fonds de performance

Pourquoi investir dans les fonds de performance absolue ?

Publié le 29 janvier 2014 à 18h21    Mis à jour le 6 février 2014 à 18h49

Catherine Rekik

Dans une perspective de remontée des taux, il semble tout aussi risqué d’investir dans les obligations que dans les actions. Les investisseurs vont sans doute également devoir supporter plus de volatilité en 2014. Dans ce contexte, les fonds de performance absolue présentent quelques atouts. Funds revient sur les performances de ces fonds ces dernières années, sur leur capacité à générer du rendement et sur les stratégies à privilégier en 2014. Les fonds de performance absolue permettent-ils de bien diversifier un portefeuille ? Peuvent-ils se substituer aux fonds obligataires ? Quels sont les risques associés à ce type de gestion ?

Analyse du contexte macro

Funds : Quelle lecture avez-vous du contexte actuel ?

Sébastien Barbe, directeur général, Schelcher Prince Gestion : Il y a un grand consensus sur l’environnement macroéconomique et sur les perspectives de croissance. Nous avons le sentiment que les Etats-Unis se portent bien, que la situation en Europe s’améliore mais qu’elle restera difficile dans les pays émergents. Le contexte de croissance est plutôt positif surtout si, en parallèle, le pétrole et les matières premières en général baissent. Mais ce qui est bon pour la croissance dans les pays développés ne l’est pas forcément pour les marchés financiers.

En 2014, le vrai challenge concerne la normalisation de la politique monétaire aux Etats-Unis. Selon notre point de vue, le pays devrait bien encaisser cette normalisation. En revanche, ce ne serait pas nécessairement le cas pour les actifs financiers, en particulier émergents, ou pour les économies des pays plus en retard, notamment en Europe. Les marchés pourraient être plus volatils. La situation évoluera trop vite ou pas assez. Il faudra profiter des opportunités dans ces phases-là.

Funds : Vous évoquez un fort consensus. Qu’est-ce que cela implique pour vous, gérants ? Est-ce que ces périodes de fort consensus sont plus compliquées en termes de gestion ?

Frédéric Cohen : Non, nous apprécions ces périodes de fort consensus. En réalité, plus le consensus est fort, plus il y a des risques que le consensus ait tort in fine ! Nous avons une approche plutôt contrariante du consensus, mais pas de façon systématique. L’an dernier, il y a eu, jusqu’à mai/juin, un fort consensus sur la dette émergente, par exemple. Aujourd’hui, il y a moins de consensus sur cette classe d’actifs mais plus de rendement. On peut donc commencer à se poser des questions sur des classes d’actifs qui sont moins consensuelles qu’elles ne l’ont été par le passé. Cela peut être le cas sur les marchés émergents ou sur l’or, par exemple.

Nous partageons la vue du consensus sur l’environnement macroéconomique, s’agissant de la plus grande lisibilité qu’il y a deux ans. C’est vrai également pour les politiques monétaires. Mais il est rare que le consensus ait raison sur toutes les classes d’actifs en même temps et nous pensons qu’il y aura des surprises en 2014. Il faut donc analyser les éventuels points de risque.

Guillaume Lasserre : Nous retrouvons des niveaux de corrélation que nous avons connus par le passé. Les obligations, auparavant anticorrélées avec les actions, reviennent à des niveaux normaux, proches de ceux de 2005. Cette année-là a été bonne pour les gérants, surtout concernant les gestions diversifiées, qui ont bénéficié de plus d’opportunités sur le marché. Après avoir évolué de concert, les actifs aujourd’hui se différencient. En déléguant leur gestion à des gérants ayant une vision large des marchés, les investisseurs saisiront de nouvelles opportunités.

Une différence de taille avec 2005 demeure : le niveau des taux, et donc l’opportunité d’investir dans les obligations. Néanmoins, je considère que l’année 2014 devrait être positive pour les gérants. En 2013, être long actions ou short obligations revenait au même ; en 2014, il y aura plus de granularités au sein de chaque classe d’actifs. En 2013, ce n’était pas si difficile de faire de la performance.

Frédéric Cohen : Nous pouvons dire ça ex post mais, si on se remémore le contexte début 2013, cela ne semblait pas si évident d’être haussiers sur les marchés à ce moment-là.

