Allocation d'actifs

Où investir en 2014 ?

Publié le 23 décembre 2013 à 16h04    Mis à jour le 6 février 2014 à 18h47

Catherine Rekik

L’année 2013 s’achève sur une nouvelle progression à deux chiffres des marchés actions des pays développés. De nombreux indicateurs économiques confirment la perspective d’une reprise économique au niveau mondial. Perspective qui pourrait se traduire aux Etats-Unis notamment par une réduction des injections de liquidités sur les marchés. Funds s’interroge sur la stratégie d’investissement à mettre en œuvre en début d’année :Quels ont été les éléments marquants de 2013 ? Comment analyser le contexte actuel ? Les marchés actions resteront-ils orientés à la hausse ? La reprise mondiale profitera-t-elle aux marchés émergents ? Comment faire face à l’inévitable remontée des taux ? Doit-on encore investir dans l’obligataire ? Sur quels segments ? Quelle allocation d’actifs pour 2014 ?

Bilan 2013 : perspectives 2014

Funds : Que doit-on retenir de l’année 2013 ? Dans quel environnement nous situons-nous aujourd’hui ?

Frédéric Jamet, directeur de la gestion, SSgA: D’un point de vue de marché, trois éléments sont à retenir : la bonne performance des marchés actions dans les pays développés, la sous-performance des marchés émergents et la faible performance des marchés obligataires, des dettes souveraines en particulier. Cela amène une réflexion sur l’allocation d’actifs, les portefeuilles étant encore largement investis en obligataire. Que faut-il faire lorsque les marchés actions ont gagné près de 20 % et que la performance des obligations est proche de zéro ? D’autant que les perspectives de performance sur cette classe d’actifs en 2014 sont plutôt médiocres.

Alain Guelennoc : Je mettrai un bémol sur ce qui a été dit précédemment sur le marché obligataire. Si l’on regarde les emprunts d’Etat des pays développés, des Etats-Unis et de l’Allemagne en particulier, les performances sont effectivement décevantes. Mais si l’on analyse dans le détail le marché obligataire, on trouve des poches qui ont très bien performé en 2013, dans le crédit par exemple du fait notamment d’un rally assez fort sur les dettes périphériques mais aussi d’une bonne tenue des dettes corporate et des dettes subordonnées bancaires. Certains fonds obligataires ont plutôt bien marché alors que le cycle de hausse des taux est entamé sur fond de tapering aux Etats-Unis et de reprise économique.

Dans le bilan de l’année 2013, il faut aussi souligner la forte baisse de l’inflation surtout en fin d’année. Finalement, les taux longs restent à de bons niveaux. L’inflation est l’un des thèmes de l’année 2014 : comment endiguer le risque déflationniste et quelles en sont les conséquences en termes d’allocation. Nous ne sommes pas dans un scénario à la japonaise mais beaucoup d’acteurs ont ce risque en tête.

Florence Barjou : L’année 2013 a été marquée par la poursuite de la normalisation, notamment du point de vue de la croissance. On ne peut pas encore parler de nette reprise de l’activité économique mais la zone euro est tout de même sortie de la récession et la croissance américaine commence à être auto-entretenue. Cette normalisation s’est accompagnée de performances très solides sur les marchés actions. Du coup, les niveaux de valorisation sont aujourd’hui tendus en particulier aux Etats-Unis, y compris sur le crédit où les niveaux de spreads sont assez faibles. On peut donc se demander si après une année de normalisation, 2014 sera l’année de la bulle, tout au moins sur le crédit d’entreprise.

Funds : Cette question se posait également au début de l’année 2013…

Florence Barjou, responsable de la gestion multi-asset, Lyxor AM : Certes, mais nous avions la conviction que les marchés actions allaient continuer à monter car tant du côté des valorisations absolues que du côté des valorisations relatives, c’est-à-dire des primes de risque relatives aux obligations, il y avait un coussin de sécurité important. Ce coussin de sécurité est maintenant beaucoup moins confortable, en tout cas aux Etats-Unis.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation dans laquelle il y a moins de risques cycliques et où la Fed va amorcer la normalisation de sa politique monétaire.

