Obligations convertibles

Une classe d’actifs à privilégier en 2015 ?

Publié le 27 mars 2015 à 11h49    Mis à jour le 27 mars 2015 à 15h32

Propos recueillis par Catherine Rekik

Les obligations convertibles ont connu deux séquences différentes en 2014, avec une fin d’année caractérisée par un volume d’émissions plus faible et une baisse des prix des actifs. Funds s’interroge sur les atouts de la classe d’actifs. • Le contexte actuel, qui semble favorable aux actifs risqués et particulièrement aux actions, plaide-t-il en faveur des obligations convertibles ? Pourquoi ? • Quels seront les moteurs de performance en 2015 ? • Le thème du M&A sera-t-il un facteur de soutien ? • Comment le marché primaire évolue-t-il ? • Comment investir dans les obligations convertibles ? • Quel type d’émetteurs faut-il privilégier ? • Comment a évolué l’offre de fonds de convertibles ?

Bilan 2014 et perspectives 2015

Quel bilan faites-vous de l’année 2014 ? Comment la classe d’actifs a-t-elle abordé 2015 ?

Muriel Blanchier, gérante, AltaRocca AM : 2014 a été une année en deux temps : des éléments de valorisation ont joué à partir du mois de juin, ce qui a fait chuter la classe d’actifs, en particulier toutes les belles notations. Tout au long de l’année, nous avons choisi de diminuer la sensibilité «actions» du portefeuille. La stratégie actuelle consiste maintenant à resensibiliser le portefeuille pour participer activement aux performances de la classe d’actifs.

La classe d’actifs a donc évolué de la même façon que les marchés actions l’an dernier…

Muriel Blanchier : Les obligations convertibles ont connu le même parcours que les actions, avec un point d’inflexion au début de l’été certes, mais assorti d’un certain niveau de protection.

Julien Coulouarn, gérant, Montpensier Finance : La première partie de l’année 2014 a bénéficié à la fois de l’embellie des marchés actions et d’un renchérissement de la volatilité implicite qui a largement profité à la classe d’actifs. A partir de juin, il y a une conjonction de deux phénomènes négatifs : un marché actions baissier et volatil accompagné d’un «désenrichissement» de la classe d’actifs en termes de volatilité implicite, provoqué à la fois par la baisse des marchés actions et par une vague assez forte d’émissions. Il y a eu, tout à coup, un afflux de papiers très concentré. En Europe, 50 % des émissions ont eu lieu sur deux mois, juin et septembre, ce qui a entraîné une baisse des volatilités implicites.

Florent Delorme, responsable de clientèle institutionnelle, M&G : Nous partageons le même constat pour l’année 2014. En ce qui concerne les perspectives, nous estimons que les niveaux de volatilité implicite sont encore raisonnables et constituent un point d’entrée pour la classe d’actifs.

Hubert Lemoine, responsable de la gestion des obligations convertibles, Schelcher Prince Gestion : Certains problèmes sont inhérents à cette classe d’actifs. Elle est relativement étroite, avec environ 75 milliards d’euros investissables. En 2014, il y a eu six bons premiers mois avec un renchérissement de la classe d’actifs, suivis par une déception sur les actions et sur les obligations convertibles sur fond de crise ukrainienne et d’interrogations sur la croissance allemande. Nous restons très demandeurs de nouvelles émissions. Or, avec des taux très bas et des spreads très serrés, les actions restent une source de performance à laquelle les investisseurs veulent s’exposer de façon sécurisée, à travers les obligations convertibles. Il y a un goulet d’étranglement et nous avons besoin de nouvelles émissions pour satisfaire la demande.

Olivier Guillou, gérant, Ecofi Investissements : 2014 a été une année de transition, mais c’était attendu. Le marché des obligations convertibles fonctionne par cycle de trois ans et 2014 était la troisième année de ce cycle. La performance de l’année passée, en retrait par rapport à 2012 et 2013, doit donc être relativisée.

La bonne tenue du marché au cours de la première partie de l’année a conduit à des émissions opportunistes sur le marché des obligations convertibles et sur des titres plus spécifiques comme les «mandatory». Lorsque des doutes sur la croissance allemande sont apparus, les valorisations sur le marché étaient assez élevées et présentaient moins de protection pour une partie de la cote. La correction a été assez violente. Au final, l’année s’est plutôt bien terminée, grâce à la contribution du secteur immobilier en Allemagne qui a représenté près de la moitié de la performance de l’indice. Le marché s’est focalisé sur un nombre limité de titres et le travail du gérant a été très important dans la constitution et la régularité de la performance.

