Table ronde

Gestion thématique, une réponse à la quête de sens

Publié le 1 février 2019 à 10h58    Mis à jour le 1 février 2019 à 17h20

Propos recueillis par Catherine Rekik

L’offre de fonds thématiques ne cesse de se développer, avec parfois plusieurs fonds lancés sur la même thématique au même moment. • Comment faire le bon choix et ne pas céder à un phénomène de mode ? • L’exposition à une thématique offre-t-elle plus de résilience quand les marchés sont chahutés ? • Quel est l’intérêt pour les clients d’investir dans les actions via ce type de gestion ? Funds s’interroge sur la façon dont sont définis les univers d’investissements et sur la construction de portefeuilles. • D’où vient la performance (choix du thème, sélection de valeurs…) ?• Qu’apporte l’intégration de critères ESG dans la gestion d’un fonds thématique ? • Quelle est la place des fonds thématiques dans une allocation actions ? • Faut-il miser sur une thématique ou plutôt privilégier des fonds megatrends ? 

2018 a été une année compliquée pour les gérants, notamment sur les marchés actions. Comment les clients investis dans les fonds thématiques ont-ils réagi à la baisse généralisée des marchés actions ?

L’intérêt pour une thématique permet-il d’atténuer la sensibilité à ces chocs ?

François-Xavier Legendre : Récemment, un de nos clients a décidé d’arbitrer une grande partie de son portefeuille en faveur de notre fonds Dauphine Megatrends, car il veut donner du sens à son investissement. Pour les clients privés, il n’est pas toujours facile de comprendre l’évolution des fonds dans lesquels ils sont investis, surtout dans les périodes de marché compliquées. L’investissement thématique va au-delà de la recherche de performance «à tout prix», il doit être porteur de valeurs et d’éthique pour façonner le monde demain.

Stéphane Lago : Depuis trois ans, les clients sont de plus en plus nombreux à se positionner sur ces stratégies de gestion. Chez AXA IM, nous avons fait un travail important de pédagogie sur les thématiques dans lesquelles nous investissons, aussi bien la robotique, l’économie digitale que la transition énergétique et le vieillissement de la population. Malgré la volatilité des marchés, et selon nos estimations, ces thématiques ont des moteurs de croissance pérennes. Prenons l’exemple de la digitalisation de la consommation : même en cas de ralentissement global de la croissance, la consommation digitale devrait continuer à gagner des parts de marché.

Grâce à ce travail de pédagogie, malgré une année de fortes turbulences comme celle que nous avons connue, nous n’avons pas constaté de mouvement de panique chez nos clients ni de sorties de flux de nos fonds thématiques.

Olivier Cassé : Comprendre et donner du sens à son investissement sont les principaux moteurs de la gestion thématique. Ce qui n’est pas le cas de la gestion benchmarkée ou indicielle. Le gérant d’un fonds thématique doit pouvoir expliquer ses investissements à ses clients. Dans le cas du vieillissement de la population, nous sommes en présence d’une thématique sociale, donc à l’écart des grandes questions que l’on se pose sur le cycle économique ou le resserrement monétaire. C’est une tendance porteuse qui ne sera pas remise en cause par l’environnement économique des prochains mois. Cependant, il faut également expliquer la performance, négative l’an dernier même si la thématique a permis de bien résister.

Estelle Ménard : Dans la gestion thématique, l’idée est d’aller rechercher des tendances structurelles, sources de croissance pérenne. De facto, on s’inscrit dans un horizon de long terme. En théorie, l’évolution des cours de Bourse doit refléter les perspectives de croissance bénéficiaire. Dès lors que la gestion thématique s’inscrit dans une perspective de croissance de long terme, elle devrait s’extirper des aléas cycliques.