Après une période où les liquidités ont inondé les marchés, nous en revenons aux fondamentaux, mais sur des niveaux de valorisation qui sont plus onéreux. Seuls les marchés actions émergents sont nettement identifiés comme étant bon marché. Si tous les investisseurs ont bien conscience que la réserve de valeur est du côté des marchés émergents, il y reste toutefois des problématiques structurelles sur certains pays ainsi que des risques de liquidité avec le tapering… Le marché attise des convoitises mais la question du timing se pose.

Benjamin Melman : Je partage le même constat : 2013 est une année de normalisation du cycle économique et des valorisations au point que, aujourd’hui, il est plus difficile de trouver de la décote à part sur les actions émergentes. Nous avons été frappés par la résilience de la croissance américaine après un choc fiscal sans précédent qui a coûté pratiquement deux points de croissance, sans parler des incertitudes politiques. Comme le resserrement fiscal ne sera pas du tout le même en 2014, on peut donc nourrir beaucoup d’espoirs sur la croissance américaine. Nous avons également été frappés par la chute de l’inflation qui a pris à revers les banquiers centraux.

Avec un tel niveau d’inflation, les valorisations des marchés obligataires sont-elles scandaleuses ? Je ne le pense pas. Les taux réels en Europe sont de l’ordre de 1 %, ce qui est faible, mais la croissance est faible. Nous pouvons nous demander si la mécanique de désinflation en Europe n’est pas durable. Quand on voit ce qui se passe en Espagne, c’est cette course à la compétitivité permanente qui nourrit une pression baissière sur les salaires et donc sur les prix. Nous pensons qu’il y aura des tensions sur les marchés obligataires, surtout si la croissance américaine est plus forte que prévue mais, a contrario, avec un tel niveau d’inflation, on a du mal à être trop inquiet.

Frédéric Jamet : Je ne vais pas tout à fait dans le même sens. Si l’on prend les deux classes d’actifs actions/obligations et plus précisément obligations d’Etat, ces dernières sont trop chères comparées à la valorisation globale des actions. Pour 2014, nous sommes plutôt surpondérés actions et sous-pondérés sur des actifs réputés sûrs comme les obligations gouvernementales et le cash. Les actions américaines sont peut-être bien valorisées mais les marchés émergents ne sont pas chers et les actions européennes devraient profiter du redémarrage de la zone euro. Les investisseurs internationaux reviennent d’ailleurs sur cette classe d’actifs.

Funds : Vous évoquez les Etats-Unis, la zone euro et la décote des marchés émergents. Mais qu’en est-il du Japon pour lequel les investisseurs ont manifesté un fort regain d’intérêt en 2013 ?

Florence Barjou : Nous avons joué le Japon au début de l’année 2013 mais il s’agissait d’un pari pris sans grande conviction de long terme. Nous sommes longs Japon, mais à reculons. La Banque centrale japonaise est très volontariste et parvient à faire reculer la valeur de sa devise alors qu’il y a une corrélation très forte entre les marchés actions et le yen. Nous sommes dans une configuration dans laquelle la Réserve fédérale américaine va réduire sa politique accommodante tandis que la Banque centrale japonaise va continuer à stimuler la croissance. Le momentum semble donc porteur.

A plus long terme toutefois, il est difficile d’imaginer que le Japon puisse générer des gains de productivité suffisamment importants pour compenser des tendances démographiques extrêmement défavorables. Les problèmes structurels sont nombreux : endettement public, retraites, etc. Le Japon doit sortir de la déflation, mais pour le moment, on ne voit pas les salaires progresser. Il y aura toutefois des négociations salariales en mars pour lisser les effets de la hausse de la TVA. Au total, nous restons exposés au Japon mais il s’agit plutôt d’un pari tactique.

Benjamin Melman, directeur allocation d’actifs et dettes souveraines, EdRAM : Nous avons le même diagnostic sur le Japon. Il est clair que les fondamentaux de ce pays ne sont pas bons : la démographie est catastrophique et l’endettement public colossal. Il ne faut pas sous-estimer le risque fondamental japonais. Cependant, si l’on s’appuie, en 2014, sur un scénario d’accentuation de la reprise économique américaine, le Japon est un bêta. Les bénéfices des sociétés japonaises sont «leveragés» sur le cycle. Celles-ci sont même mieux placées que les entreprises allemandes pour profiter de la reprise aux Etats-Unis. Ce qui nous dérange, c’est ce choix de politique économique de remonter de trois points la TVA en avril même si des mesures compensatoires seront prises derrière. L’impact global sera récessif. Il y a déjà eu un exemple malheureux de hausse de la TVA en 1997 qui a très mal tourné. Nous prendrons donc des positions tactiques sur les actions japonaises mais nous n’envisageons pas le Japon comme un investissement de long terme.