Muriel Blanchier : Les belles signatures étaient très chères et nous pensions que la meilleure façon de se protéger était de les éviter ; cependant, les obligations convertibles non notées ou les signatures high yield ont également souffert de la valorisation. Cela a été dommageable à toute la classe d’actifs pendant l’été.

Olivier Guillou : Il y a eu effectivement une baisse du marché européen du high yield, dans le sillage du marché américain qui avait bénéficié de flux importants en raison de l’assèchement du marché de la dette souveraine et des sorties de capitaux des marchés émergents. La contagion était aussi liée au marasme économique en Europe et à la déception sur le PIB allemand du deuxième trimestre, les investisseurs s’apercevant très vite qu’il n’y avait pas uniquement un facteur conjoncturel mais aussi des raisons structurelles. Il a fallu attendre les annonces de la BCE, à partir du mois de septembre, pour que se mettent en place un autre scénario et des perspectives de moyen terme plus intéressantes.

Que recouvre l’univers des obligations convertibles ? Certains secteurs sont-ils plus représentés que d’autres ? Que trouve-t-on en termes de notation ? Comment a évolué le profil des émetteurs ? Qu’attend-on en termes d’émissions en 2015 ?

Julien Coulouarn : En Europe, le volume d’émissions était identique en 2013 et 2014, de l’ordre de 18 milliards d’euros.

Muriel Blanchier : Il faut comparer ce chiffre avec ce qui disparaît ce qui ne signifie pas qu’il y aura un assèchement du marché.

Hubert Lemoine : Nous sommes cependant partis sur un rythme assez faible d’émissions !

Muriel Blanchier : Globalement, il n’y a pas de besoin spécifique de nos émetteurs qui peuvent se refinancer de manière très fluide sur le marché obligataire. Il y a deux types d’émetteurs potentiels : d’une part, les opportunistes qui viennent avec un zéro coupon, de belles signatures ou du rendement négatif – nous avons acheté nos premières obligations convertibles européennes «japonaises» et c’est un véritable retournement de marché –, et, d’autre part, des sociétés très cycliques qui reconstituent leurs bilans, avec du coupon et de la sensibilité actions, surtout en période de redémarrage du cycle. Le gisement n’est pas immense, mais il est intéressant car très orienté sur les valeurs moyennes qui sont des cibles potentielles en cas d’acquisition. Entre ces deux types d’émetteurs, il y a l’émetteur classique qui, avec une belle signature préférera se financer sur le marché obligataire traditionnel plutôt que de prendre un risque de dilution dans une période où la volatilité n’est pas suffisamment élevée.

Hubert Lemoine : L’émetteur aura tendance, en effet, à aller capter la cherté de la classe d’actifs. En juin dernier, par exemple, les émetteurs high yield et investment grade sont venus de façon opportuniste sur ce marché à un moment où les valorisations étaient assez élevées pour certaines actions, ainsi que la volatilité, alors qu’ils avaient également la possibilité de se financer à moindre coût sur le marché de la dette classique. Ils sont venus saisir un prix d’optionalité très élevé et profiter de la demande pour cette classe d’actifs. Il y aura toujours des émetteurs opportunistes, familiers des obligations convertibles et qui les utilisent de façon récurrente, et des émetteurs désireux de diversifier leurs sources de financement. La désintermédiation bancaire est un courant porteur pour le marché des obligations convertibles. Enfin, un certain nombre de sociétés en restructuration, plus cycliques, avec des niveaux de levier important, peuvent être tentées par l’émission d’obligations convertibles.

Julien Coulouarn : Les émetteurs notés investment grade et les émetteurs high yield ou non notés sont tout aussi intéressants. Sur la partie investment grade, l’investisseur achète une participation à un potentiel de hausse de l’action tout bénéficiant du plancher obligataire. Sur l’autre partie des émetteurs offrant un coupon plus élevé, on trouve des histoires plus cycliques et plus risquées, mais aussi des titres non notés de bonne qualité, des échangeables ou des holdings familiaux qui ne bénéficient pas forcément d’une signature investment grade. Néanmoins, parmi ces structures, il peut y avoir des histoires avec des sous-jacents de très bonne qualité et avec un crédit un peu plus rémunérateur.