Guillaume Lasserre, gérant, Lyxor AM :  Il y a tout de même eu des tendances suffisamment longues pour en profiter. Le Japon en est un exemple. C’était moins compliqué de gérer dans un marché où peu de coups étaient à prendre. Même les tensions dans l’obligataire ont été bien gérées par la Fed et les gérants ont pu protéger leurs portefeuilles. En 2014, il sera essentiel de capter les opportunités tout en sachant que les performances seront moins spectaculaires que ces deux dernières années.

Carl Dunning-Gribble : Pour la partie macroéconomique, nous nous inscrivons dans le consensus et dans ce qui a été dit précédemment. En revanche, comme nos stratégies ne sont pas axées sur le bêta, mais sur la génération d’alpha, au travers de stratégies d’arbitrages axées principalement sur les événements d’entreprises, nous nous intéressons surtout à la partie microéconomique. Autant les gérants focalisés sur le bêta ont réalisé de bonnes performances en 2013, autant l’année n’a pas été une très bonne année pour les stratégies focalisées sur la microéconomie.

Il y a eu très peu d’événements d’entreprises en Europe. Les sociétés sont restées frileuses, notamment en termes de croissance externe. En revanche, c’est dans un contexte de multitude d’opérations que nous trouvons nos opportunités d’arbitrages. Nous estimons que 2014 sera une meilleure année. Il y a une meilleure visibilité pour les dirigeants d’entreprise alors qu’il était difficile, ces deux dernières années, d’anticiper la politique de la Banque centrale, les perspectives de croissance ou le comportement de l’euro.

Ce qui s’est traduit par un faible nombre d’opérations en Europe à la différence des Etats-Unis ou du Canada, où le nombre d’opérations a été plus soutenu. Pour les entreprises, le contexte européen actuel est plus favorable. C’est au sein des stratégies d’événements d’entreprise que nous retrouverons des opportunités. Au-delà des OPA, il y a aussi les augmentations de capital et toutes les opérations structurantes autour du bilan qui pourraient être sources d’opportunités en 2014.

Une alternative aux fonds obligataires ?

Funds : Qu’est-ce qu’un fonds de performance absolue ? Quelles sont les promesses de ces fonds ? Sont-elles en adéquation avec les attentes des clients ?

Sébastien Barbe : Je n’aime pas trop le terme de «performance absolue», qui a une connotation multiple et parfois contradictoire. La première connotation est très positive pour notre métier. C’est flatteur et très professionnel de dire que l’on gère des fonds de performance absolue et que l’on est capable de toujours générer de la performance décorrélée des marchés. Il s’agit là de la vision des producteurs de fonds. Du côté des clients, la vision est plus contrastée car il y a eu pas mal de déception. La performance absolue n’a pas été au rendez-vous certaines années.

Il y a aussi le côté «boîte noire», manque de transparence qui rend difficile la compréhension du terme «performance absolue» pour les clients. Enfin, le terme est un peu péremptoire : sans risque, il n’y a pas de performance dans un contexte où les taux sont proches de zéro. Il faut donc choisir ses risques, quels qu’ils soient, donc accepter de pouvoir se tromper, alors que lorsque la terminologie «performance absolue» peut donner le sentiment que le gérant ne peut pas faire d’erreurs. Chez Schelcher Prince gestion, nous préférons parler de fonds à stratégies multiples voire à «carte blanche».

Frédéric Cohen : Venant de l’offre, le terme «performance absolue» ne me plaît pas. Il y a, d’une part, des gérants qui cherchent à délivrer de la performance quel que soit l’état des marchés, en fonction de leurs convictions. D’autre part, il y a des fonds qui ont des biais directionnels et ont tendance à sous-performer dans les baisses de marché et à décevoir les attentes des investisseurs à ce moment-là. Mais, comme souvent, l’histoire se répète et nous constatons que ce sont les fonds ayant le plus de bêta qui se vendent le mieux actuellement. Ils profitent de la hausse des marchés et affichent la meilleure performance. Peu de fonds non directionnels arrivent à lever beaucoup d’encours, à quelques exceptions près. Les investisseurs ne doivent pas non plus avoir trop d’attentes.

