents garantit quasiment la surperformance du fonds par rapport à son benchmark… Nous recherchons par exemple des sociétés qui sont déjà leaders sur leur marché domestique et qui ont le potentiel pour le devenir en Europe ou dans d’autres zones. Nous investissons dans des sociétés génératrices de «free cash-flow», que nous valorisons en actualisant les cash-flows disponibles estimés.

Yves Maillot : L’analyse par facteurs de risque est à la mode aujourd’hui dans la gestion actions. Cela se développe, car le facteur taille est un facteur de performance. Les investisseurs peuvent être plus amenés à se diversifier sur la classe d’actifs. Il y a d’un côté la problématique de couverture et de connaissance des sociétés mais, d’un autre côté, il y a aussi l’attrait évident de leur présence dans un portefeuille actions.

Notre équipe de gestion se répartit par pays en Europe. Elle sélectionne des valeurs de qualité et de croissance, mais à prix raisonnable. Pour restreindre l’univers, nous avons des filtres en fonction de la taille, de la rentabilité du capital, de la génération de «free cash-flow» et de la gouvernance de la société, ce qui exige des rendez-vous réguliers avec les sociétés. L’équipe effectue pour finir un travail de valorisation et de potentiel de hausse. En dépit de choix et des convictions, il y a une limitation de taille des paris qui sont pris dans chaque univers.

Marie-Jeanne Missoffe : Notre processus est assez différenciant, car la première étape de sélection est purement qualitative. Nous sélectionnons des leaders, des sociétés qui n’ont pas de comparables cotés ou qui ont un minimum de 25 % de parts de marché. L’univers d’investissement est ainsi réduit ainsi à 350 valeurs considérées comme «uniques». Cet univers de référence surperforme l’indice des small caps depuis sa création.

Cyrille Carrière : Notre processus est orienté sur la création de valeur. La capacité de développement de la société est le premier vecteur de création de valeur. Nous procédons par identification de marchés, de produits ou de modèles dans le domaine de la technologie ou de l’innovation industrielle. Nous avons la chance d’avoir en Europe l’écosystème des constructeurs allemands qui font vivre tout un ensemble de sociétés dans la R&D externalisée, dans la conception de nouvelles lignes de production ou dans l’électronique embarquée, parmi lesquelles nous en identifions quelques-unes avec un fort potentiel de croissance.

Julien Lepage : Pour notre part, nous nous intéressons à l’ensemble des sociétés de cet univers, dont nous regardons la valorisation. Les meilleures idées dans les small caps ne sont pas toujours les plus consensuelles. Nos fonds sont divisés en trois ou quatre poches gérées par des gérants de façon autonome. Nous échangeons nos idées, mais la décision de gestion reste individuelle. Nous évitons ainsi les biais ou les consensus.

Les petites et moyennes valeurs sont-elles mieux valorisées que les grandes capitalisations boursières?

Marie-Jeanne Missoffe : Historiquement, ces valeurs ont toujours eu une prime de valorisation justifiée par des croissances plus fortes. Il est normal d’avoir un PER élevé quand la croissance des profits est supérieure à celle des marchés. Nous constatons cependant, depuis le début de l’année, que cette prime historique est à un niveau très bas. La revalorisation du secteur des small caps est justifiée par les croissances bénéficiaires mais, finalement, leur prix relatif par rapport aux large caps n’a pas augmenté. La valorisation de cette classe d’actifs est donc relativement attractive.

Yves Maillot : Il est difficile de répondre à cette question, car nous comparons des univers très différents en termes de secteurs. Néanmoins, certaines mesures montrent effectivement que la prime est aujourd’hui assez faible, alors que les perspectives de croissance sont meilleures.

Cyrille Carrière : L’écart de valorisation est structurel et tient à la construction des indices : les grandes valeurs ont des croissances plus faibles et distribuent des dividendes importants. Logiquement, les PER sont structurellement plus faibles.

Yves Maillot : Depuis quelques années, la détention de cash dans les entreprises est assez importante. D’où des montants importants consacrés aux dividendes ou aux rachats d’actions, surtout aux Etats-Unis. Dans le compartiment des mid et small caps, les sociétés délivrent moins de rendement, mais investissent un peu plus.