Dans les deux cas, en 2015, les quatre cinquièmes de la performance du gisement proviendront du moteur actions. La composante obligataire devrait être légèrement positive. Quant à la composante volatilité implicite, nous pouvons attendre une légère appréciation ou des niveaux similaires à ce que nous avons actuellement car, depuis le début de l’année, il y a déjà eu une appréciation assez significative de cette volatilité implicite.

Hubert Lemoine : Cette appréciation n’est que le reflet de l’étroitesse de la classe d’actifs. La volatilité implicite est remontée à des niveaux de 32 %, un niveau de valorisation similaire à celui de juin 2014, alors qu’elle avait chuté de 10 points en octobre. Cela montre l’appétit pour ce véhicule très intéressant et très protecteur pour l’investisseur, mais nous avons besoin d’émissions. A mi-mars, le volume d’émission est de 1,2 milliard d’euros, alors qu’il faut un rythme d’au moins 1 milliard par mois pour faire face aux 14 milliards de remboursements et de conversion prévus pour 2015.

Julien Coulouarn : Certains émetteurs sont opportunistes et les émissions d’obligations convertibles arrivent parfois par à-coups. La hausse rapide des marchés actions et la perspective du QE ont amené certains émetteurs à temporiser dans l’attente d’une nouvelle baisse des taux obligataires et de niveaux actions plus élevés.

Hubert Lemoine : Les obligations échangeables sont le moteur des émissions dans un contexte de rationalisation des participations des entreprises et de recentrage des activités sur le cœur de métier.

Olivier Guillou : L’encours est de l’ordre de 70 milliards d’euros en Europe. En considérant que les émissions ont une échéance de cinq ans, cela fait environ 14 milliards d’euros à couvrir chaque année pour maintenir l’encours au niveau actuel.

Il existe, en effet, une dichotomie en termes d’émissions. Des émetteurs risqués font appel à ce marché parce qu’ils n’ont pas accès aux marchés obligataires classiques, soit en raison de leur taille, soit parce que les banques ne les financent pas. Ce sont alors des émissions de restructuration ou d’aménagement de bilan. Il existe également des émissions adossées à des opérations de croissance, mais elles sont plus rares. Nous en avons peu connu par le passé, sans doute du fait des conditions de marché, avec des niveaux de stocks bas et une faible volatilité.

Nous fondons beaucoup d’espoirs sur la perspective d’un nouveau cycle de fusions-acquisitions en Europe sur fond de reprise de la croissance, avec des conditions de financement facilitées par le quantitative easing, dont l’effet le plus perceptible est l’effondrement généralisé des taux d’intérêt. Cela devrait être une thématique importante pour les prochains trimestres, pour laquelle le marché obligations convertibles est bien positionné en termes de représentation et de taille d’entreprises. Il y a également des mécanismes de compensation en cas de fusions-acquisitions.

Le gisement est composé de valeurs cycliques, d’entreprises midcaps non notées qui ont de la croissance et ne versent pas de dividendes. On y trouve des valeurs allemandes intéressantes, exposées à la croissance mondiale, mais aussi des émetteurs d’Europe du Sud, des entreprises qui délivrent de bons résultats mais qui ont été pénalisées ces dernières années par la défiance vis-à-vis du risque pays ou l’environnement bancaire domestique.

Muriel Blanchier : S’il a un actif à vendre, l’émetteur de qualité montre clairement de l’intérêt pour les obligations convertibles «échangeables». Soit il vend son bloc «actions» directement dans le marché, mais en octroyant une décote à l’investisseur, soit il le vend via une obligation convertible «échangeable», auquel cas il vend son bloc actions avec une prime de 30 % contre un coupon faible compte tenu des taux actuels et de sa qualité de signature.

Olivier Guillou : A la fin des années 1990, il y avait beaucoup d’obligations convertibles échangeables, mais c’était lié à un aspect fiscal avec la mise en place des réformes en Allemagne. C’était une vente à terme des participations pour une optimisation fiscale. Le schéma actuel est différent, car les entreprises cherchent surtout à avoir des ressources de financement en optimisant leurs participations.

