Table ronde

Les atouts des fonds à performance absolue

Publié le 20 septembre 2019 à 15h47    Mis à jour le 18 octobre 2019 à 16h44

Propos recueillis par Catherine Rekik

Les fonds à performance absolue ont été globalement décevants ces dernières années, car bien peu sont parvenus à délivrer un rendement positif à la hauteur des objectifs annoncés. Funds s’interroge sur la pertinence d’avoir ce type de fonds en portefeuille. • La classe d’actifs est-elle affectée par les revirements des banques centrales ? La perspective d’avoir des taux bas, voire négatifs, de façon durable, du moins dans la zone euro, est-elle un frein ou un atout pour ce type de gestion ? • L’environnement actuel est-il plus propice à certaines stratégies ? • Dans les stratégies gérées, quels sont les principaux risques identifiés ? Quelles sont les sources d’opportunité ? Comment générez-vous de l’alpha ? • Quel rôle ces fonds jouent-ils dans un portefeuille ? Quel est le profil des investisseurs ? • Les attentes des investisseurs ne sont-elles pas trop élevées ? Quel horizon de placement ?

Ces derniers mois, nous avons assisté à un revirement des politiques monétaires des banques centrales. Ce qui n’a pas été sans conséquence sur les marchés. Quelle influence a le contexte actuel sur les stratégies que vous gérez ? Comment vous adaptez-vous

Eric Bendahan, fondateur et gérant, Eleva Capital : L’environnement de taux bas est, en théorie, plutôt porteur pour les stratégies de performance absolue. C’est en partie à cause de la faiblesse des taux qu’il y a eu de l’engouement pour ces produits. Beaucoup d’institutions sont confrontées à la nécessité de trouver du rendement. Les banques privées, dans le cadre de la gestion sous mandat, se retrouvent par exemple avec des clients ayant des profils défensifs et des perspectives de rendement quasiment nulles. Dans certains pays comme l’Italie, où les particuliers investissaient en direct, les obligations arrivent à maturité et les investisseurs se retrouvent avec des taux de rendement très bas.

L’environnement de taux bas pose aussi de nombreux problèmes aux assureurs. La plupart essaient désormais de limiter la collecte des fonds en euro. Cela crée un besoin de nouvelles stratégies. A nous, en tant que gestionnaires, de tirer des performances positives pour convaincre les investisseurs !

Emmanuel Terraz, global head of absolute return & quantitative equity, Candriam : Comme les taux sont presque à 0 et que les actions ont globalement bien progressé, les rendements que nous pouvons espérer sont de facto de moins en moins élevés. Par conséquent, les rendements attendus pour les stratégies alternatives baissent aussi. C’est un problème pour nous comme pour toutes les classes d’actifs. Mais nos stratégies de gestion ont notamment l’avantage de pouvoir utiliser du levier. Cela permet de retrouver du rendement sur des stratégies sur lesquelles le rendement s’est écrasé.

Historiquement, Candriam a développé des stratégies à faible volatilité, à partir desquelles nous essayons aujourd’hui de construire des fonds plus dynamiques grâce à l’effet de levier. C’est ce qui rend la gestion alternative intéressante dans le contexte actuel. Les gérants alternatifs sont experts en utilisation du levier dans un cadre sécurisé et avec des risques de perte extrêmes contenus.

Maxime Hayot, gérant du fonds Durandal, BDL Capital Management : Un des premiers objectifs des fonds alternatifs est de diversifier le rendement du portefeuille du client final, et donc d’apporter de la décorrélation et un amortissement de la volatilité. Même si les rendements sont plus faibles aujourd’hui, la volatilité est également plus basse que le marché. En 2018 et en 2019, deux années très volatiles pour les marchés actions, beaucoup de fonds alternatifs ont joué leur rôle de diversificateur et d’amortisseur des chocs de marché.