Frédéric Jamet : Il y a certes la notion d’économie japonaise qui nous amène à parler du yen, de la Banque centrale ou de la dette, mais les grandes entreprises japonaises sont des industrielles, des sociétés technologiques, à vocation internationale. A ce titre, les actions japonaises sont une classe d’actifs intéressante en ce début d’année 2014. Cependant, je partage la vision plus pessimiste sur le long terme. Il faudra bien régler le problème de l’endettement public…

Alain Guelennoc : Le Japon a quelques marges de manœuvre sur le plan fiscal. C’est tout le pari de l’année 2014. Y aura-t-il une reprise de la consommation intérieure ? La spirale de la consommation va-t-elle s’enclencher ? Il y a eu de bonnes nouvelles en 2013 mais pour 2014, le scepticisme demeure. Le Japon constitue un pari qui se veut flexible. Il faut avoir une solution de repli rapide car la volatilité sur les actions japonaises est très élevée.

En ce qui concerne les marchés émergents, nous considérons qu’il ne s’agit plus d’une classe d’actifs homogène. En 2014, il faudra s’intéresser aux caractéristiques de chacun des pays émergents, déterminer lesquels sont plus sensibles au tapering pour investir plutôt dans ceux qui ont une situation financière saine et des entreprises offrant une bonne visibilité. Les pays asiatiques nous semblent mieux protégés. En Amérique du Sud, nous préférons le Mexique au Brésil.

Frédéric Jamet : Au-delà de la sensibilité à la politique monétaire américaine, il faut également sortir de la notion de BRIC qui a longtemps été représentative de la classe émergente. L’idée est d’aller plutôt vers des petits pays comme la Corée du Sud qui ont des fondamentaux plus sains.

Benjamin Melman : Nous sommes sélectifs sur les marchés émergents. Nous avons identifié trois pays intéressants dont la Chine où de nombreuses réformes sont en cours. Les marchés qui sont très dépendants de la demande chinoise (Brésil, etc.) nous semblent plus en danger que les actions chinoises elles-mêmes aussi parce qu’elles bénéficient de la stabilité de la devise. Quand on achète des actions émergentes, on ne se couvre pas du risque de change. Or, c’est ce risque de change qui a été très volatil en 2013 et le demeurera encore cette année. Avec la Chine, le risque de change est plus limité. Nous nous intéressons également au Mexique qui a d’excellents fondamentaux. Le marché est un peu cher, certes, mais il offre d’excellentes perspectives, entre la reprise américaine et les réformes domestiques et la devise reste décotée. Enfin, en Europe, nous avons une préférence pour les actions polonaises, du fait du dynamisme allemand.

Florence Barjou : Beaucoup de nos clients asiatiques reviennent sur les marchés européens. Certes, les valorisations sont encore un peu plus attractives qu’aux Etats-Unis mais c’est en grande partie la thématique des flux qui va continuer à faire monter les marchés de la zone.

Frédéric Jamet : Le marché est bien dirigé par les flux qui sont aujourd’hui engagés sur les actions européennes. Nous sommes nombreux à être positifs sur les marchés émergents mais il n’y a pas de flux. Il faudra attendre un déclenchement, peut-être en début d’année. Par ailleurs, en termes de flux, nous n’avons pas encore constaté de grande rotation, c’est-à-dire de ventes massives d’obligations pour acheter des actions. Nous l’attendons depuis longtemps mais il n’y a pas encore eu de réallocation massive des investisseurs institutionnels ou privés.

Une lente rotation des actifs

Funds : Qu’est-ce qui pourrait déclencher cette rotation d’actifs ?

Frédéric Jamet : Ce mouvement n’aura peut-être jamais lieu. Plutôt que de parler de rotation, il faudra sans doute parler de transition, de réallocation progressive et laborieuse. Tout le monde promeut l’allocation flexible mais les allocations d’actifs des investisseurs institutionnels sont plutôt prudentes dans leurs changements.

