Petites & moyennes valeurs

L'attrait des fonds mid & small caps

Publié le 19 novembre 2013 à 12h10    Mis à jour le 3 décembre 2013 à 11h56

Catherine Rekik

Le contexte semble aujourd’hui plus favorable aux actions et, depuis le début de l’année, les principaux indices européens sont en progression. Les petites et moyennes valeurs ont bien profité de la hausse et, sur le long terme, elles engrangent des gains supérieurs aux grandes valeurs. Funds s’interroge sur l’opportunité d’investir encore sur cet univers de valeurs.

Les MidCaps, une classe d'actifs à part entière

Funds : Peut-on considérer les petites et moyennes valeurs comme une classe d’actifs à part entière ? Quelles en sont les caractéristiques ?

Sébastien Korchia, responsable des gestions actions et directeur général, Meeschaert Asset Management : Les petites et moyennes capitalisations boursières forment une classe d'actifs à part entière, avec ses propres caractéristiques. En premier lieu, elles affichent un taux de croissance supérieur à celui des grandes valeurs, plus dépendantes du PIB. Ces sociétés sont soit monoactivité soit spécialisées dans des niches. Cet univers est également dépollué des valeurs bancaires, ce qui permet de limiter les variations bilancielles et les effets autres que ceux liés à l'activité.

Le capital de ces sociétés est souvent détenu par le management ou par des familles. Cette caractéristique a des répercussions sur le bilan, l'endettement et la politique de distribution du dividende. La classe d'actifs est également plus sujette aux opérations financières (OPA, retraits de la cote, etc.). Elle se renouvelle aussi fréquemment grâce aux introductions en Bourse. Cet univers est représenté par des indices, ce qui prouve bien que l'on peut le caractériser, et par des gérants spécialisés.

Jean-Pierre Mariaud : Les valeurs moyennes reflètent le segment le plus dynamique des entreprises. Ce ne sont plus des start-up et pas encore des groupes mondiaux bien établis et sensibles à l'évolution des grands indicateurs macroéconomiques régionaux ou mondiaux. Suivant les sociétés de gestion ou les indices, la définition d'une valeur moyenne peut varier : de 150 millions à 5, voire 10 milliards d'euros de capitalisations boursières.

L'activité des valeurs moyennes est la plupart du temps centrée sur un domaine particulier. Ce sont des sociétés en émergence en termes d'implantation géographique ou de nouveaux métiers. Ce sont souvent, via les valeurs moyennes que nous découvrons, de nouveaux secteurs d'activité. Nous l'avons vu à la fin des années 1990 avec le développement des énergies renouvelables et de l'Internet. La spécificité des valeurs moyennes est également liée aux gérants spécialisés sur cette classe d'actifs, car ils ont un biais analyse financière prononcé.

Funds : L'accès au crédit reste compliqué. N'est-il pas difficile pour les petites et moyennes valeurs de financer leur développement ?

Eric Biassette : L'univers des valeurs moyennes est large et très diversifié. Il existe presque autant de métiers que de valeurs. L'actionnariat est souvent familial, permettant au management d'avoir une vision de long terme, ce qui n'est pas forcément le cas dans les grandes entreprises. Le management des sociétés de taille moyenne est focalisé sur un métier depuis plusieurs années et expert dans son domaine. Les entreprises de taille moyenne ont aussi une grande capacité d'adaptation et d'évolution en fonction du contexte économique.

Eric Biassette, responsable investissements Small & Mid Caps, Generali Investments Europe : La classe d'actifs n'est pas exempte de risques. Une valeur moyenne confrontée à un problème grave peut rapidement rencontrer des difficultés importantes, voire faire faillite. Le phénomène est généralement plus lent en ce qui concerne les grandes valeurs. Ainsi, au sein de notre univers, on peut citer trois sociétés dans des secteurs très différents dont les cours de Bourse se sont effondrés au cours de l'année et qui font face à des difficultés sérieuses : Pescanova (pisciculture), Praktiker (distribution de matériel de bricolage), Imtech (services industriels). D'où l'importance du stock-picking dans un univers très large ainsi que la nécessité d'étudier attentivement la génération de free cash-flows. Les valeurs moyennes sur lesquelles nous investissons n'ont pas forcément de problèmes d'accès au financement aujourd'hui car elles ont atteint une taille significative. Le principal risque serait plutôt un risque opérationnel.