Néanmoins, à court terme, certains thèmes peuvent être plus pénalisés que d’autres. Chez CPR AM, nous avons une large gamme de fonds thématiques, du vieillissement de la population à la disruption, en passant par le défi alimentaire, les styles de vie, l’éducation et le climat, certains étant plus défensifs, d’autres plus cycliques. Toutes thématiques confondues, 2018 a été une bonne année en matière de collecte. Sur le dernier trimestre, alors que les marchés d’actions étaient chahutés, certains clients se sont posé des questions, mais plutôt sur l’opportunité ou pas de rester investis dans les actions en 2019. Si la réponse est oui, alors il est probable que les flux seront affectés à des fonds thématiques.

Faut-il se méfier des effets de mode et de la multitude de fonds lancés sur une même thématique, comme cela a été le cas avec la robotique et le digital entre 2017 et 2018 ?

Stéphane Lago : Les thématiques que nous proposons sont tangibles et compréhensibles pour les investisseurs. C’est un des principaux atouts par rapport à d’autres produits financiers pour lesquels les clients ne comprenaient pas toujours les moteurs de performance. Tant qu’un client comprend la stratégie et croit en son potentiel de croissance, il est beaucoup plus serein, y compris dans les périodes de turbulences. Selon les pays, certaines thématiques résonnent plus que d’autres : en Allemagne ou au Japon, c’est la robotique, car elle fait déjà partie de leur quotidien. Les investisseurs allemands ou japonais investis dans la thématique vont donc moins réagir à un événement de marché. En France, les clients sont plus sensibles à ce qui touche à la transition énergétique.

François-Xavier Legendre : Attention, cependant, car certaines thématiques sont très ciblées et peuvent être très sensibles à des aléas économiques. Il faut faire attention à l’hyper spécialisation d’une thématique et veiller à la coupler avec d’autres thématiques. Au risque sinon d’être exposé à un phénomène de mode et de s’enfermer dans un secteur de niche alors que nombre de besoins, de produits et de services que nous utiliserons demain n’ont pas encore été créés (imaginés). Le fonds MegaTrends permet d’être positionné en permanence sur un ensemble de thématiques.

Estelle Ménard : Avant de lancer en 2016 notre fonds sur la disruption, CPR Invest - Global Disruptive Opportunities, nous avons analysé l’offre existante dans ce domaine. Il s’agissait pour la plupart de fonds robotique ou d’intelligence artificielle qui fonctionnaient très bien. Pour nous, l’univers d’investissement de ces fonds était trop réducteur, trop ciblé. Nous avons alors considéré que l’élément commun à tous ces thèmes était l’innovation de rupture, et avons décidé de créer un fonds investi dans l’ensemble des secteurs touchés ou qui seront touchés par l’innovation de rupture, la disruption. Car, selon nous, un univers d’investissement thématique doit appréhender le marché de façon transversale, il doit être suffisamment large pour permettre au gérant de diversifier son portefeuille et de l’adapter aux différents cycles économiques, aux différents régimes de marché.

Stéphane Lago : Après avoir identifié quelles étaient les thématiques les plus porteuses, il faut que celles-ci rassemblent un certain nombre de critères : avoir un potentiel de croissance de plus de 10 % par an sur la prochaine décennie selon nos estimations, être investissables via des actions cotées, dans des secteurs et des zones géographiques différentes et offrant un accès aux petites et moyennes capitalisations boursières.

Olivier Cassé : Certaines peuvent être liées à des opportunités à un moment donné. Chez Generali Investments, nous avons lancé il y a quelques années un fonds «recovery» sur l’Europe du Sud. Il a connu une forte collecte, non pas parce que c’était une mode, mais plutôt un phénomène de cycle. Cependant, pour la plupart des fonds thématiques, la croissance est plutôt structurelle. Le vieillissement de la population sera par exemple en forte accélération sur les cinq à dix prochaines années. Après 2030, l’effet «papy-boom» ne sera plus le même.

Au-delà de la mode et du cycle, nous n’échappons pas non plus aux phénomènes de société, à l’image de l’intérêt grandissant de tout type de clientèle pour l’investissement socialement responsable. Historiquement, il était considéré comme une thématique ; aujourd’hui, l’ISR est même devenu la norme dans certains pays d’Europe.