Florence Barjou : C’est sans doute la raison pour laquelle nous sommes sereins sur les marchés actions. Car s’il y avait des rotations brutales, le scénario de taux serait moins favorable. En 2014, nous voyons les actions progresser et les taux monter eux aussi, mais pas de manière brutale. Les questions que nous nous posons en matière de scénarios de risque sont les suivantes : jusqu’où iront les taux américains et à quelle vitesse vont-ils monter ?

Alain Guelennoc : Les banquiers centraux pilotent les marchés depuis plusieurs mois mais, en 2014, l’action des banques centrales va sans doute diminuer. C’est plutôt sain. Il faut laisser les marchés reprendre leurs fondamentaux. Néanmoins, les banques centrales resteront très présentes en Europe, au Japon et en Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, un krach obligataire signerait l’arrêt du marché immobilier et de la reprise. En Europe, le krach entraînerait des difficultés de refinancement des Etats périphériques. Les taux américains vont certainement aller au-delà de 3 % mais nous ne les voyons pas monter très haut pour deux raisons : l’action de la banque centrale et la courbe des taux extrêmement pentue. Il me semble toutefois que 2014 sera plus difficile que 2013 compte tenu de la valorisation des marchés. La moindre alerte amènera les investisseurs à réagir rapidement.

Florence Barjou : Le potentiel de hausse des marchés est effectivement plus limité tandis que la volatilité pourrait être plus importante. Nous ne voyons pas non plus de hausses des taux très marquées, mais beaucoup d’interrogations autour de la normalisation des taux. Tout va tourner autour de la politique de communication de la Réserve fédérale.

Benjamin Melman : La Réserve fédérale y parviendra-t-elle ? Elle s’est déjà déjugée une fois en 2013 en éliminant son objectif de taux de chômage à 7 % pour terminer son tapering. Or, il est déjà atteint et le tapering n’a pas débuté. Les aléas récents de la communication de la Fed peuvent entamer une partie de sa crédibilité. Or cette crédibilité est indispensable pour pouvoir piloter d’éventuels soubresauts du marché obligataire. Car dans un monde toujours aussi lourdement endetté, une remontée brutale des taux d’intérêts aura d’importantes conséquences, économiques et financières. La question de la crédibilité de la Fed est donc fondamentale.

Alain Guelennoc : La BCE a été plus régulière dans sa communication, mais on ne sait pas mieux quelles sont ses intentions. Le risque déflationniste est une réelle préoccupation. Face à cela, que fait la BCE ? N’a-t-elle pas trop tardé pour agir ? Un quantitative easing à l’européenne n’est-il pas souhaitable ? Les bilans des banques centrales ont fortement augmenté à l’exception de celui de la BCE qui s’est réduit en 2013. L’action de la BCE est une des préoccupations majeures de l’année 2014.

Benjamin Melman : Un des risques de 2014 est que les banques centrales ne soient pas entendues. Nous l’avons vu avec la Banque centrale d’Angleterre : Mark Carney croyait contrôler son marché obligataire en précisant des objectifs mais les marchés l’ont en partie ignoré en raison d’une amélioration de la situation macroéconomique. Si la croissance économique américaine s’améliore trop fortement, on ne voit pas comment la Fed arrivera à contrôler son marché obligataire.

Florence Barjou: C’est un des risques clairement identifiés pour 2014. Ce qui a impacté les portefeuilles en mai-juin 2013, c’est la brutale recorrélation entre les obligations et les actions. Nous sommes toujours dans cette configuration de marché, avec une corrélation positive entre les obligations et les actions. Ceci empêche temporairement les obligations de jouer leur rôle de valeur refuge, ce qui nécessite une gestion beaucoup plus tactique des portefeuilles diversifiés.

Frédéric Jamet : Il faut sortir des valeurs refuges. Il y a partout dans le monde une surpondération de ces valeurs dites refuges dans les portefeuilles. Ces valeurs refuges sont des obligations d’Etats surendettés soutenus à bouts de bras par des banques centrales à coup de monétarisation. Qu’est-ce qu’une valeur refuge ? En termes de taux réels, c’est aujourd’hui la garantie de perdre de l’argent en nominal à coup sûr. L’actif sans risque n’existe peut-être plus. Un portefeuille doit être bien diversifié sur des actifs qui, individuellement, représentent un certain risque.