Florent Delorme : La classe d’actifs étant plutôt étroite, nous privilégions une approche mondiale. Les Etats-Unis représentent une part significative du marché, suivis de l’Europe et du Japon. Il y a également des émetteurs en Asie hors Japon. Les convertibles américaines représentent environ la moitié de nos investissements, suivies par l’Europe (40 %) et le reste dans l’univers asiatique hors Japon, car les caractéristiques des obligations convertibles japonaises offrent peu d’attrait selon nos gérants.

Les différences entre l'Europe et les Etats-Unis

La classe d’actifs est-elle très différente aux Etats-Unis et en Europe ?

Florent Delorme  : Il y a effectivement des spécificités locales en termes de rendement de la convertible et de sensibilité aux marchés actions, celle-ci étant plus marquée aux Etats-Unis. Au Japon, les rendements sont trop faibles pour être intéressants. Au sein de chaque marché, il peut toutefois y avoir des opportunités.

Un des attraits de la classe d’actifs est de permettre l’accès à un univers diversifié de midcaps. Beaucoup ne sont pas notées, ce qui ne nous pose pas de problème car nous avons la capacité, en interne, de les analyser. Du côté des secteurs, nous nous intéressons en particulier à l’univers des valeurs technologiques aux USA et au secteur immobilier en Allemagne.

Les Etats-Unis ont un gisement intéressant d’obligations convertibles. Comment réagit cette classe d’actifs dans les périodes de remontée des taux d’intérêt ?

Florent Delorme : Les durations ne sont pas très longues sur cette classe d’actifs, donc la sensibilité à la remontée des taux est moins forte. Quant à l’option, elle se valorise légèrement en période de hausse des taux, ce qui permet de compenser un peu l’éventuelle baisse de valorisation subie par la composante obligataire.

Hubert Lemoine : Si les taux remontent pour une bonne raison – une croissance américaine solide –, les obligations convertibles se comporteront mieux que les obligations classiques. Chez Schelcher Prince Gestion, nous regardons également cet univers de façon globale car nous avons un fonds monde non couvert en devises. Nous constatons que, depuis le début de l’année, les Bourses corrigées de l’évolution des devises sont assez équilibrées en termes de performance. La faiblesse de l’euro contribue fortement à la surperformance du marché européen. Sur les taux, nous avons le sentiment qu’ils peuvent être un facteur de cap sur la valorisation des marchés actions. Il y a tout de même un peu de sensibilité des obligations convertibles à la remontée des taux, ce qui peut être un facteur de contre-performance sur le marché américain et nous incite plutôt à privilégier le marché européen.

Muriel Blanchier : Il y aura également l’impact des émissions. Aux Etats-Unis, les marchés actions ont bien progressé et les entreprises commencent à craindre la remontée des taux. Il devrait y avoir beaucoup d’émissions, ce qui pourrait peser sur la performance.

Hubert Lemoine : En effet, il pourrait y avoir beaucoup d’émetteurs opportunistes. Cela pourrait engendrer des pressions sur la valorisation de la classe d’actifs. Les émissions d’obligations convertibles pour des motifs de rachats d’actions, devraient diminuer aux Etats-Unis.

Vous avez évoqué la classe d’actifs comme une façon de s’exposer à l’univers des midcaps. Or, les midcaps ont sous-performé en Bourse ces derniers mois et ne devraient pas être les premières à bénéficier des flux sur les marchés actions liés au quantitative easing, d’autant plus que, par ailleurs, la baisse de l’euro favorisera plutôt les grandes valeurs. Peut-on réellement compter sur le moteur actions sur ce segment de la cote dans les prochains mois ?

Muriel Blanchier : C’est le moteur des fusions-acquisitions qui devrait être efficient. Les sociétés ont effectué des restructurations en interne, elles ont du cash mais sont confrontées à la faiblesse de la croissance économique européenne. L’acquisition d’un concurrent ou d’une activité complémentaire peut leur permettre de continuer à dégager de la croissance. Nous sommes dans un cycle favorable aux acquisitions, comme cela a été le cas dans le secteur de l’immobilier allemand fin 2014.

