Par Alexis Garatti, directeur de la recherche économique chez Euler Hermes

Quelles perspectives pour les entreprises françaises en 2020 ?

Publié le 28 février 2020 à 17h24    Mis à jour le 23 novembre 2020 à 15h46

Alexis Garatti

Les années 2010 tirent leur révérence, et laisseront dans les manuels d’histoire et d’économie une trace indélébile.

Entre un risque d’impayés qui a explosé, une mondialisation qui s’est transformée, un paysage politique qui s’est renouvelé et des tensions sociales qui se sont multipliées, les 10 ans qui viennent de s’achever furent synonymes pour les entreprises de nombreux défis à relever. 

Le constat s’applique également à l’échelle nationale. L’économie française a particulièrement été bousculée ces dernières années, avec des niveaux records de défaillances d’entreprises, des mécontentements sociaux très marqués, des turbulences politiques nombreuses et une croissance contrainte. Le démarrage d’une nouvelle décennie nous permet-il d’espérer des cieux plus cléments ? Pas vraiment. Le moins que l’on puisse dire, c’est que 2020 ne sera pas une année de rupture en matière de tendance économique pour la France. La croissance tricolore devrait s’établir proche des +1,2 %, comme en 2019, même si des risques baissiers menacent ce scénario en ce début d’année marqué par la crise du coronavirus. D’aucuns y voient une faible performance, je préfère parler de résilience. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu’en 2020, notre croissance économique restera supérieure à la moyenne de la zone euro (+0,9 %). La performance française dépassera également en 2020 celle de l’Allemagne (+0,5 %). Notre économie décélère, mais elle parvient à maintenir le cap.

Cette résistance s’explique par diverses raisons. Tout d’abord, la consommation des ménages devrait rester stable en 2020. Entre la relance budgétaire du gouvernement français, le recul du chômage, l’apaisement des tensions sociales relatives aux gilets jaunes et l’inflation modérée (toujours inférieure à 2 %), le contexte semble plus propice à la dépense pour les ménages.

Ensuite, l’investissement des entreprises va conserver une orientation favorable. Un ralentissement prononcé est certes attendu, mais il devrait se maintenir à un niveau dynamique malgré un contexte externe qui aurait de quoi atténuer l’enthousiasme des chefs d’entreprise. L’investissement va surtout ralentir dans les infrastructures, alors qu’il va rester sur une trajectoire soutenue dans le domaine du digital.

Enfin, la moindre sensibilité de l’économie française aux chocs externes va continuer à nous préserver. La France est moins dépendante aux exportations que ses voisins européens, ce qui la protège relativement des différentes turbulences qui secouent l’économie mondiale. 

Malgré ces perspectives encourageantes, la trésorerie des entreprises françaises restera malheureusement sous pression cette année. Les marges des entreprises françaises devraient en particulier reculer à 31,4 % cette année, soit 1,3 point de moins qu’en 2019. En cause, principalement, la fin de la phase de transition qui a vu le CICE se transformer en baisse de cotisations sociales.

Une situation d’autant plus inquiétante que l’endettement des entreprises françaises ne cesse de se creuser : il devrait croître de + 2 points en 2020, et ainsi atteindre environ 76 % du PIB, soit une 3e hausse consécutive et un niveau record. Dans un contexte d’assouplissement monétaire de la BCE et de faiblesse des taux d’intérêt, une question s’impose : qu’en est-il de la capacité de nos entreprises à rembourser leurs dettes alors que la croissance française n’accélère pas et que l’activité mondiale tourne au ralenti ? Car côté externe, la demande adressée aux entreprises françaises devrait décélérer l’année prochaine. Alors qu’elles ont crû de 16 milliards d’euros en 2019, les exportations françaises ne devraient progresser que de 8 milliards d’euros en 2020. Un potentiel de demande externe divisé par deux, qui vient atténuer les perspectives de croissance et de développement des entreprises.

Le schéma est simple : la rentabilité ne parvient pas à se redresser, l’endettement s’accroît, et la demande globale n’est pas vraiment dynamique. La trésorerie des entreprises est donc sous tension, et les plus fragiles (qui sont souvent les plus petites), pourraient particulièrement souffrir en 2020. D’ailleurs, chez Euler Hermes, nous pensons que cette année marquera la fin du recul des défaillances d’entreprises en France après quatre années ininterrompues de repli. Le risque d’impayés repart à la hausse, et les entreprises doivent s’interroger sur les mesures qu’elles mettent en place pour se protéger. 

Alexis Garatti Directeur de la recherche économique ,  Euler Hermes

Alexis Garatti, directeur de la recherche économique, Euler Hermes

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