Carl Dunning-Gribble, senior partner, Syquant Capital : Chez Syquant, nous nous focalisons surtout sur les arbitrages issus d’événements d’entreprise et, notamment, ceux liés aux arbitrages de fusions et acquisitions. Un contexte de taux bas est plutôt favorable pour le flux d’opérations. C’est ce que nous constatons aux Etats-Unis depuis la baisse des taux depuis dix ans. C’est moins le cas en Europe, sans doute pour des raisons politiques et économiques, et, actuellement, les incertitudes liées aux Brexit sont la principale raison d’une baisse de régime des opérations en Europe.

Cependant, la baisse des taux a une conséquence moins favorable : les spreads ou marges d’arbitrage sont, en effet, comprimés par rapport à ce que nous avons connu par le passé. Si l’environnement de taux peut avoir un effet sur les niveaux des spreads, il faut néanmoins souligner que le risque principal dans nos portefeuilles, et ainsi sur l’évolution des spreads, est l’évolution de l’événement. Si une opération est très risquée, son spread sera très élevé, même dans un contexte de taux bas. Pour nous, l’influence des taux est donc plutôt positive sur le flux des opérations. Il faut ensuite sélectionner les meilleurs couples rendement/risque.

L’utilisation de l’effet de levier évoqué précédemment est-elle une des caractéristiques de la gestion à performance absolue ? Comment définissez-vous ce style de gestion ?

Emmanuel Terraz : Il n’existe pas une seule définition de la gestion alternative. L’idée première est d’offrir des performances décorrélées des autres actifs et si possible d’autres gestions alternatives. Plusieurs techniques sont mises en œuvre pour arriver à ce résultat, mais la finalité est la même : produire une performance régulière et décorrélée. Nous pouvons être acheteur et vendeur à découvert, positionner les portefeuilles sur des écarts de valorisation d’actifs semblables ou sur des opérations de fusions/acquisitions ainsi que des spreads de crédit. Et comme tous ces écarts sont relativement réduits, nous utilisons du levier pour générer une performance robuste.

Eric Bendahan : La décorrélation est en effet la caractéristique première de la performance absolue. Il n’y a pas cette notion de battre un indice, mais bien de délivrer une performance absolue et décorrélée dans la durée.

Carl Dunning-Gribble :Pour gérer un fonds à performance absolue, il ne faut pas forcément utiliser du levier. Dans certains de nos fonds, nous appliquons des stratégies d’arbitrage mais sans levier. Bien entendu, l’espérance de rendement n’est pas la même.

Pourtant, la gestion à performance renvoie souvent à l’idée de boîte noire et à l’utilisation d’instruments complexes…

Carl Dunning-Gribble : Beaucoup de stratégies ne sont pas du tout opaques. Au contraire ! Les investisseurs institutionnels font des due diligences approfondies. Ils connaissent bien les approches et les styles. Mais Il faut bien expliquer ce que nous faisons. La notion de boîte noire peut probablement exister pour certaines stratégies quantitatives, pour lesquelles le gérant ne veut pas dévoiler complètement son modèle ou sa recette.

Emmanuel Terraz : Auparavant, les gérants de stratégies alternatives cultivaient le secret. La gestion alternative était très segmentée. En 2019, toutes les stratégies sont connues, et les sociétés de gestion communiquent de manière transparente. Il n’y a plus de boîte noire. Désormais, même les gérants traditionnels utilisent des techniques de gestion alternative.

Maxime Hayot : BDL Capital Management offre à la fois un fonds long/short actions discrétionnaire et un fonds quantitatif long/short actions. Ce dernier fait également du stock picking à partir d’un modèle quantitatif transparent qui repose sur l’analyse des données fondamentales. C’est la partie short de ces stratégies que nous mettons en avant, car elle nous permet d’être prudents avec l’épargne de nos clients et d’amortir un certain nombre de chocs de marché.

Eric Bendahan : Chez Eleva Capital, nous avons également les deux types de stratégies, long only et long/short, et nous offrons le même degré de transparence dans les reportings ou dans le cadre de due diligences. Parfois, il peut y avoir quelques petites réticences à révéler des «short» spécifiques pour ne pas altérer les relations avec certains managements, mais les investisseurs institutionnels peuvent avoir accès à l’ensemble du portefeuille. Sur le sujet de la transparence, l’industrie a beaucoup évolué.