Hubert Lemoine : Le quantitative easing va avoir un impact sur le refinancement des sociétés. Il va contribuer à l’amélioration de leur santé financière. Mais je suis assez dubitatif sur l’impact du quantitative easing car, à court terme, il va plutôt bénéficier aux grandes entreprises, de même que la baisse de l’euro profitera essentiellement aux sociétés exportatrices. Les valeurs moyennes sont souvent très domestiques.

Julien Coulouarn : L’objectif du quantitative easing est de créer un effet d’enchaînement. En achetant des obligations d’Etat, la BCE force les investisseurs à acheter du crédit, des actions ou des obligations convertibles. Il est effectivement plus facile d’aller, dans un premier temps, vers les grandes capitalisations boursières ou les ETF. Dans un deuxième temps, les niveaux de valorisations de ces grandes valeurs pourraient amener les investisseurs à acheter plutôt des valeurs moyennes.

Hubert Lemoine : Certes, mais il s’agit là d’un impact de valorisation et non d’un impact sur le business de la société en elle-même.

Olivier Guillou : En termes d’allocation, les «blue chips» devraient effectivement profiter du quantitative easing et de l’effet devise. Mais de bonnes surprises économiques en Europe sont envisageables et, finalement, cela créerait un contexte favorable aux midcaps, avec une dynamique plus auto-entretenue sur la croissance interne. Les prévisions de croissance du PIB en zone euro sont légèrement supérieures à 1 %. Elles sont compatibles avec des prévisions de croissance des profits de l’ordre de 13 %.

Julien Coulouarn : La prépondérance des sociétés de taille moyenne dans l’univers des obligations convertibles n’est pas, selon moi, un argument majeur en faveur de la classe d’actifs. Je mettrais plutôt en avant la diversification du gisement, avec des secteurs répartis de façon plus homogène que dans les principaux indices actions, ainsi qu’une représentation assez forte de l’immobilier mais sans que son poids ne soit trop significatif. Cette diversification a permis d’avoir une surperformance de la classe d’actifs l’an dernier par rapport aux indices des mid & small caps. Par ailleurs, ces dernières années, le gisement a bénéficié d’émissions de sociétés de plus petites tailles, souvent originaires d’Europe du Sud. Il est ainsi moins monopolisé par quelques grands noms que par le passé, où certaines émissions pesaient trois ou quatre milliards d’euros.

Enfin, par rapport aux obligations classiques et aux actions, les obligations convertibles offrent des clauses intéressantes et protectrices pour les investisseurs : notamment la clause de protection du dividende et la clause de ratchet en cas de fusion-acquisition. La clause de protection du dividende est d’autant plus intéressante qu’une bonne partie de la performance des actions sur le long terme est due au dividende. De nombreuses obligations convertibles sont ainsi protégées partiellement ou à 100 % de ce versement du dividende.

L'importance du M&A

Pourquoi le thème du M&A est-il plus intéressant pour les porteurs d’obligations convertibles que pour les actionnaires ? Est-ce un thème important dans votre sélection de titres ? Quels sont les secteurs concernés ?

Julien Coulouarn : La clause de ratchet ajuste, en fonction de la durée de vie restante de la convertible, le ratio de conversion dès lors qu’une OPA est déclenchée sur la société. Cette clause est largement répandue aujourd’hui. Le porteur bénéficie d’un double effet : l’appréciation de l’action due à l’OPA et son ajustement. Prenons l’exemple de l’OPA de Deutsche Annington sur la foncière allemande Gagfah en décembre dernier. Au lendemain de l’annonce, l’action était en hausse de 13 %, tandis que l’obligation convertible gagnait 24 %. Elle a bénéficié de l’ajustement de conversion. Les OPA sont donc très bénéfiques pour les porteurs d’obligations convertibles.

Olivier Guillou : Dans certaines réglementations domestiques comme en France, en cas d’OPA, il y obligatoirement une offre sur les convertibles. Cela a toujours existé, mais la nouveauté concerne les mécanismes de compensation. Si un investisseur achète une obligation convertible, il paie une prime qui correspond à la contre-valeur du nombre d’actions détenues. L’idée est de pouvoir bénéficier de la prime d’OPA pendant toute la vie de l’obligation sans être pénalisé par rapport à l’actionnaire.

Muriel Blanchier : Personne ne peut prévoir à quelle date va se produire une OPA. Certains secteurs sont davantage concernés que d’autres par des dynamiques de concentration ou de restructuration.  Investir dans des obligations convertibles permet de profiter d’une éventuelle opportunité sans pour autant prendre tout le risque «actions».