Jean-Pierre Mariaud : Les valeurs moyennes n'ont pas la même capacité d'accès au financement que les grandes valeurs, qui peuvent émettre des obligations assez facilement. De ce fait, les sociétés que nous regardons ont une génération de cash-flow et une structure bilancielle saines qui leur permettent d'être indépendantes vis-à-vis des marchés de la dette auxquels elles n'ont pas accès ou des banquiers.

Funds : Vous investissez donc plus sur des valeurs moyennes que sur des petites capitalisations...

Sébastien Korchia : Pas en ce qui me concerne puisque je peux investir dans des capitalisations boursières de 10 ou 15 millions d'euros. Cela dépend des établissements ou des types de fonds. Je me réfère au classement officiel d'Euronext qui définit les petites valeurs comme celles appartenant au compartiment C et ayant une capitalisation boursière inférieure à 150 millions d'euros. La valeur moyenne a une taille comprise entre 150 millions et un milliard et la grande valeur est au-delà du milliard. Dans mon univers d'investissement, je regarde des petites valeurs que certains définissent comme des micro-caps. Chacun a sa propre définition.

Tout dépend également de la taille du fonds géré : dans un fonds de 600 millions d'euros, le gérant peut difficilement investir sur des petites capitalisations boursières car il a des contraintes en termes de liquidité et de risques. Car, et c'est une autre des caractéristiques de cette classe d'actifs, il y a des valeurs sur lesquelles un gérant ne peut pas investir car il n'y a pas de papier.

Eric Biassette : Chaque gérant a un style de gestion. L'univers des valeurs moyennes se compose de sociétés dont la valorisation boursière est inférieure à 5 milliards d'euros. Au sein de cette classe d'actifs, je privilégie généralement les entreprises solides avec un track record et un management établi. Je suis plus méfiant en ce qui concerne les petites sociétés, qui sont souvent actives sur des marchés de taille réduite ou dans des métiers technologiques offrant une visibilité limitée. J'évite également les introductions en Bourse car l'historique des comptes présentés est trop récent.

Funds : Le style du gérant est donc beaucoup plus déterminant sur cette classe d'actifs que pour les grandes valeurs...

Eric Biassette : Il y a en effet beaucoup plus de styles de différenciation dans cette classe d'actifs, compte tenu notamment de la diversité de l'univers composé de plus de 2 000 valeurs en Europe. En ce qui concerne la liquidité, nous sélectionnons en général des titres nous permettant d'être en mesure de constituer une ligne représentant 1 % du fonds en une semaine, afin de pouvoir en sortir assez vite en cas de problème.

Sébastien Korchia : Pour investir sur des petites valeurs, le gérant doit accepter d'avoir plus de volatilité et que son portefeuille soit en décalage, à un instant t, par rapport au benchmark. Il faut parfois du temps pour que l'ensemble de la communauté financière prenne conscience d'une position dominante récemment acquise ou d'une situation de décote excessive.

Jean-Pierre Mariaud, gérant, CM CIC Asset Management : A partir d'un certain montant d'encours gérés, il est impossible, au-delà du style de gestion de chacun, d'investir dans des sociétés de petite taille pour des raisons de liquidité. Dans les fonds que nous gérons, nous avons mis en place une limite en termes de pourcentage du flottant de l'entreprise. La gestion valeurs moyennes ne doit pas détenir plus d'un certain poids dans le flottant dans une entreprise. Nous gérons des fonds ouverts et nous devons donc être liquides. Le style est important ainsi que la conviction que nous pouvons avoir sur une société. Les sociétés dans lesquelles nous investissons ne sont pas immunes au développement économique ou à l'évolution du PIB mais elles ont une activité qui se développe car elles apportent de la valeur ajoutée à un client ou à un fournisseur.

Par ailleurs, il est vrai que les gestions de valeurs moyennes essentiellement fondées sur le stock-picking peuvent afficher des performances décorrélées des benchmark sur des échéances courtes. La vraie valeur ajoutée se mesure sur la durée. Il faut laisser le temps à la société et au management d'exécuter la stratégie.

Sébastien Korchia : Plus les sociétés sont petites et plus le style du gérant est lié à sa capacité de comprendre et jauger la qualité du management. Les managers des petites sociétés ont une forte spécialisation et implication dans l'opérationnel. Il existe une prime ou décote à la capacité d'exécution du management.