Certains gérants traditionnels ont recours à des techniques de gestion alternative, notamment dans la gestion flexible. Qu’est-ce qui distingue fondamentalement ces deux styles de gestion alors qu’elles ont une promesse similaire, celle d’amortir les baisses de marché ?

Maxime Hayot : L’objectif de capter une partie de la hausse et d’amortir les baisses de marché est finalement assez similaire pour les deux types de gestion mais, en réalité, les sources de performance sont très différentes. Un fonds long/short actions n’est pas géré de la même façon qu’un fonds flexible actions, par exemple. L’exposition à une classe d’actifs n’est pas la même chose pour un fonds long/short, qui a un biais mesuré et dont la principale source de valeur proviendra de l’écart relatif de valorisation entre la poche «long» et la poche «short». Il n’y a qu’une seule source d’alpha fournie aux clients alors que, dans le cas d’une gestion flexible, on offre également une capacité à trouver le bon point d’entrée sur les marchés. Ce qui peut s’avérer complexe et augmenter la volatilité de la performance future.

Emmanuel Terraz : La gestion flexible est assez industrielle : il est possible de gérer des fonds de taille importante, alors que la plupart des gestions à performance absolue sont plus sur du sur-mesure, avec des techniques spécifiques sur lesquelles la capacité est plus réduite.

Carl Dunning-Gribble : Dans la gestion flexible, le timing de marché est le facteur qui apporte de la valeur au portefeuille. Ce n’est pas du tout le cas pour une grande partie des stratégies de performance absolue, pour lesquelles nous analysons un risque spécifique. Un gérant alternatif n’a pas de vue sur les marchés mais sur des dossiers spécifiques.

Eric Bendahan : La gestion flexible assume un risque indiciel ainsi que la volatilité des différents composants de l’indice. En performance absolue, nous essayons de délivrer un profil de performance différent. Nous avons cependant constaté qu’un certain nombre de gérants flexibles étaient devenus investisseurs dans des fonds alternatifs en raison de la difficulté à délivrer des profils défensifs dans un contexte de taux bas.

L’objectif de rendement positif quel que soit l’environnement des marchés ne suscite-t-il pas trop d’attentes ? Cet objectif doit-il être envisagé sur un horizon d’investissement déterminé ?

Carl Dunning-Gribble : S’il s’avère que la performance d’un fonds à performance absolue a une trop forte corrélation au marché, c’est forcément source de déception, car la décorrélation est une des principales promesses de ces fonds. Il peut y avoir toutefois des années plus compliquées avec, par exemple, des événements qui entourent un dossier qui n’ont pas été anticipés. Il faut pouvoir expliquer que le gérant est bien resté dans le périmètre de risque défini pour le fonds en matière de drawdown et de volatilité. Un investisseur qualifié comprendra qu’il puisse y avoir un problème sur un dossier qui pèse sur la performance annuelle.

Mais, après un trimestre comme fin 2018, vous êtes-vous questionnés également sur vos stratégies ? La promesse de décorrélation a-t-elle été tenue ?

Emmanuel Terraz : Le dernier trimestre 2018 est un bon test pour ces stratégies. C’est à ce moment-là qu’il est possible de démontrer ce qu’est la performance absolue. Le comportement du fonds ne doit pas être différent de ce qu’il a été le reste de l’année. Cela a été le cas pour nos fonds de risk arbitrage ou de market neutral. Cela n’empêche pas les accidents, mais ils doivent être décorrélés des phases baissières ou haussières de marché. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’un fonds à performance absolue gagne de l’argent tout le temps. C’est pourquoi il me semble important pour un investisseur, au moment de sélectionner un gérant alternatif, de s’assurer de l’expérience de celui-ci et de pouvoir analyser le comportement des fonds qu’il gère dans plusieurs contextes de marché.

Sur des stratégies long/short actions, peut-on s’extraire d’un environnement comme celui de fin 2018 ?