Florent Delorme : Au-delà des événements conjoncturels comme les opérations de fusions-acquisitions qui peuvent dynamiser la classe d’actifs, les investisseurs s’intéressent principalement aux convertibles pour leur convexité et la possibilité d’accéder aux marchés actions via un mécanisme optionnel. Les obligations convertibles mixtes offrent le meilleur équilibre.

Un autre intérêt de la classe d’actifs, c’est d’accéder à des entreprises qui n’émettent pas de dette classique où pour lesquelles il n’y a pas d’option disponible. La convertible est alors le seul véhicule qui permet d’accéder à la dette ou à l’option de la société considérée. On voit là tout le potentiel de diversification de la classe d’actifs.

Typologie des investisseurs

Comment les investisseurs appréhendent-ils la classe d’actifs ? La clientèle est-elle toujours institutionnelle ?

Florent Delorme : La classe d’actifs intéresse tous ceux qui veulent accéder aux marchés actions sans en subir toute la volatilité. Les investisseurs institutionnels ont recours aux convertibles dans leurs allocations.

Muriel Blanchier : Les fonds d’obligations convertibles sont des produits patrimoniaux par excellence. Mais ce sont des produits déjà packagés. Or, la démarche du CGP vis-à-vis de son client est plutôt de mettre en avant son savoir-faire en matière d’allocation. Les chiffres en faveur de la classe d’actifs parlent pourtant d’eux-mêmes : depuis les années 1990, la performance annuelle est de 8,5 % pour une volatilité deux à trois fois inférieure à celle des actions.

Hubert Lemoine : L’évolution de la réglementation et les problématiques de Solvency II ont amené les investisseurs institutionnels et les assureurs à avoir plus d’appétit pour la classe d’actifs.

Julien Coulouarn : Même si la classe d’actifs est peu volatile, elle reste aussi moins liquide que certaines autres, mais comparable aux obligations de crédit. Les obligations convertibles doivent représenter une part raisonnable de l’allocation d’un portefeuille. Cela étant dit, la classe d’actifs tend à se démocratiser.

Les risques liés à la classe d'actifs

Quels sont les risques qui pèsent sur la classe d’actifs ? Pourquoi le retail ne s’intéresse pas plus à cet univers de fonds ?

Muriel Blanchier : Le défaut de l’émetteur et la fraude sont les principaux risques.

Hubert Lemoine : En 2008, il y a eu un accident sur l’ensemble de l’univers des obligations convertibles. La chute de Lehman Brothers a particulièrement pesé sur les obligations convertibles. C’est le seul cas où la classe d’actifs n’a pas respecté son principe de protection, de parachute à la baisse.

Florent Delorme : La part de high yield est importante dans cet univers. Pour trouver de la valeur ajoutée, il faut parfois aller au-delà du segment investment grade, ce qui n’est pas sans risque.

Muriel Blanchier : En revanche, n’oublions pas que, en 2008, le marché des obligations convertibles avait continué de fonctionner. Les investisseurs pouvaient vendre, certes à un prix dégradé, alors que les échanges n’étaient plus possibles sur certains titres du marché obligataire. Ainsi, pour les obligations convertibles, le prix s’ajuste en cas d’accident alors que pour les obligations le prix reste stable, mais parce que personne ne pourra modifier ses positions.

Olivier Guillou : La chute de Lehman Brothers a entraîné une correction assez violente du marché. Aujourd’hui, la dette émise est plus concentrée entre les mains d’investisseurs directionnels de long terme. A la clientèle des particuliers, le message à transmettre est celui de la participation au financement des entreprises et de l’économie réelle. Le tissu économique est financé par ce véhicule qui permet à l’investisseur d’accéder à un univers qui accueille soit des nouveaux acteurs (absents du marché de la dette), soit des sociétés en restructuration, soit des sociétés en croissance qui font appel à l’épargne publique pour financer leur développement. Au-delà de la performance imbattable sur le long terme, les particuliers doivent être sensibilisés à la finalité de cet investissement.