Eric Biassette : Si on compare sur longue période (notamment depuis début 1999), le CAC Small 90 et le CAC Mid&Small, qui compte environ 300 valeurs, ce dernier surperforme largement l'indice des petites valeurs. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de belles opportunités dans les petites valeurs.

Un momentum favorable

Funds : Sur cette période de surperformance des valeurs moyennes sur dix ans, peut-on identifier des cycles durant lesquels il est préférable d'être investi ou pas sur cette classe d'actifs ? Sommes-nous aujourd'hui dans une configuration qui est favorable à ces

Sébastien Korchia : Il est clair qu'il est préférable de ne pas être investi sur cette classe d'actifs durant les périodes délicates sur les marchés. Les investisseurs optent alors pour un «fly to quality» et rapatrient leurs liquidités sur des titres plus liquides, ce qui accentue les accélérations baissières sur les moyennes et les petites valeurs. Les fonds font alors l'objet de retraits et sont contraints de vendre.

Jean-Pierre Mariaud : A mon sens, il s'agit plus d'un «fly to liquidity» qu'un «fly to quality». La qualité existe aussi dans les valeurs moyennes ! Pour revenir aux performances, investir dans des valeurs moyennes revient à investir sur la partie la plus dynamique des entreprises. Donc, il y aura structurellement une surperformance des valeurs moyennes. Aux Etats-Unis, elle se vérifie sur de longues périodes de trente à cinquante ans. Les problèmes de liquidité existent et nous avons en effet vu en 2008 certaines gestions spécialisées être en difficulté. Chez CM CIC AM, le poids du flottant dans les entreprises est fondamental. Nous gérons des fonds ouverts qui doivent rester liquides.

Sébastien Korchia : On observe que certains fonds détiennent 5 %, voire au-delà, du capital d'une valeur moyenne, ce qui peut générer des risques de liquidité trop importants.

Eric Biassette : Les investisseurs ont gagné en maturité ces dernières années. Auparavant, le raisonnement était simple : quand les marchés montaient, il fallait acheter des valeurs moyennes car elles amplifiaient la hausse. Et, à l'inverse, elles subissaient les baisses plus fortement. Or, lorsqu'on analyse ce qui s'est passé en 2007/2008, on observe bien une sous-performance des valeurs moyennes, mais plutôt modérée. Dès 2009, le rattrapage a plus que compensé cette sous-performance. Et aujourd'hui, nous sommes dans une phase de légère reprise économique mondiale. Il ne devrait donc pas y avoir de tensions particulières sur les valeurs moyennes.

A l'instar des grandes valeurs, la réflexion concerne donc l'arbitrage entre les belles valeurs de croissance dont les valorisations sont élevées et les valeurs cycliques. Globalement, nous estimons qu'il n'y a pas de bulle sur les valeurs de qualité même si le potentiel d'appréciation est plus limité. Les valeurs cycliques ont rebondi mais certaines d'entre elles ont encore une marge de progression.

Jean-Pierre Mariaud : Il y a clairement une réorientation vers les valeurs cycliques. En divisant le Stoxx 600 en large, mid et small caps, nous avons une exposition sur les biens et services industriels dans le Mid 200 qui est le double de celle de la partie large du Stoxx 600. Dans un contexte européen bénéficiant d'éléments macroéconomiques plus favorables, cette partie de la cote a bien rebondi. Certaines sociétés cycliques, qui avaient subi une forte contraction des marges, ont encore un potentiel de rattrapage très significatif.

Sébastien Korchia : Dans l'univers des petites valeurs, il y a beaucoup de valeurs cycliques ou value. Tant que les arbitrages se feront en faveur des valeurs value, ce segment de la cote devrait bien performer.

Funds : Quelle part doit-on consacrer aux valeurs moyennes dans une allocation actions ?

Jean-Pierre Mariaud : Une exposition structurelle sur les valeurs moyennes dans un portefeuille devrait être en ligne avec le poids de cette classe d'actifs dans la capitalisation boursière totale des actions en Europe.

Sébastien Korchia : Tout dépend du profil de risque de l’investisseur, qu’il soit institutionnel ou particulier. Certains investisseurs refusent d’investir dans ce segment de la cote.

Funds : Quels sont les thèmes ou les valeurs à privilégier dans le contexte actuel ?