Alain Guelennoc : Le crédit a constitué une valeur refuge en 2013.

Frédéric Jamet : Dans le crédit, il faut bien dissocier le risque obligataire lié à l’évolution des taux et le risque corporate.

Alain Guelennoc : Nous avons été «risk on» sur l’obligataire en 2013 avec une exposition sur le crédit plutôt périphérique et bancaire. C’est un pari qui a bien fonctionné. En 2014, nous allons être plus sélectifs car le crédit est cher mais il y a encore des poches intéressantes avec des rendements qui rémunèrent bien le risque. Nous n’allons pas abandonner cette classe d’actifs. Il y a une rotation du type d’émetteurs sur ce marché avec notamment des ETI (entreprises de taille intermédiaire) qui commencent à émettre massivement. C’est une nouvelle donne intéressante.

Funds : La dette émergente a été une source de diversification dans les portefeuilles. Est-ce toujours le cas ?

Benjamin Melman : La dette émergente en devises fortes a de l’intérêt car le risque est convenablement rémunéré. L’indice EMBI a un rating de BBB et rémunère 330/340 points de base au-dessus des bons du Trésor. La gestion des pays qui composent cet indice est plutôt saine même s’il y a quelques problèmes au Brésil par exemple. Il y a eu de la volatilité en mai dernier mais, étonnamment, les investisseurs ont beaucoup vendu la dette en devises fortes et pas la dette en devise locale alors que la volatilité des devises émergentes remontait fortement, ce qui laisse à penser qu’elle est désormais tenue dans des mains plus fermes. Nous ne sommes pas surpondérés sur la dette émergente en devises fortes mais il fait sens de maintenir cette source de diversification.

Frédéric Jamet : La vraie dette est plutôt en devises locales. La dette exprimée en devise d’un autre pays revient à prendre un risque particulier que l’Etat émergent ou l’entreprise s’engagent à rembourser en dollars. Pour nous, la question est plutôt de savoir s’il faut ou pas revenir sur les marchés émergents et plutôt sur les dettes gouvernementales ou les entreprises que ce soit sous forme d’actions ou d’obligations corporate. Il nous semble que ces classes d’actifs constituent de réelles poches de diversification. Mais quitte à prendre le risque de revenir sur les marchés émergents, nous préférons d’abord le faire sur les actions.

Florence Barjou : S’il faut prendre du risque dans la poche obligataire, je préfère le faire en investissant sur le high yield européen plutôt que sur de la dette émergente, surtout en devise locale. Autre thème d’investissement qui reste intéressant, non plus pour le resserrement des spreads mais pour le portage : les dettes souveraines de l’Europe périphériques sur lesquelles il n’y a pas de risque de devises.

Alain Guelennoc : Le rally a déjà été très important sur l’Espagne et l’Italie.

Benjamin Melman : Il reste des opportunités sur le Portugal et la Slovénie.

Alain Guelennoc : L’Espagne a retrouvé de la compétitivité mais reste quand même un pari. La purge du marché immobilier n’est sans doute pas terminée. En Italie, la dette est élevée mais le pays est bien industrialisé et possède une certaine richesse nationale. Toutefois, le potentiel de croissance est anémique. On ne voit pas, à terme, comment ces deux pays vont pouvoir réduire durablement leur niveau d’endettement. Sommes-nous réellement sortis du risque de restructuration de la dette espagnole ou italienne ? La réponse est non. Il y a un pari à prendre car les rendements sont élevés mais il faut être mobile. L’Espagne a un atout, son ouverture à l’Amérique latine qui a globalement bien traversé la crise. Quant au Portugal, le pays a aussi des relais de croissance à l’international.

 

Benjamin Melman : Nous partageons cette vue sur les pays périphériques. Quand on achète aujourd’hui, ce sont sur des maturités de deux ou trois ans, durée sur laquelle nous avons une assez bonne visibilité. Nous ne jouons plus la compression des spreads sur la partie longue.

Pour revenir sur le crédit, nous sommes positifs sur le haut rendement européen, car c’est un marché beaucoup plus actif et mature qui offre probablement les meilleures opportunités dans le monde obligataire.