Maxime Hayot : Dans une stratégie long/short actions avec un biais actions, cela devient subtil de faire de la performance quand il y a un choc de marché et que toutes les actions subissent la même baisse. En revanche, il est important d’expliquer aux clients les risques pris par le fonds et la perte subie, l’idée étant quand même d’amortir la baisse.

Eric Bendahan : Il faut se maintenir dans les objectifs fixés en matière de drawdown et de volatilité. En s’y tenant, nous pouvons expliquer les différentes phases de marché. Notre fonds a connu une assez bonne année 2018, mais a perdu de l’argent sur le quatrième trimestre, les conditions de marché étant trop hostiles pour notre style de gestion. Mais le fonds a joué un rôle de coussin conformément à ses objectifs.

Carl Dunning-Gribble : Cela rejoint la notion de décorrélation, non seulement au sein de nos portefeuilles, mais aussi entre les différentes stratégies alternatives. En ce qui nous concerne, c’est le début de l’année 2018 qui a été compliqué, car deux opérations de fusions-acquisitions ont échoué, un impact négatif en mars et un deuxième en juillet, donc lorsque les marchés étaient au plus haut. En revanche, le dernier trimestre a été normal. C’est toute la richesse de la performance absolue : différents styles et différentes stratégies décorrélés les uns par rapport aux autres. Il y a donc globalement de la valeur ajoutée dans la classe d’actifs.

Il faut donc avoir différentes stratégies alternatives en portefeuille…

Carl Dunning-Gribble : Oui, c’est ma conviction.

Maxime Hayot : En effet, même au sein du long/short actions, il est important d’avoir une stratégie avec un biais actions et une stratégie market neutral. Ces deux stratégies se complètent et ne sont pas corrélées.

Les investisseurs sont-ils aujourd’hui en capacité de sélectionner et d’assembler ces différentes stratégies dans un portefeuille ? Les investisseurs institutionnels sont plus avertis, mais qu’en est-il des banques privées ou des CGP ?

Carl Dunning-Gribble : Les grands réseaux de banque privée ont des départements spécialisés et informent les banquiers privés des atouts de ces stratégies. Du côté des CGPI, nombreux sont ceux qui ont une très bonne connaissance de cette classe d’actifs. L’intérêt des banques privés et des CGPI pour cette classe d’actifs est de plus en plus perceptible, surtout dans un contexte où il faut proposer aux clients autre chose que des fonds en euro. Il faut donc bien choisir la stratégie, car elles n’ont pas toutes le même profil de risque. Nous avons par exemple un fonds qui, depuis son lancement en 2009, affiche une performance de l’ordre d’Eonia + 2,50 % avec une volatilité comprise entre 1 % et 2 %, ce qui est en ligne avec les attentes du gérant et avec l’objectif du fonds de délivrer une performance absolue faiblement corrélée avec les marchés actions. Un tel fonds peut être un support intéressant pour les CGPI à la recherche de supports peu volatils.

Emmanuel Terraz : Beaucoup de banques privées ont des spécialistes de la gestion de performance absolue. Elles ont une activité de conseil pour leurs clients, mais aussi pour des CGP qui, parfois, leur sous-traitent une partie des due diligences.

Que représente la poche alternative dans un portefeuille ? Comment a-t-elle évolué ? Qu’est-ce qui amène l’investisseur à choisir un fonds long/short equity, par exemple : la volonté de s’exposer aux actions sans le même risque qu’un fonds long only ou est-ce en complément ?

Eric Bendahan : Au moment du lancement de notre fonds long/short, nous pensions avoir une typologie de clients assez différente de ceux investis dans notre fonds long only. En fait, nos clients sont investis dans les deux fonds. Certains, quand ils ont une vue plus négative des marchés, sortent d’un fonds pour investir dans l’autre mais, pour la plupart, ces deux fonds rentrent dans des poches distinctes avec des objectifs de risque différents. C’est en termes géographique que nous constatons des changements : les Italiens sont très friands de fonds à performance absolue, tandis que les Suisses sont plus réticents après les déceptions de 2008 et 2009.