Eric Biassette : Dans notre gestion, la croissance est le moteur de la performance. Nous recherchons en particulier des sociétés avec des taux de croissance réguliers. Les valeurs moyennes sont aujourd'hui bien valorisées ; il reste quelques opportunités intéressantes comme Ipsos, qui commence à tirer profit de sa dernière acquisition et devrait repartir sur un cycle de croissance et d'optimisation des marges. Nous trouvons encore des valeurs de croissance qui ne se paient que 11 ou 12 fois les estimations de profits. Dans la R&D, nous apprécions des titres comme Altran. En Allemagne, nous avons investi dans Gerresheimer, qui fabrique des contenants de produits pharmaceutiques. Nous avons également investi dans des valeurs plus cycliques ou domestiques comme Faurecia ou Eurotunnel.

Sébastien Korchia : Nous faisons du stock-picking sur des petites valeurs françaises. Nous regardons aussi bien des valeurs qui sont sur de belles tendances de croissance, comme Rosenbauer, que des valeurs en retournement pur. Nous sommes entrés très tôt par exemple sur Technicolor. Nous apprécions également des sociétés où il peut y avoir des ruptures technologiques, comme Rentabiliweb. Pour être plus en phase avec le marché et jouer la reprise cyclique, nous investissons sur Jacquets Metals, par exemple.

Jean-Pierre Mariaud : Nous faisons du stock-picking et notre approche est bottom-up. Il nous est donc difficile de dégager des thèmes d'investissement. Néanmoins, nous pouvons dégager des thématiques sectorielles, comme la réorganisation des systèmes de paiement avec des valeurs comme Ingenico ou Wirecard. Parmi les petites sociétés françaises, nous avons sélectionné ID Logistics, qui enregistre une croissance élevée en France mais aussi au Brésil et en Afrique du Sud dans la logistique contractuelle. Grâce à une acquisition, la société dispose de nouveaux relais de croissance en France et en Allemagne. Nous apprécions également la R&D externalisée et des valeurs comme Alten et Altran, dont le management se stabilise. En Italie, nous avons repéré Safilo, qui sort d'une période difficile. Cette société, numéro 2 mondial de la fabrication de montures de lunettes, devrait enregistrer une croissance significative de ses marges au cours des trois prochaines années.

La création du PEA PME

Funds : La classe d’actifs va-t-elle réellement profiter dela création du PEA PME ? L’afflux de liquidités sur certaines valeurs ne comporte-t-il pas des risques ?

Jean-Pierre Mariaud : La création de ce PEA PME est une excellente nouvelle pour l'investissement en actions. En termes de liquidités, cela peut représenter des montants significatifs. Selon certaines études, la collecte potentielle est estimée entre 1 à 1,5 milliard d'euros. Sur le marché français, cela représente environ 20 % des volumes mensuels échangés sur le CAC MID&Small, ce qui est assez significatif. Si nous raisonnons sur la zone euro, l'impact sur la liquidité va pratiquement disparaître.

La sélection de valeurs sera déterminante afin d'éviter les excès. Le nouveau PEA devrait concerner les PME/ETI, soit des sociétés qui emploient moins de 5 000 personnes et ont un total de bilan inférieur à 2 milliards d'euros ou réalisent un chiffre d'affaires maximal de 1,5 milliard d'euros. La loi de finances apportera plus de précisions en décembre.

Sébastien Korchia : La plupart des critères sont déjà connus et il n'y a pas de contrainte en termes de capitalisation boursière. Plus de 450 valeurs sont concernées, dont neuf appartenant au compartiment A. Certains brokers ont déjà établi des listes précises de sociétés.

La création du PEA PME va dynamiser une partie de cette classe d'actifs, celle éligible, soit environ 450 valeurs déjà bien identifiées. Les 100 titres les plus liquides de cette liste représentent un volume journalier de 85 millions d'euros. Il y aura donc une concentration sur ces quelques dossiers. Près de 40 % des valeurs figurant sur la liste ne sont pas suivies par des analystes financiers et 60 % d'entre elles ne sont suivies par plus d'un analyste.

Si le succès est au rendez-vous, les flux auront tendance à se concentrer sur les plus grosses capitalisations. Mécaniquement, grâce aux flux, cet univers a une hausse attendue de 8 % par an pendant trois ans.

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