Frédéric Jamet : Quel que soit le risque, il n’est pas cher aujourd’hui. Il faut donc acheter des actifs risqués : des obligations corporate plutôt que des emprunts d’Etat, du high yield plutôt que de l’investment grade, des actions plutôt que des obligations, etc. Le risque mesuré par la volatilité étant peu cher, il faut en acheter. Dans les actions, mieux investir sur des cycliques que sur des valeurs de croissance ou des produits dérivés de protection car la volatilité n’est pas chère. Alors que les perspectives de moyen-long terme sont difficiles, on a l’impression qu’à court terme, la valorisation du risque est faible.

Poursuite de la hausse des marchés actions

Funds : Les marchés actions vont-ils continuer à monter en 2014 ? Sur quels marchés faut-il investir ?

Benjamin Melman : Depuis le second semestre, nous privilégions l’Europe sur les Etats-Unis. 2014 sera une année d’accélération du cycle et, dans cette perspective, ce ne sont pas les valeurs américaines qui vont surperformer, car elles sont plus défensives. Mieux vaut privilégier les actions qui ont un peu plus de levier sur la croissance. Même si nous restons dubitatifs sur la dynamique de la demande interne de l’Europe, il y aura une amélioration de la croissance, et nous croyons aussi au rebond des marges des entreprises européennes, qui sont faibles mais vont s’améliorer du fait de la course à la compétitivité.

En Espagne, le rebond des marges est impressionnant, les autres pays (France, Italie, etc.) vont suivre. Pour se positionner dans un environnement de reprise tirée par les Etats-Unis, l’Europe nous semble un bon candidat, avec de bonnes perspectives de croissance bénéficiaire. Le marché japonais serait dans l’idéal un excellent candidat pour bénéficier de la reprise mondiale, mais nous resterons vigilants face à ce marché du fait du dangereux tour de vis fiscal et des interrogations quant à la capacité de M. Abé à mettre en œuvre les réformes promises.

Frédéric Jamet : Nous privilégions l’Europe car nous sommes dans une tendance de récupération de valorisation. On s’intéressera plutôt aux valeurs cycliques et aux entreprises des pays périphériques qu’aux valeurs de croissance. Nous nous intéressons également aux marchés émergents.

Benjamin Melman : Nous cherchons également un point d’entrée sur les marchés émergents car sa décote offre un potentiel très intéressant

Florence Barjou : Dans nos portefeuilles diversifiés, nous conservons une surpondération globale sur les marchés actions. Nous sommes aujourd’hui très légèrement surpondérés sur les actions américaines sur lesquelles nous avons toutefois pris des profits pour réinvestir en Europe. Nous avons également une exposition sur le Japon, mais plus réduite, car ajustée de la volatilité élevée de ce marché. Nous n’avons pas d’exposition sur les actions émergentes, mais restons attentistes. Du fait de notre anticipation d’une volatilité un peu plus élevée, nous pensons qu’il faudra être flexible en 2014. La gestion du budget de risques sera encore plus importante cette année pour la préservation du capital, et donc pour la génération de performance.

Alain Guelennoc, responsable de la gestion taux et institutionnelle, Fédéral Finance Gestion : A court terme, nous sommes plutôt équipondérés par rapport au benchmark, le MSCI World. Ce qui nous gêne en Europe, c’est la différenciation entre les pays avec d’un côté, l’Allemagne qui va très bien et l’Espagne qui retrouve une bonne compétitivité, et d’un autre côté des poids lourds comme la France et l’Italie qui sont en retard au niveau des réformes structurelles, ce qui pèse sur les entreprises. Il y a eu globalement plus de déceptions sur les résultats en Europe qu’aux Etats-Unis, d’où la bonne tenue des marchés américains sur 2013. Nous ne sommes pas certains que cette tendance s’inverse en 2014. Nous observons un potentiel plus fort en Europe mais la croissance devrait accélérer aux Etats-Unis et profiter aux entreprises américaines. Nous restons donc investis aux Etats-Unis dans l’attente d’avoir plus de visibilité sur l’Europe. Il y a des paris à faire, comme celui de la Pologne qui profite déjà de la croissance allemande.

Sous-pondération des matières premières

Funds : Dans une optique de diversification des portefeuilles et dans la perspective d’une accélération de la reprise, faut-il revenir sur les matières premières ?