Emmanuel Terraz : Paradoxalement, la crise de 2008-2009 a été un bon révélateur. Les bons gérants s’en sont sortis, tandis que les mauvais élèves ont mis la clé sous la porte. La gestion alternative est aujourd’hui de bien meilleure qualité qu’il y a dix ans. Elle s’inscrit aussi dans un cadre plus régulé.

Carl Dunning-Gribble : Le cadre réglementaire a été favorable à nos stratégies. La clientèle institutionnelle, surtout en Europe continentale, préfère désormais les fonds Ucits aux fonds off shore. Elle a l’assurance que les pratiques opérationnelles et administratives du fonds sont claires et plus sécurisées.

En ce qui concerne l’importance de cette poche dans les portefeuilles, nous avons une vision plus claire de ce qui se passe dans les banques privées. En fonction du profil choisit par le client «conservateur» ou «dynamique», la poche «performance absolue» peut aller de 10 à 20 % du portefeuille. Il est plus difficile de savoir ce que représente la classe d’actifs auprès d’un investisseur institutionnel, mais c’est sans doute inférieur.

Maxime Hayot : Lorsque nous avons lancé notre fonds long/short market neutral quantitatif, nous avons eu une partie de notre clientèle qui s’y est intéressée. Ce sont des clients qui peuvent être investis dans nos fonds long only et long/short avec biais, et qui recherchent dans le fonds Durandal un objectif différent.

Emmanuel Terraz : Chez Candriam, nous avons toujours géré des fonds Ucits, et la clientèle a toujours été très diversifiée : des investisseurs institutionnels, des assureurs, des trésoriers d’entreprise qui placent leur trésorerie dans des fonds à faible volatilité, ainsi que des banques privées et des CGP. La clientèle dépend du profil de rendement/risque des fonds.

Quand on a une offre de fonds alternatifs assez large, quelles sont les stratégies mises en avant aujourd’hui ?

Emmanuel Terraz : Notre gamme est en effet assez large – long/short actions et crédit, risk arbitrage (arbitrage sur les opérations de fusions-acquisitions) ou encore CTA et autres gestions qui suivent les tendances sur un grand nombre d’actifs. Toutes ces stratégies ont pour ambition d’offrir une performance régulière quel que soit l’environnement de marché. C’est donc le besoin client qui influence la collecte : quelle est son appétence au risque ? Quel type de décorrélation et de gestion recherche-t-il, etc. ? Ces derniers mois, nous avons eu beaucoup de demandes pour la stratégie d’arbitrage de crédit. Nous avons également eu plus de 250 millions d’euros de collecte sur le fonds de risk arbitrage.

Carl Dunning-Gribble : Chez Syquant, notre gamme est à 100 % orientée sur les événements d’entreprise, aussi bien les fusions-acquisitions que les introductions en Bourse, les augmentations de capital, etc. Actuellement, dans le volet «equity», nous privilégions l’arbitrage sur les fusions-acquisitions et, pour d’autres stratégies event driven, nous recherchons le meilleur rendement/risque entre le sous-jacent equity et/ou crédit.

Quels sont les risques et opportunités d’une stratégie long/short actions actuellement ?

Eric Bendahan : Notre fonds Eleva Absolute Return Europe a un profil d’exposition au marché qui évolue entre - 10 et 50 %. Actuellement, nous voyons des opportunités aussi bien à l’achat qu’à la vente. Nous regardons particulièrement les sociétés familiales à l’achat, le thème de la disruption qui s’accélère dans certaines industries et offre des opportunités de «short» sur des sociétés à la traîne. Nous sommes également attentifs aux messages envoyés par le marché du crédit. Ce dernier peut, en effet, dévoiler des opportunités de «short», puisqu’il est par définition asymétrique, et refléter une détérioration du bilan avant qu’elle soit assimilée par les investisseurs en actions.

