Brexit : un avenir préservé pour les fonds UCITS au Royaume-Uni et en Europe

Publié le 12 décembre 2019 à 10h54

Daniel Geggioli

Sans attendre la signature d’un accord sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, l’industrie de la gestion et les promoteurs des véhicules UCITS ont pris les devants pour parer à toute éventualité. Entre la création d’un nouveau label « UK UCITS » et la mise en place d’un régime transitoire de 3 ans, la place financière de Londres est finalement loin d’avoir rendu les armes.

Le feuilleton du Brexit va-t-il enfin connaitre son épilogue ? Après plus de deux ans d’âpres négociations, l’Union Européenne et le Royaume-Uni sont parvenus, mi-octobre, à un deuxième accord entérinant leur divorce. Mais les jeux sont loin d’être faits, le Parlement britannique ayant ensuite reporté son vote sur l’approbation de cet accord puis accepté sa dissolution et la tenue d’élections législatives anticipées le 12 décembre prochain. Autant dire qu’il faudra donc encore patienter pour clore le chapitre du Brexit.

 

Sans attendre l’issue de ces négociations, l’industrie de la gestion d’actifs a beaucoup œuvré pendant de longs mois pour presser les régulateurs à se préparer à toute éventualité. Et force est de constater que les régulateurs, européens comme britanniques, ont largement pris les devants pour prévenir des risques majeurs à cette industrie et éviter de la faire plonger dans un scénario catastrophe. Avec, en ligne de mire, un défi majeur pour le secteur : assurer à l’avenir la commercialisation des fonds UCITS des deux côtés de La Manche.

 

Création du label UK UCITS

 

Dès la fin de l’année 2018, et encore au début de l’année 2019, plusieurs protocoles d’accord (Memorandum of Understanding ou MoU) ont ainsi été signés pour faire évoluer le cadre réglementaire nécessaire au bon fonctionnement du marché européen des fonds UCITS. Les autorités britanniques ne sont pas restées l’arme au pied, prenant toute une série de mesures pour préserver les investisseurs mais aussi la place financière de Londres et ses atouts dans le domaine de la gestion d’actifs. Ainsi, les régulateurs ont adopté un ensemble d’amendements, réunis sous l’appellation de « UCITS SI » (UCITS Statutory Instruments), au sein des mesures législatives dites « d’onshoring » des services financiers. La vocation première de UCITS SI est de transposer dans la législation britannique la régulation européenne en vigueur sur les véhicules UCITS. L’objectif est clair : s’assurer de la conformité des fonds UCITS gérés ou vendus au Royaume-Uni, afin que les gérants et promoteurs de ces fonds continuent d’opérer de manière efficace après la sortie de l’Union Européenne.

 

Il est important de noter qu’en introduisant UCITS SI, le Trésor britannique définit un nouveau label : le « UK UCITS ». Voilà potentiellement un changement majeur pour l’industrie des fonds en Europe à moyen terme. Depuis l’entrée en vigueur de la directive UCITS, le label UCITS ne peut en effet s’appliquer qu’aux seuls fonds établis dans un Etat membre de l’UE. De fait, une fois le Royaume-Uni sorti du bloc, tous les fonds précédemment autorisés outre-Manche sous le régime UCITS ne satisferont plus à la réglementation UCITS dans l’Union. La création du label UK UCITS vise donc un double objectif : permettre aux sociétés de pouvoir continuer à gérer des fonds UCITS au Royaume-Uni et permettre aux acteurs britanniques de continuer à commercialiser leurs fonds UK UCITS partout en Europe. Ainsi, si actuellement l’activité régulée est la gestion des fonds UCITS, à l’avenir pour les fonds labellisés UK UCITS cette activité deviendra la « gestion des fonds UK UCITS ». A charge toutefois aux gestionnaires d’actifs de modifier les prospectus de leurs fonds britanniques, une fois ce label obtenu du régulateur local.

 

Des mesures temporaires rassurantes

 

Au-delà de ce nouveau label, les mesures incluses dans UCITS SI introduisent des régimes transitoires permettant aux sociétés de gestion et aux fonds UCITS issus de l’espace économique européen de poursuivre leurs activités au Royaume-Uni pendant une période de trois ans à compter de la sortie effective de l’UE. Une bonne nouvelle pour toutes les sociétés de gestion qui n’auraient pas pris les mesures nécessaires pour s’adapter à cette nouvelle donne induite par le Brexit.

 

Pour bénéficier de ce régime transitoire, les sociétés de gestion doivent en informer le régulateur britannique, la FCA. Certaines grandes sociétés de gestion européennes ont d’ailleurs déjà demandé à bénéficier de ces mesures transitoires. Et pour cause : elles permettent aux gestionnaires d’actifs de continuer à commercialiser leurs fonds UCITS outre-Manche dans leur cadre réglementaire actuel.

 

Pour poursuivre la commercialisation sur le territoire britannique de ces fonds UCITS à l’issue de la période transitoire, ils devront soit passer sous le régime britannique des fonds de placements privés – et donc se conformer à cette réglementation – soit devenir des fonds régulés tels que définis dans la section 272 de la loi britannique sur les services et marchés financiers (Financial Services and Markets Act ou FSMA) du 14 juin 2000, à savoir devenir des fonds de droit anglais. Ce sera là une autre histoire, et à ce stade les acteurs qui ont la taille critique auront probablement intérêt à se maintenir des deux côtés de La Manche pour continuer de développer leur activité. Pour les sociétés de plus petite taille, des arbitrages seront sans doute nécessaires. Toutefois, d’ici la fin de la période transitoire, l’ensemble de ces nouvelles règles permet aux acteurs de la gestion d’actifs de gagner un temps précieux et de ne pas prendre de décisions dans la précipitation et l’urgence.

 

Loin des atermoiements politiques qui agitent encore les négociations autour de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les régulateurs ont clairement fait le nécessaire pour éviter une catastrophe à l’industrie européenne de la gestion d’actifs. Ce nouveau cadre réglementaire sécurise donc le Brexit, quelle que soit l’issue des prochaines échéances politiques. L’industrie financière européenne ne pouvait pas, il est vrai, se permettre un saut dans l’inconnu. En fonction des options stratégiques prises, le Brexit constitue toujours soit une opportunité soit un risque. Tous les acteurs vont désormais prendre des décisions, offensives ou défensives, pour pérenniser leur modèle ou gagner des parts de marché. Et à ce jeu, Londres est encore loin d’avoir perdu ses galons de plaque tournante de la gestion d’actifs en Europe.

Daniel Geggioli

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