Eric Biassette : Le PER (avec les prévisions IBES pour les douze prochains mois) des valeurs moyennes européennes est estimé à 17x contre 15x pour les grandes valeurs. Cette prime, proche de 15 %, est inférieure à la prime moyenne historique (environ 25 %). Il n’y a donc pas de bulle particulière sur les valeurs moyennes.

Yves Maillot : En retraitant l’indice des valeurs bancaires, les valorisations des grandes et des petites valeurs sont quasiment identiques.

Eric Biassette : Le PER actuel du marché est proche de celui de 2007, avant la baisse. Mais, à l’époque, les taux longs étaient aux alentours de 4 %, contre 1 % aujourd’hui. Ainsi, la prime de risque, qui mesure le rendement supplémentaire offert par les actions, est actuellement attractive et nettement supérieure à sa moyenne historique. Le marché actions reste donc attractif, ce qui ne se voit pas forcément à travers le PER.

Cyrille Carrière : Nous avons vécu une période pendant laquelle les valorisations de marché étaient très faibles, car il n’y avait pas de croissance. Nous sommes désormais dans une phase de normalisation. Il faut garder à l’esprit que le coût du capital pour les sociétés a considérablement baissé. Les sociétés se financent à moins de 2 %. Si on valorise une société en prenant un coût moyen du capital entre 8 et 10 %, on est très loin de la réalité industrielle d’une société aujourd’hui. Dans une vision patrimoniale, les sociétés ne sont pas du tout survalorisées. Cela n’a rien d’aberrant de payer 15 fois le cash-flow d’une société qui va peut-être doubler de taille dans cinq ans.

Grégoire Uettwiller : Il n’y a plus de valeurs massacrées aujourd’hui dans l’univers des mid et small caps, mais certaines ont des valorisations toujours attractives. Exemple : des sociétés qui ont un modèle de croissance par acquisition relutive comme Maisons France Confort. Depuis une dizaine d’années, cette société réalise en moyenne deux acquisitions par an sur une valorisation de quatre fois les résultats de la cible. C’est le cas également d’Elis ou de Spie. Nous pouvons aussi citer SQLI, qui a profité d’un bilan très sain pour réaliser plusieurs acquisitions. Le marché a souvent du mal à anticiper le potentiel de revalorisation après acquisition.

Les thèmes et secteurs les plus attractifs, le manque d'attrait pour les PEA-PME

Yves Maillot : Nous avons des thèmes de long terme partagés par l’ensemble des gérants actions. Le premier concerne les changements liés à l’univers numérique. Il y a en Europe de nombreux acteurs technologiques de niche. Nous nous intéressons aux thématiques liées au vieillissement de la population, notamment à la santé, mais aussi aux acteurs de l’asset management. Enfin, nous avons en portefeuille des sociétés qui ont un important pricing power.

Julien Lepage : Au-delà des thématiques, il faut regarder la qualité des sociétés et leur valorisation. Si la thématique est porteuse mais que les sociétés liées se paient 30 fois les profits, cela n’a pas grand intérêt. Tout est une question de prix. Plutôt que de jouer des thèmes, mieux vaut jouer des valorisations comparées. Nous n’hésitons pas à acheter des valeurs de qualité peut-être moindre, mais avec un meilleur potentiel de hausse. Notre métier est d’aller chercher les poches d’inefficience et de sous-valorisation dans tous les secteurs.

Cyrille Carrière : Notre approche est différente, car nous investissons d’abord dans la qualité d’un modèle économique et la capacité à déployer une stratégie. Nous accompagnons un projet industriel sur le long terme. Quand une société se rapproche de l’objectif de valorisation normalisée que nous avons établi, nous ne la vendons pas systématiquement, car la croissance crée l’«upside». Notre objectif est de capter la création de valeur sur le long terme plutôt que de chercher des points d’entrée ou de sortie.