La perception des fonds thématiques a-t-elle évolué dans le temps ? Ces fonds sont-ils devenus cœur dans une allocation actions ?

Estelle Ménard : La place des fonds thématiques a évolué au sein des allocations de nos investisseurs. Il y a une polarisation marquée entre la gestion active et la gestion passive qui prend de plus en plus d’ampleur. Cela a mis en exergue un intérêt croissant pour les gestions passives dans la partie cœur des allocations de nos investisseurs, réservant de fait la partie satellite à la gestion active. Progressivement, la gestion thématique, qui était auparavant un élément de diversification, devient une alternative à la gestion traditionnelle, et certaines thématiques s’intègrent même en cœur de portefeuille. Elle prend des parts de marché au sein des réseaux de distribution et dans la gestion privée, mais également dans l’allocation des investisseurs institutionnels.

De nombreux ETF ont été lancés sur des thématiques. La gestion passive va-t-elle également concurrencer la gestion active dans ce domaine ?

Stéphane Lago : En 2018, nous avons pu comparer les gestions actives et passives sur les thématiques. Les stratégies passives sur les thématiques liées aux technologies de rupture (robotique, intelligence artificielle, digitalisation) ont significativement collecté. Cependant, les ETF investis dans la robotique ont beaucoup souffert, car ils sont essentiellement exposés à la robotique industrielle, avec une forte exposition sur les petites capitalisations boursières. Dans une gestion active comme la nôtre, nous veillons à être très sélectifs et incluons la robotique chirurgicale, liée au secteur de la santé et à ses caractéristiques défensives. Ce qui nous permet d’être plus résilients quand les marchés baissent comme ce fut le cas en 2016 ou en 2018.

Grâce à une bonne connaissance des sociétés, la gestion active permet de construire des portefeuilles diversifiés en matière de secteurs et de régions.

Estelle Ménard : Soyons clairs : la gestion passive ne peut pas se permettre d’allouer, comme nous le faisons, les moyens nécessaires pour définir, de façon qualitative, un univers d’investissement suffisamment large, multisectoriels et multidimensions, pour ne pas être monotrème et pouvoir s’adapter aux différents régimes de marché. La définition des univers d’investissement est l’ADN de la gestion thématique. C’est encore un des avantages que nous avons dans la gestion active !

François-Xavier Legendre : Chez Dauphine AM, nous proposons un fonds megatrends, construit sur des grandes tendances séculaires. Il est exposé à un certain nombre de thématiques via un mix de fonds et d’ETF. Entre la gestion passive et active, il est possible d’obtenir le meilleur des deux mondes. Les expertises de gérants thématiques sont précieuses, et certains trackers spécifiques permettent de jouer un «écosystème» dans son ensemble. Notre sélection s’effectue sur le degré de pureté de la thématique représentée.

Stéphane Lago : AXA IM a développé sa recherche de sociétés en interne en se concentrant sur les cinq thèmes globaux – le vieillissement de la population, la consommation digitale, la robotique, la transition énergétique et le développement de la classe moyenne dans les pays émergents. Nous avons aussi créé une base de données qui compte 3 000 sociétés pour lesquelles est déterminé leur niveau d’exposition des revenus, à une ou plusieurs de ces thématiques.

Une fois l’univers d’investissement délimité, faut-il définir des règles pour la sélection des valeurs et s’y tenir ?

Olivier Cassé : La pire des erreurs serait de ne pas respecter les règles définies dans sa sélection des titres. Le principal atout d’une thématique est sa compréhension. Cela n’aurait pas de sens d’expliquer un thème à ses clients et d’avoir en portefeuille des valeurs qui ne profitent pas ou que très peu de ce thème. Il faut être très clair sur la façon dont est positionné le fonds. Dans notre cas, nous avons trois piliers d’investissement qui sont liés au cycle de vie de l’individu : l’épargne-retraite, la consommation et la santé. Toutes les sociétés dans lesquelles nous investissons sont en lien avec l’un de ces trois piliers. Parfois, il est difficile pour certaines entreprises d’avoir un pourcentage exact de l’exposition à la thématique, mais il faut pouvoir démontrer que nous avons sélectionné une société, car son principal facteur de croissance est lié au vieillissement de la population.