L’alpha ne peut pas être délivré de façon linéaire. Il faut accepter que les gérants de fonds à performance absolue aient des périodes de drawdown, et ce dans les périodes de hausse des marchés. Du côté des clients, et notamment du côté des CGPI, les souhaits concernent plutôt une exposition longue aux marchés actions. Une vraie approche absolute return avec une volatilité limitée est plus difficile à vendre à cette typologie de clients en France aujourd’hui, surtout lorsque le CAC 40 est en hausse de 20 %. La clientèle institutionnelle est plus accessible dès lors que l’on explique bien le cadre de gestion et que l’on a réussi à délivrer de la performance avec une volatilité maîtrisée. Le client institutionnel va bien considérer le fonds comme un élément diversifiant.

Funds : Ces fonds qui étaient au départ plutôt destinés à la clientèle privée intéressent donc plus les clients institutionnels…

Frédéric Cohen : La clientèle privée préfère aujourd’hui un produit qui permet de capter deux tiers de la hausse des marchés et un tiers de la baisse, alors qu’il est très difficile de vendre un fonds à performance absolue qui ait un niveau de risque relativement faible. La demande en produits décorrélants, même à faible risque, est plus importante chez les investisseurs institutionnels. Cela va de pair avec la problématique sur les taux bas. Il y a beaucoup de demandes de substituts de produits obligataires.

Guillaume Lasserre : Quand on confie un mandat à un gérant de performance absolue, c’est sa capacité à s’adapter rapidement aux évolutions de marché et à mettre en place des convictions fortes que l’on recherche. Certains fonds à performance absolue qui avaient bien collecté jusque-là ont un peu déçu l’an dernier. Mais, globalement, il n’y a pas eu d’échec retentissant ces deux dernières années comme ce fut le cas en 2007. De façon générale, lorsque certaines classes d’actifs (actions, crédit…) gagnent plus de 20 %, il est difficile pour un investisseur de se contenter d’une performance de 5 à 10 %. Cette déception est surtout perceptible chez les clients retail ou ceux des banques privées. Cela est moins vrai pour les investisseurs institutionnels, plus à même de comprendre des processus d’investissements plus évolués.

Aujourd’hui, certains investisseurs institutionnels français se tournent vers la gestion alternative. Le mouvement a commencé chez les fonds de pensions américains, anglais et hollandais qui ont bien vu les bienfaits de ces gestions pour la diversification de leurs portefeuilles. Cette poche est toutefois encore faible, car elle ne représente que 5 à 6 % de l’exposition. Une des stratégies les plus anciennes, les CTA, a été boudée par la clientèle des banques privées car elle a déçu en 2011 et en 2012. Pour autant, les encours n’ont pas baissé puisque, dans le même temps, des grands fonds de pension sont venus sur cette stratégie. La performance absolue est moins un argument commercial qu’un style de gestion qui a du sens dans un portefeuille institutionnel.

Carl Dunning-Gribble, responsable des relations investisseurs, Syquant Capital : Nous ressentons également que les clients institutionnels connaissent mieux et recherchent d’avantage ces stratégies. Cette clientèle représente d’ailleurs 85 % de nos encours. Nous sommes à l’aise avec le terme «performance absolue», même si nous sommes conscients que cela met une forte pression sur le gérant. Celui-ci doit assumer l’entière responsabilité de délivrer cette performance absolue et ne peut pas trouver d’excuse dans les tendances des marchés. Il doit délivrer la promesse telle qu’elle a été calibrée. Sa responsabilité est autant de délivrer le niveau visé de volatilité qu’une performance positive. La responsabilité est également dans la régularité, c’est-à-dire le nombre de mois positifs. Le gérant doit respecter le cahier des charges défini (objectif de gestion, etc.) et ensuite, dans sa gestion du portefeuille, saisir les opportunités d’arbitrage qu’offre le marché.

Lorsqu’il estime qu’il n’y a pas suffisamment d’opportunités et/ou que la prise de risque n’est pas dans le mandat, il a la responsabilité d’envisager de fermer le fonds aux nouveaux investisseurs (c’est le «soft close»). Nous avons une politique très restrictive en la matière. En début d’année, nous évaluons les capacités pour chacun des fonds selon les critères de gestion définis et ainsi calibrons notre capacité à accueillir de nouvelles souscriptions. Dans notre démarche clientèle, il est également important d’expliquer s’il existe un risque bêta dans le fonds. En principe, dans un vrai fonds de performance absolue, ce risque devrait être très faible, voire nul. S’il existe un bêta résiduel, il faut en expliquer l’incidence en cas de fluctuation des marchés.

