Indépendance de l’Ecosse : franchir un pas risqué

Publié le 5 septembre 2014 à 15h13    Mis à jour le 5 septembre 2014 à 17h34

Brian Hilliard

Les Ecossais iront aux urnes le 18 septembre pour répondre à une question simple : «L’Ecosse doit-elle devenir un pays indépendant ?»

Si l’Ecosse vote «oui» au référendum, elle sera indépendante le 24 mars 2016, d’après le calendrier avancé par le Parti nationaliste écossais. Cette date nous semble très optimiste au vu de la complexité des négociations à mener.

En effet, il y aurait en parallèle deux tours de négociations : l’un avec le gouvernement britannique et l’autre avec l’Union européenne (UE), sachant que l’Ecosse, en tant que nouveau pays indépendant, devrait demander son adhésion à l’UE.

Cependant, un accord d’adhésion rapide et sans accroc de l’Ecosse à l’UE serait considéré comme un dangereux précédent. La Catalogne envisage de tenir le 9 novembre prochain un référendum sur son indépendance, mais la tenue de cette consultation n’est pas certaine, car elle va à l’encontre du gouvernement espagnol qui l’a, bien sûr, jugée inconstitutionnelle. Toutefois, si l’Ecosse parvenait à devenir indépendante et à intégrer ensuite l’UE sans difficulté, il est très probable que d’autres mouvements séparatistes revendiqueraient un traitement similaire. Outre la Catalogne, le fort mouvement séparatiste basque espagnol ne serait probablement pas en reste.

Un précédent favorable existe néanmoins, certaines scissions s’étant révélées des succès. Citons notamment le «divorce de velours» tchécoslovaque qui, en janvier 1993, a donné naissance à la République tchèque d’une part et à la Slovaquie d’autre part.

Dans les faits, le débat sur la viabilité d’un Etat écossais indépendant porte, en grande partie, sur la pérennité de son économie. L’Ecosse représente moins de 8 % de l’économie britannique mais les séparatistes avancent que l’indépendance leur donnerait le contrôle d’un actif clé, les champs pétroliers et gaziers de la mer du Nord, leur permettant de soutenir leurs finances publiques. Les négociations sur la part de la production revenant à l’Ecosse seraient ardues mais, selon les principes de droit maritime, environ 90 % de la production devraient être alloués à l’Ecosse.

Cet argument semble favorable mais il s’agit en fait d’un actif en déclin : la production a déjà reculé de 70 % depuis son pic atteint en 2000. Selon l’Institute for Fiscal Studies, l’Ecosse indépendante afficherait un déficit budgétaire supérieur de 1 point de PIB à celui du Royaume-Uni.

Mais le désaccord le plus important entre le mouvement indépendantiste et le gouvernement britannique concerne l’utilisation de la livre sterling. Les trois principaux partis politiques britanniques ont déclaré que l’Ecosse ne pourrait plus l’utiliser si elle quittait le Royaume-Uni, c’est-à-dire qu’elle ne pourrait plus avoir recours aux facilités de la Bank of England (BoE) agissant comme prêteur de dernier recours. L’Ecosse pourrait, néanmoins, utiliser la livre sans l’accord du Royaume-Uni («sterlingisation»), ce qui exigerait cependant que ses politiques monétaires et budgétaires soient extrêmement conservatrices. Nous doutons que cela soit réalisable.

Dans leur négociation, les indépendantistes ont insinué que l’Ecosse n’assurerait pas le service de sa part de dette dans la dette britannique si elle ne pouvait pas utiliser la livre sterling. Il s’agit d’une position absurde et peu crédible car elle effraierait les marchés et les agences de notation de crédit.

Alors que le gouvernement britannique estime que les Ecossais seraient satisfaits d’obtenir plus de pouvoirs, le gouvernement écossais estime pour sa part qu’il n’exercera jamais de véritable contrôle sans une indépendance totale.

Toutefois, comme l’a déclaré le camp des indépendantistes lui-même, «l’indépendance n’est pas une fin en soi, l’objectif principal est d’améliorer la qualité de vie des personnes résidant en Ecosse». La décentralisation maximale pourrait permettre d’atteindre cet objectif. Ce concept reviendrait à octroyer le plus de pouvoirs possible à l’Ecosse, cette dernière restant néanmoins au sein du Royaume-Uni. Le gouvernement écossais a déjà accru ses pouvoirs en termes de droits à lever des impôts et de dépenses. Mais le futur gouvernement britannique devra certainement en octroyer davantage, renforçant ainsi la décentralisation en faveur d’une Ecosse restant au sein du Royaume-Uni.

Si l’Ecosse devait quitter le Royaume-Uni, les électeurs écossais seraient alors privés de leur droit de vote aux élections législatives du Royaume-Uni. Tous les élus écossais devraient quitter le Parlement britannique à la date de l’indépendance. Avec un seul représentant conservateur écossais et 41 pour le Parti travailliste, l’équilibre des pouvoirs à Westminster s’en trouverait modifié et impliquerait la tenue d’élections législatives anticipées au Royaume-Uni en 2017, avec une forte probabilité de victoire du Parti conservateur. Or, ce dernier a promis un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE en 2017. La perte de l’Ecosse et la sortie de l’UE porteraient un double coup à l’économie britannique.

Brian Hilliard

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