Estelle Ménard : Je suis convaincue qu’un client comprendra mieux une sous-performance qu’un portefeuille qui ne correspond pas à la thématique vendue. La définition de l’univers d’investissement est donc primordiale dans la construction du portefeuille. Chez CPR AM, c’est l’ADN de notre gestion thématique.

Cet univers d’investissement doit être régulièrement mis à jour. Dans certains cas, comme pour la disruption, il était impossible de réduire l’univers d’investissement à partir de screenings quantitatifs. La part de R&D dans le chiffre d’affaires d’une société ou ses dépenses d’investissement ne suffisent pas à la qualifier de société disruptive. Il nous a fallu pratiquement un an pour construire, valeur par valeur, de façon qualitative, l’univers d’investissement du fonds CPR Invest - Global Disruptive Opportunities, composé de près de 700 titres. A l’inverse, pour le fonds lié au défi alimentaire mondial, CPR Invest - Food for Generations, les six secteurs de l’univers d’investissement sont bien identifiés, puisque la thématique recouvre toutes les sociétés de la chaîne alimentaire, du champ à l’assiette. Dans le fonds CPR Invest - Education, trois piliers ont été identifiés : l’école et la formation, les services liés à l’éducation (immobilier, restauration, etc.) et les contenus et outils pédagogiques. Cet univers regroupe, in fine, sept secteurs. C’est, encore une fois, tout l’intérêt d’appréhender le marché de manière transversale.

Stéphane Lago : Il est également important de regarder le potentiel de croissance de ces univers d’investissement et de s’interroger sur les innovations dont ils peuvent potentiellement bénéficier. Dans la consommation digitale, l’économie partagée est pour l’instant une zone dans laquelle il existe des opportunités d’investissement, principalement en private equity. Cependant, d’ici deux ou trois ans, ces sociétés seront cotées et devraient venir enrichir l’univers d’investissement.

La réflexion en amont sur l’univers d’investissement est donc très importante. La gestion d’un portefeuille thématique ne peut se faire qu’à partir d’un univers à la fois immédiatement investissable et offrant un potentiel de développement visible, avec l’arrivée de nouveaux acteurs.

François-Xavier Legendre : Pour investir dans une thématique, il faut être un peu ingénieux et avoir une vision transversale sur toute la chaîne de valeur. Prenons l’exemple de l’efficience énergétique et de la transformation des véhicules. Cette thématique peut être jouée via les batteries, mais l’affaiblissement de positions concurrentielles va mener à une situation quasi monopolistique d’acteurs chinois non coté. On peut alors sélectionner des fonds investis dans des sociétés extrayant du lithium, car le marché sous-valorise cette matière première incontournable.

Quels sont les moteurs de performance des fonds thématiques : l’univers d’investissement, le stock picking, la capacité à s’affranchir des cycles de marché?

François-Xavier Legendre : Dans le cas de notre fonds, le choix des thématiques est la première source de performance. Vient ensuite un travail de recherche du support d’investissement, dont la composition et le processus de gestion doivent être le plus pur reflet de la tendance que l’on souhaite jouer. Il faut déterminer le bon market timing et le bon niveau d’exposition (chaque MegaTrend peut représenter de 10 à 40 % de l’actif du fonds). Le dernier moteur est le niveau d’investissement. Notre fonds actions peut avoir un volant de liquidité opportuniste allant jusqu’à 40 %.

Estelle Ménard : Nous avons également un fonds mégatendances dans la gamme CPR AM. Il peut investir dans toutes les thématiques «actions» du groupe Amundi afin d’offrir une solution «clé en main» aux clients qui veulent déléguer le choix d’allocation thématique. Le fonds est moins risqué car plus diversifié, puisqu’il n’embarque pas le risque de l’univers d’investissement d’une seule thématique. Il y a toujours au moins neuf thématiques stratégiques en portefeuille, dont le poids peut significativement varier en fonction du régime de marché.