Funds : Qu’est-ce que l’évolution de la réglementation a apporté à ce type de gestion ? Par ailleurs, vous évoquez tous l’alternance de bonnes et de mauvaises années : les clients sont-ils conscients de l’horizon de placement attaché à ce type de gestion ?

Frédéric Cohen, gérant, OFI AM : Sur la deuxième question, la réponse est non ! Je constate que certains vrais gérants à performance absolue, ceux qui ont la capacité d’être market neutral ou de prendre des vues contrariantes, ont été sanctionnés durement par les clients car ils n’avaient probablement pas assez de beta ! Par exemple, je pense à un gérant long/short actions européennes qui a délivré 4 % de performance en 2011 (dans un marché fortement baissier), et 0 % en 2012. Son encours est passé de plus de 1 milliard d’euros à 300 millions d’euros courant 2013, alors que sa performance sur l’année était de nouveau positive. Un certain nombre de gérants n’ont donc plus le droit à l’erreur. Si certains conservent un certain statut et parviennent à garder leurs clients, cela devient très difficile en moyenne. Les clients ont du mal à s’inscrire dans un horizon de placement moyen/long terme et à accepter des périodes de moindre performance à court terme pour ce type de gestion.

Sébastien Barbe : La réglementation a bien évolué. L’AMF est très vigilante sur la rédaction des prospectus de ces fonds. La notion de transparence est devenue aussi très importante. Les clients peuvent comprendre qu’une stratégie, dès lors qu’elle est bien expliquée, puisse décevoir dans certaines phases de marché. Le côté «boîte noire» des hedge funds dans le passé fait moins recette. Nous expliquons à nos clients précisément ce que nous faisons et pourquoi ; ils vivent le fonds. Quand on s’adresse à des clients institutionnels ou à de la clientèle retail (via leur conseiller), nous devons faire un effort de pédagogie important.

Guillaume Lasserre : La transparence est devenue une condition préalable à l’investissement dans ces fonds. Certains gérants, traditionnellement protecteurs, ont accepté d’«ouvrir le capot» et d’offrir plus de transparence à une clientèle institutionnelle, traditionnellement plus capable de comprendre ces informations. La réglementation AIFM va complètement dans ce sens. Elle peut paraître à certains égards plus contraignante que la réglementation Ucits, mais est-ce que cela pèse pour autant sur la performance ? Pas nécessairement. A titre d’exemple, certains fonds Ucits surperforment leurs fonds version non-Ucits.

Carl Dunning-Gribble : Tous nos fonds sont Ucits. Notre «flagship» est un fonds de droit français Ucits et nous avons également des fonds de droit luxembourgeois. Nous avons domicilié au Luxembourg notre fonds historique offshore. La question porte également sur ce qu’un fonds «format Ucits» peut apporter aux investisseurs et d’autre part sur d’éventuelles contraintes pour le gérant. Sur ce dernier point, cela dépend vraiment des stratégies. Pour certaines, notamment dans le crédit et dans les taux, cela peut être contraignant au niveau de la limite de l’effet de levier que l’on peut appliquer.

Ucits ne crée pas de contraintes particulières dans notre univers, qui est celui des actions et des événements d’entreprises. Nous appliquons par exemple à notre fonds luxembourgeois les mêmes règles de gestion et les mêmes limites de risques que celles qui s’appliquaient précédemment au fonds offshore. En ce qui concerne les clients, l’enveloppe Ucits donne certaines garanties au niveau du modus opératoire du fonds, notamment sur les responsabilités du dépositaire. Dans l’offshore, il y a une flexibilité générale sur la partie opérationnelle qui fait que chaque fonds peut être très différent.

Ce n’est pas le cas dans l’univers des fonds Ucits qui ont un cadre très strict au niveau de la partie opérationnelle qui rassure les investisseurs. C’est donc plutôt positif car, par le passé, la plupart des problèmes qu’il y a eu dans l’industrie – et pas uniquement pour la performance absolue –, ont porté sur la partie opérationnelle qui n’a pas été respectée d’une manière ou d’une autre.