Eric Biassette : Dans l’univers des valeurs moyennes, il y a autant de styles que de gérants ! Nous sélectionnons les sociétés en les valorisant, à partir de leurs «free cash-flows». Je constate que nous avons actuellement en portefeuille beaucoup de sociétés exposées à l’amélioration de la conjoncture européenne, qui se paient entre 12 et 14 fois les estimations de profits pour 2016. Ce sont des sociétés leaders qui réalisent environ 50 % de leur activité en Europe, comme Rexel ou Imerys. Nous sommes également investis dans Wendel. Cette holding présente une décote attractive sur son ANR (actif net réévalué) de près de 30 %, ce qui montre d’ailleurs que nous ne sommes pas dans une situation de bulle du marché actions.

Grégoire Uettwiller : Les holdings sont des valeurs que nous apprécions dans le contexte actuel. Dans les phases haussières de marché, les décotes ont tendance à se réduire. Ce qui ne s’est pas encore produit. Nous avons en portefeuille Wendel et Eurazeo, mais aussi FFP, holding de la famille Peugeot, dont la décote sur les actifs est de 47 %. Nous pouvons accepter d’être investi dans des titres moins liquides ou des sociétés de qualité moindre parce que nous pensons que le potentiel d’appréciation est important. C’est la raison pour laquelle nous aimons bien les valeurs de recovery comme Nexans.

Marie-Jeanne Missoffe : Le M&A est une des thématiques majeures du moment. De même, l’international ou la réglementation. Mais, dans ces thèmes, il y a moins de valeurs uniques. La valorisation ne nous gêne pas s’il y a de la croissance. Nous cherchons les accélérateurs de croissance dans les sociétés dans lesquelles nous investissons. Si de nouveaux concurrents apparaissent ou si les perspectives de croissance sont moins bonnes, nous n’hésitons pas à vendre la valeur.

Le M&A est-il un facteur de soutien important pour ce segment de la cote ?

Marie-Jeanne Missoffe : C’est un facteur important car, pour ces sociétés de taille moyenne, une acquisition est souvent transformante.

Ces sociétés sont également des cibles…

Marie-Jeanne Missoffe : Avec un dollar plus élevé, il devrait y avoir effectivement plus d’opérations dans ce sens. Mais ce n’est pas un thème pour nous. Si une société se fait racheter, c’est la cerise sur le gâteau, mais nous ne cherchons pas à identifier des sociétés cibles. Nous avons en portefeuille des sociétés qui se développent par croissance externe.

Cyrille Carrière : Quand on prend du temps pour comprendre une société et la modéliser avant de la rentrer en portefeuille et qu’elle délivre la performance attendue, ce n’est jamais très agréable de la voir se faire racheter. La prime peut être moins intéressante que les perspectives de la société à moyen terme.

Comment avez-vous perçu le lancement du PEA-PME l’an dernier ? Avez-vous été déçu ou surpris de son faible succès ?

Julien Lepage : Nous avons hésité et finalement décidé de lancer un fonds PEA-PME compte tenu de notre expertise sur cette classe d’actifs. Contrairement au PEA, le PEA-PME est un produit restrictif. Pour tous ceux qui n’ont pas un PEA au plafond, ce nouveau dispositif n’offre pas grand intérêt.

Yves Maillot : Pour que le dispositif fonctionne, il faut effectivement que les PEA soient au plafond, ce qui est loin d’être le cas. A cela s’ajoute la grande réticence de la clientèle privée à investir dans les actions et, de surcroît, dans les petites valeurs. Par ailleurs, il y a eu un retard à l’allumage, notamment sur les conditions d’éligibilité des sociétés, suivi par une correction durant l’été. Nous avons créé un fonds en fin d’année et rendu éligible un fonds microcaps, mais nos attentes en termes de flux étaient modestes pour 2014, année de démarrage du dispositif.

Grégoire Uettwiller : Le PEA-PME a eu un effet presque pervers. Au premier trimestre 2014, tout le monde a anticipé ce lancement, donc le CAC Small a grimpé de 18 %, puis s’est effondré !

Julien Lepage : Les investisseurs peuvent acheter des fonds mid caps ou small caps dans les PEA ou dans les contrats d’assurance vie. Il n’y a pas de problème d’outil pour investir dans cette classe d’actifs, donc la création du PEA-PME n’était pas nécessaire. Une réforme de l’assurance vie avec les fonds euro croissance aurait beaucoup plus d’impact. 

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