Oliver Cassé : Dans le cas de notre portefeuille investi dans le vieillissement de la population, nous avons trois moteurs de performance d’égale importance : la thématique, l’approche ISR et le stock picking. Depuis sa création en octobre 2015 et à fin décembre 2018, la performance brute est une performance à deux chiffres alors que les indices européens sur la santé ou la consommation sont dans le rouge durant cette même période. Ce qui démontre bien la valeur ajoutée de l’approche ISR et du stock picking. D’autres fonds investis dans la même thématique peuvent avoir des performances très différentes.

Estelle Ménard : Une des questions que se pose tout gérant de fonds thématique est de savoir s’il doit se comparer à son univers d’investissement ou à un indice de référence plus large. Je pense qu’il est important d’avoir les deux. Pour extraire l’alpha il faut que le gérant se compare à son univers d’investissement. En revanche, il faut pouvoir montrer aux clients dans un univers européen ou global que la thématique elle-même est capable de créer de la valeur. La performance va venir de l’allocation, donc de biais sectoriels embarqués par l’univers d’investissement. Le choix des titres va amplifier ces biais et créer la différence.

Oliver Cassé : Lorsque nous présentons notre gestion à nos clients, nous présentons également sa performance par rapport à celle du MSCI Europe, mais aussi à celle délivrée par un indicateur composite qui rassemble les différents sous-secteurs qui composent la thématique du vieillissement de la population.

Stéphane Lago : La sélection de titres est le principal moteur de performance de nos stratégies thématiques. AXA IM ne va pas lancer une nouvelle thématique sans une véritable connaissance de l’univers d’investissement, notamment sur les petites et moyennes capitalisations boursières, de manière à chercher à offrir à nos clients des rendements potentiellement intéressants. L’expérience et l’expertise des gérants sur les secteurs et régions concernés sont très importantes, et cela peut véritablement faire la différence aux yeux des clients.

Estelle Ménard : Nous pouvons également faire appel à un contributeur extérieur lors de la construction de l’univers d’investissement. Notre dernier fonds sur le climat, CPR Invest Climate Action a été lancé en partenariat avec l’ONG CDP (Carbon Disclosure Project) qui nous aide à réduire l’univers des possibles, des 2 800 valeurs qui composent le MSCI All Countries à environ 740. C’est sur cet univers initialement filtré que nous appliquons ensuite nos propres filtres ESG et des analyses de controverses pour ensuite procéder à une analyse fondamentale approfondie.

Stéphane Lago : AXA IM a également lancé une stratégie sur la transition énergétique dont le travail de filtre a été réalisé à partir de notre base de données thématique développée en interne sur 3 000 sociétés. Il est possible d’aller encore plus loin et de cibler les objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD). En plus de l’équipe investissement responsable d’AXA IM, notre plateforme actions compte trois personnes dédiées à l’analyse qualitative des critères ESG et aux ODD.

Quelles classes d’actifs faut-il privilégier en 2019 ? Comment diversifier les portefeuilles?

En réduisant l’univers d’investissement, l’application d’un filtre ISR n’a-t-elle pas un impact négatif sur la performance ?

Olivier Cassé : Il y a autant de réponses possibles que de gérants ! L’ISR peut être perçu par le gérant comme une contrainte forte. Chez Generali Investments, l’analyse extra-financière est réalisée par une équipe dédiée. Les sociétés sont analysées par rapport à leur secteur sur des critères que nous jugeons pertinents. Les analystes ont des contacts directs avec les entreprises et, via des questionnaires, évaluent leurs pratiques ESG. Une entreprise qui ne répond pas ne peut pas être éligible. Notre filtre ISR exclut ensuite les sociétés dont la note ESG globale est inférieure à 50/100 au sein de leur secteur, et donc près de la moitié des émetteurs d’un secteur donné. La contrainte est donc très forte pour le gérant. Pour autant, est-ce que cela détruit de la valeur ? Les études que nous avons menées montrent plutôt, dans différents secteurs comme la santé, par exemple, qu’il y a une vraie corrélation entre le score ESG d’une entreprise établi selon notre méthodologie et sa performance boursière sur longue période.