Muriel Blanchier : Nous avons fait référence précédemment au cycle de trois ans qui caractérise cette classe d’actifs. Sur cette durée, les obligations convertibles participent à la hausse des actions (à 70 %) et à la baisse (à 10 %). Cet horizon convient parfaitement à la clientèle institutionnelle ; a contrario, le client retail qui a un rendez-vous annuel avec son CGP, risque d’être déçu par la performance obtenue sur une aussi courte période. L’idéal est de lui conseiller d’attendre la fin du cycle, afin qu’il bénéficie pleinement des mouvements haussiers.

Les thématiques privilégiées

Comment sont exposés vos portefeuilles ? Quelles sont les thématiques privilégiées ?

Muriel Blanchier : Nous avons augmenté la sensibilité aux actions dans nos portefeuilles. Elle est passée de 22 % en fin d’année dernière à plus de 40 % actuellement. Nous avons privilégié les valeurs cycliques et les valeurs moyennes, en particulier dans les secteurs susceptibles d’être concernés par les fusions-acquisitions. Cela concerne l’immobilier allemand, par exemple, mais aussi des sociétés dont l’actionnariat a été modifié ou des valeurs affectées par le prix du pétrole.

Julien Coulouarn : Nous avons axé notre choix d’investissement sur les obligations convertibles les plus convexes. Notre parti pris est d’investir uniquement dans des convertibles pures et pas sur des synthétiques, afin de pouvoir bénéficier de toutes les clauses de protection de l’investisseur dont nous avons parlé. Avec le quantitative easing et l’amélioration du cycle économique en Europe, notre univers d’investissement, la zone euro nous semble particulièrement bien positionnée. Nous avons donc renforcé nos positions sur des valeurs plus cycliques. En termes sectoriels, l’immobilier allemand marque un peu le pas mais reste un secteur d’activité très intéressant sur le moyen terme.

Florent Delorme : Nous avons une approche de stock picking. Après un premier filtre sur la liquidité, l’équipe de gestion procède à une analyse fondamentale des entreprises puis à l’analyse des caractéristiques techniques des obligations convertibles. Nous investissons sur des convertibles mixtes qui offrent la plus forte convexité. L’objectif est de construire un portefeuille d’une centaine de valeurs, équilibré en termes sectoriels mais sans référence à un benchmark. Les valeurs technologiques et l’immobilier sont deux secteurs importants dans le portefeuille.

Hubert Lemoine : Nous avons une analyse globale de la classe d’actifs en termes de niveaux de taux, de valorisation des obligations convertibles et de perspectives actions. Une pondération est attribuée à chacun des ces trois critères. Nous sommes plutôt neutres sur les taux et le crédit et prudents sur la partie valorisation des obligations convertibles, car il y a un fort appétit pour la classe d’actifs sans que nous ayons forcément le critère de convexité requis. Le niveau de valorisation actuel des obligations convertibles mixtes ne protège pas forcément l’investisseur. En revanche, nous sommes très positifs sur les actions, notamment sur la zone euro et sur les valeurs cycliques. Cependant, comme le gisement ne nous satisfait pas complètement, nous avons des obligations synthétiques sur les secteurs des banques et des télécoms. Dans l’immobilier, la prime sur l’actif net nous semble trop élevée. D’un point de vue tactique, les valeurs parapétrolières sont intéressantes.

Olivier Guillou : Le fonds d’Ecofi Investissements cible uniquement les émissions libellées en euro. J’évite les produits d’exposition diluée comme les obligations synthétiques, je privilégie les obligations convertibles classiques. Actuellement, en investissant uniquement dans des produits mixtes, nous sommes confrontés à des problématiques de valorisation. Au-delà, sur longue période, nous constatons que la meilleure façon d’extraire de la valeur sur le marché est d’avoir une allocation assez mobile sur les différents profils des obligations convertibles : investir dans des titres qui sont quasiment des actions et, inversement, dans des titres ayant un profil high yield prononcé. Un travail d’analyse des caractéristiques techniques est effectué sur chacune des poches avec des choix marqués. N’oublions pas que les émetteurs high yield ou non notés représentent deux tiers du gisement, le bond picking est essentiel. Le portefeuille a aujourd’hui une forte sensibilité aux actions. Nous avons en portefeuille des titres du secteur automobile, des valeurs technologiques et une exposition aux valeurs moyennes. L’exposition sur l’immobilier allemand a été réduite mais, même si les valorisations sont tendues, il y a clairement un mouvement de concentration dans ce secteur.

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