Frédéric Cohen : Ucits V devrait faire référence à la responsabilité du dépositaire pour la conservation des actifs. A mon sens, ce point est extrêmement important et aurait dû être abordé plus tôt, car cela rassure immédiatement les investisseurs. Mais nous voyons bien les problèmes de mise en place que cela pose chez les dépositaires en termes de responsabilités. Par ailleurs, les délégations de dépositaires ne sont pas suffisamment abordées. Aujourd’hui, un investisseur, même professionnel, est très mal informé sur ce sujet. Il est possible d’exiger du dépositaire qu’il indique à quelle maison il délègue le dépôt les actifs de tel ou tel fonds.

Funds : Les fonds à performance absolue sont présentés aujourd’hui comme des alternatives aux fonds obligataires largement présents dans les portefeuilles des investisseurs. Cette approche est-elle pertinente ? Est-ce uniquement un argument marketing ? Qu’en est-il de l’exposition au risque ?

Frédéric Cohen : Nous avons aujourd’hui des demandes du retail et des banques privés d’une part et, d’autre part, des investisseurs institutionnels confrontés à un niveau de taux bas et exposés à des emprunts d’Etat réputés sûrs comme le Bund.

Dans le retail, ce sont les fonds en euro qui vont poser problème, car le rendement devient de moins en moins attractif. Dans le cadre de l’assurance vie, nous avons donc des demandes pour créer des fonds à performance absolue ayant un cadre de risque faible et qui délivrent une performance régulière. Les clients institutionnels cherchent également une alternative à leur exposition aux taux.

Dans un cas comme dans l’autre, je considère qu’il est très dangereux de remplacer un fonds en euro ou une exposition au Bund par un fonds à performance absolue. Ces produits n’ont rien à voir. Nous essayons d’être pédagogues avec les clients en expliquant bien que les risques ne sont pas du tout les mêmes et que la performance passée de ces fonds, aussi bonne soit-elle, n’implique pas qu’il n’y ait pas des risques à l’avenir. Chaque fonds que nous proposerons présentera un risque de perte en capital.

Sébastien Barbe : La demande des clients vient d’un consensus très fort, qui se répète chaque année depuis dix ans, autour de l’idée de la remontée des taux, et qu’il devient très risqué d’avoir des obligations en portefeuille. Or, pour un client qui a un passif à gérer, le risque n’est pourtant pas du tout le même que pour celui qui gère en performance absolue. Diversifier son portefeuille et accéder à des produits plus sophistiqués est bien sûr une bonne démarche. Mais il ne faut pas tout basculer d’une classe d’actifs à l’autre. Certaines gestions obligataires, en particulier les mandats, correspondent avant tout à des besoins de passifs.

Guillaume Lasserre : Un investissement obligataire apporte une certitude sur le recouvrement des fonds investis et sur le niveau du coupon reçu. Il peut y avoir, à court terme, un risque lié à la remontée des taux, mais c’est un risque temporaire. Si l’on choisit des obligations de qualité et bien notées, il y a une quasi-certitude sur le recouvrement de son investissement et sur le taux. S’engager sur du long/short equity, des produits à effet de levier sur les taux, etc., est un tout autre investissement. Pour l’investisseur, la dimension de risque, même si elle peut être maîtrisée, est toutefois totalement différente.

Les fonds de pension américains ont en moyenne 40 % d’obligataire dans leurs portefeuilles. Ils ne vont pas liquider leur investissement obligataire au profit des fonds à performance absolue, ceux-ci ne répondant pas nécessairement à leurs exigences de couverture des passifs. Ils peuvent néanmoins remplacer une partie de leur exposition aux marchés obligataires par des fonds à performance absolue à faible volatilité. Arbitrer une position obligataire par un fonds de performance absolue sera en 2014 plus une opportunité qu’un réel changement structurel sur le long terme. Toutefois, cela ne remet pas en question l’intérêt de ces fonds, qui ont d’autres arguments à faire valoir.

Carl Dunning-Gribble : Chez Syquant, nous ne faisons pas d’analyses stratégiques top-down qui aboutissent à des décisions d’allocation d’actifs vers les actions, taux ou autres actifs finaciers. Nous sommes des spécialistes de la gestion à performance absolue avec un focus sur les arbitrages dans les univers des actions. Il est donc difficile pour nous de nous prononcer sur ce que doit faire un allocataire d’actifs. Nous proposons nos fonds à une clientèle qui estime que la performance absolue s’inscrit mieux dans son portefeuille dans le contexte actuel qu’il y a quelques années lorsque le focus des investisseurs était très obligataire.