Florence Barjou : Les perspectives de croissance sont certes meilleures mais nous ne parlons pas non plus d’une forte accélération de l’économie mondiale. En Europe, la croissance n’excédera pas 1 %. Aux Etats-Unis, elle est plus faible que par le passé et, du côté des pays émergents et de la Chine en particulier, on parle plutôt de décélération de la croissance au regard du potentiel des années précédentes. La demande accélère donc marginalement, alors que du côté de l’offre, il y a encore des surcapacités dans les secteurs liés à l’énergie. Mieux vaut jouer la reprise par les marchés actions que par les matières premières.

Frédéric Jamet : La croissance mondiale devrait se situer autour de 4 % et nous ne voyons pas de hausse de l’inflation en 2014. Donc nous sommes plutôt neutres, voire sous-pondérés sur les matières premières.

Benjamin Melman : Nous sommes neutres sur les matières premières dont les cours intègrent beaucoup de mauvaises nouvelles. Elles sont particulièrement délaissées, mais nous n’avons pas identifié de catalyseurs sur cette classe d’actifs.

Alain Guelennoc : Nous suivons de près les matières premières car elles ont beaucoup corrigé et ne sont pas très chères. Reste un point d’interrogation sur la Chine dont il faudra suivre l’évolution en 2014, mais les résolutions prises lors du dernier plenum sont fondamentales. Il faudra suivre cette année leur mise en place et les impacts sur la croissance chinoise. Cela aura une incidence sur les matières premières. Nous serons opportunistes sur cette classe d’actifs.

Décorrélation des portefeuilles

Funds : Quelle allocation recommandez-vous en ce début d’année ? Quels types de fonds faut-il privilégier ?

Frédéric Jamet: Nous partons de l’analyse des besoins du client et de sa sensibilité au risque. Il y a une très forte aversion au risque aujourd’hui. Il faut donc partir d’un benchmark neutre 50 % actions/50 % obligations, nous surpondérons les actions notamment européennes et sous-pondérons les obligations gouvernementales, le cash et les matières premières.

Alain Guelennoc : Pour le début d’année, je suis plus mesuré sur les actions européennes car les marchés actions ont fini 2013 bien valorisés. Il n’y a pas encore eu de consolidation. Dans un marché baissier, les actions américaines sont plus résistantes. Mais à un horizon d’un an, je suis d’accord avec l’idée de surpondérer l’Europe.

Florence Barjou : Nous surpondérons également le high yield européen. Par ailleurs, une des leçons que nous avons retenues de 2013 est qu’il faut aussi savoir porter la volatilité et ne pas couper les positions trop tôt. Les clients commencent à prendre conscience que dans l’environnement actuel, qui reste fondamentalement haussier, les sorties précipitées peuvent coûter cher et qu’il vaut mieux supporter un peu de volatilité que de sortir sur un point bas.

Alain Guelennoc : Nous devons trouver une certaine diversification qui amène de la décorrélation dans les portefeuilles et permet de baisser sa volatilité. La diversification sera donc un des thèmes de 2014.

Benjamin Melman : Nous sommes intimement convaincus que les actions performeront mieux que les obligations en 2014. Un sujet d’allocation d’actifs est que nous entrons dans une période très rare dans le cycle où le risque de tension sur les marchés obligataires est devenu un danger pour les marchés actions. Dans un portefeuille diversifié, il faudra gérer ce risque en désensibilisant ponctuellement la partie obligataire.

Alain Guelennoc : Nous sommes dans un trend plutôt haussier sur les taux. Il est donc préférable d’avoir une sensibilité sous la moyenne même s’il faut procéder à des ajustements tactiques sur certaines périodes.

Benjamin Melman : Si 2014 ne devrait pas être une année difficile pour les marchés, il y aura plus de volatilité qu’en 2013. La gestion tactique sera donc importante. En 2013, il est intéressant de voir que la volatilité est revenue sur les marchés obligataires et que certains fonds de taux ont néanmoins réalisé d’excellentes performances. La volatilité est source d’opportunités.

Alain Guelennoc : En 2014, les fonds gagnants seront les fonds qui s’appuient sur de multiples stratégies qui constitueraient des moteurs de performance très diversifiés.

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