Estelle Ménard : Sur les trois dernières années, les études académiques montrent, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, une surperformance des fonds ISR. Ce qui n’est pas le cas sur une plus longue période, car l’analyse extra-financière n’existait presque pas, était incomplète ou de mauvaise qualité.

Au sein de notre gamme, nous disposons aujourd’hui de trois fonds avec une approche durable : Food for Generations, Education et Climate Action. Notre filtre ESG, intègre l’application des notes ESG à plusieurs niveaux et, pour certains fonds, des mesures d’impact et de controverses. Ce filtre exclut entre 5 et 10 % des titres de nos univers d’investissement. Chez CPR AM, nous travaillons à partir des notes ESG établies par l’équipe extra-financière d’Amundi. Nous en tenons compte, mais nous analysons également en détail les critères qui correspondent à la thématique (gestion de l’eau, gestion des déchets, par exemple). Au-delà, nous excluons également les controverses, sur la base des informations recueillies auprès de fournisseurs comme RepRisk et Sustainanalytics. C’est une analyse plus tactique, plus fréquente, qui apporte une certaine dynamique, de la réactivité à notre gestion ESG et nous permet de gérer le risque réputationnel au sein des portefeuilles. Enfin, nous mettons également en place des mesures d’impact sur nos portefeuilles, comme l’intensité en carbone, en eau ou le taux de recyclage des déchets qui doit être mieux-disant que l’univers d’investissement. Cet élément, plus facile à appréhender que la note ESG, crée une clé de lecture commune à tous nos portefeuilles. Tous nos fonds thématiques ne sont pas gérés ainsi mais, en tant que filiale d’Amundi, CPR AM s’inscrit dans la volonté de la maison mère de transformer l’ensemble de ses fonds ouverts en fonds ESG d’ici à 2021.

Il y a déjà eu par le passé des tentatives de diffusion de l’ISR auprès des réseaux, mais cela n’a pas marché car les investisseurs particuliers avaient du mal à appréhender les critères ESG. Aujourd’hui, on peut véritablement parler de lame de fond. Si l’ISR devient un peu plus compréhensible, les investisseurs, surtout les particuliers, y adhéreront plus facilement. Le recours à des notes ESG est un peu complexe, mais l’utilisation des controverses ou des mesures d’impact simplifie le discours, le rendent plus compréhensible et plus pragmatique. Encore une fois, nos investisseurs préfèrent investir dans des fonds qui, certes, donnent du sens à leur investissement, mais également dans lesquels ils s’identifieront facilement.

La gestion thématique est donc un bon vecteur de diffusion de l’ISR…

Stéphane Lago : Oui, certainement. La thématique de la transition énergétique, qui rassemble les problématiques de transport durable, des énergies renouvelables ou d’efficience énergétique, est plus facile à appréhender par les investisseurs. Elle contribue à la compréhension globale de l’investissement socialement responsable. Par ailleurs, tous les critères ESG sont intégrés à tous nos processus de gestion, y compris pour des questions de risques. Un risque de réputation pour une société cotée peut par exemple fortement peser sur le cours de Bourse. Les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance doivent donc être analysés correctement.

François-Xavier Legendre : Les clients ne sont pas vraiment demandeurs mais, néanmoins, il leur semble évident que l’investissement est socialement responsable, ce qui est assez paradoxal. Ils considèrent que c’est, in fine, le travail du gérant de s’assurer que les sociétés détenues en portefeuille soient respectueuses de ces critères et de ces valeurs avec des secteurs d’exclusion. Certaines gestions sont déjà ISR sans avoir pour autant une notation ou un label. Les investisseurs ne sont pas dupes du phénomène de «greenwashing».

Olivier Cassé : L’ISR n’est plus une thématique ! J’ai la conviction qu’il deviendra une référence.

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