Les stratégies à mettre en oeuvre

Funds : En ce début d’année, quelles sont les stratégies de performance absolue qui vous paraissent les plus pertinentes ?

Frédéric Cohen : Nous ne prétendons pas pouvoir investir dans toutes les stratégies, bien les connaître et bien les suivre. Nous avons décidé de sélectionner et d’investir uniquement sur des stratégies qui soient simples, lisibles, transparentes et compréhensibles par tout le monde. Et dont on puisse anticiper le comportement futur. Ce sont essentiellement des stratégies long/short equity européens. Nous partageons l’idée que 2014 sera une année de stock picking. Nous allons vers plus de sélectivité et, probablement, d’opérations de fusions-acquistions. Nos portefeuilles n’ont aucun biais directionnel. Ils sont investis uniquement dans des stratégies d’arbitrage entre pays, entre secteurs et entre valeurs.

Guillaume Lasserre : Nos stratégistes pensent que, en 2014 les gérants de fonds long/short equity réussiront à dégager de la performance. Il est plus difficile de se prononcer sur la gestion des fonds de performance absolue au sens large, car la situation macroéconomique peut évoluer rapidement d’un trimestre sur l’autre. Cependant, l’environnement global étant similaire à celui de 2013, nous restons confiants quant à nos capacités à relever ce défi.

Au-delà des actions et des obligations, il existe d’autres sources de rendement dans le monde, les devises en particulier. Les mouvements sur l’euro ont été très bénéfiques pour nos stratégies l’année dernière. Les matières premières, très attaquées ces deux dernières années, peuvent elles aussi avoir du potentiel. En 2013, des stratégies actives sur l’or nous ont permis de dégager de belles performances. Ce sont les stratégies capables d’aller chercher des opportunités plus larges qui délivreront de la performance en 2014.

Carl Dunning-Gribble : Nous sommes convaincus que la microéconomie sera plus présente en 2014. Au-delà du rattrapage des actions européennes, nous espérons que les entreprises vont se réveiller en 2014. L’année sera donc propice au stock picking. Au-delà des stratégies liées aux événements d’entreprises (OPA, OPE, augmentation de capital, etc.), nous sommes également assez confiants concernant une de nos stratégies qui recherche non pas la tendance globale du marché mais la dispersion des tendances positives entre différentes valeurs.

Sébastien Barbe : Après trois années de hausse des marchés financiers, la situation semble plus dure aujourd’hui. A titre personnel, je me méfie toujours de la séparation théorique entre l’alpha et le bêta : la gestion du bêta, c’est de l’alpha, et il peut y avoir du bêta caché dans l’alpha… L’optimisme du consensus se retrouve à tous les niveaux. Or, nous sommes dans une situation où la monnaie centrale mondiale va refluer, sans doute lentement et de façon mesurée, mais nous allons avoir des vents contraires sur les marchés.

Il y aura nécessairement des opportunités, mais cette année plus que l’année dernière, la gestion du risque doit être au centre de la réflexion des investisseurs. Le contexte est favorable à des portefeuilles bien diversifiés, prudents et avec une part de liquidité importante pour pouvoir profiter des secousses.

L'info asset en continu

Chargement en cours...

Les plus lus

Dossier spécial

Les 50 sociétés de gestion qui comptent - Sélection 2023

Pour la plupart des acteurs présents dans cette nouvelle sélection des 50 sociétés de gestion qui…

La rédaction de Funds Magazine FUNDS 02/05/2023

L'info financière en continu

Chargement en cours...

Dans la même rubrique

Faut-il croire au rebond des small & mid caps ?

Les petites et moyennes valeurs affichent une décote historique, mais dans un environnement de...

Obligations convertibles : un couple rendement /risque attractif !

Quel bilan peut-on faire de la classe d’actifs l’an dernier ? Comment a évolué le marché primaire ?...

Où investir en 2024 ?

L’année 2023 a apporté son lot de mauvaises surprises et se termine sur fond de tensions...

Voir plus

Chargement en cours...