Aujourd’hui, certaines performances boursières sont très liées à celles des marchés obligataires. C’est une des principales difficultés, car cela se traduit par des multiples de valorisations élevés qui ne reflètent pas la performance opérationnelle. Nous essayons de contrebalancer cette difficulté grâce à un suivi d’indicateurs macroéconomiques qui peuvent donner des signaux d’inflexion, positifs ou négatifs, du cycle permettant d’appréhender les mouvements de rotations sectorielles.

Maxime Hayot : Pour le fonds Durandal que je gère, nous avons voulu nous appuyer sur le savoir-faire en analyse et modélisation fondamentale des entreprises de BDL Capital Management. Grâce au travail de nos douze analystes, qui ont plus de 1 500 rendez-vous avec des entreprises chaque année, l’équipe quantitative peut identifier et modéliser les caractéristiques structurelles de chaque entreprise et sélectionner les caractéristiques qui en font un bon investissement : les niveaux de valorisation, les parts de marché, les marges, mais aussi des caractéristiques très techniques telles que l’impact du flux de la gestion passive. Nous avons beaucoup parlé de l’impact des banques centrales avec des taux bas, mais il y a aussi un impact sur les flux générés par les ETF thématiques qui peuvent entraîner des divergences importantes pour certaines entreprises avec leurs fondamentaux. La gestion quantitative peut analyser cela et le réintégrer dans le système de sélection des entreprises. Nous allons également modéliser l’économie pour biaiser les différents critères de sélection et construire notre portefeuille. Au sein de chaque secteur, nous allons sélectionner des entreprises gagnantes et des entreprises perdantes, ce qui va nous protéger des aléas de marché. En revanche, nous serons exposés davantage à certains phénomènes de marché qui réduisent la dispersion des entreprises au sein d’un même secteur. Le fonds est investi de façon équilibrée en long et short dans plusieurs secteurs afin de diversifier les risques.

Comment convaincre les investisseurs de s’intéresser davantage aux stratégies alternatives ?

Carl Dunning-Gribble : Il faut écouter et bien comprendre la problématique du client que l’on a en face de nous. Au-delà du rêve, désormais inaccessible, de présenter la performance absolue et chacune des stratégies avec une espérance de performance «réaliste», il faut ensuite bien appréhender son appétit au risque et lui présenter des fonds en adéquation. Puis indiquer le rendement auquel il peut prétendre en fonction de son profil de risque et voir dans quelle mesure ce profil de risque est en adéquation avec le profil de risque recherché.

Maxime Hayot : Il y a encore un travail important d’éducation à faire, et pas uniquement sur la gestion alternative. Il faut expliquer aux clients que leur espérance de rendement sur les classes d’actifs traditionnelles est plus faible que ce qu’ils ont connu. C’est le reflet d’une réalité économique, d’une croissance plus faible qui se traduit par de moins bonnes performances boursières des entreprises. Si nous parvenons à les convaincre que l’espérance de rendement sur les classes d’actifs traditionnelles est plus basse, avec un niveau de risque équivalent à ce qu’ils ont connu historiquement, alors la classe d’actifs alternative, qui va réduire ce risque, deviendra attractive.

Emmanuel Terraz : Pour moi, il est essentiel d’avoir un discours cohérent avec les ambitions de votre gestion et ensuite de le mettre en pratique. Délivrer un rendement de 2 à 3 % au-dessus du taux sans risque avec une volatilité de 1 % est déjà une façon de convaincre les investisseurs, car ils sont peu nombreux à être capables d’y parvenir aujourd’hui. Après, il est important aussi d’avoir une vision à long terme de son investissement, au même titre que pour des fonds traditionnels. Nous essayons d’accompagner les clients et de leur apporter de la valeur dans la durée.

Eric Bendahan : Nous avons constaté un certain engouement pour notre stratégie long/short. La demande est là. En matière de distribution, il nous paraît important que les clients mettent en face du risque pris une espérance de rendement adéquate. La régulation nous a finalement presque aidés à aller dans ce sens-là. Dans une gestion alternative, il existe des profils de risque très différents, ce qui demande plus d’explications.

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