Les attentes des DAF en matière de financement des entreprises

Publié le 31 janvier 2014 à 16h27    Mis à jour le 31 janvier 2014 à 18h38

Dominique Chesneau

Alors que le gouvernement rappelle à bon droit que les conditions de règlement des factures prévues par la loi «LME» doivent être respectées par les grands donneurs d’ordre, force est de constater que le DSO a continué de se dégrader (70 jours en moyenne). Cette situation est particulièrement marquée pour les PME et ETI de l’industrie et du secteur de l’agroalimentaire. La principale source de financement de long terme des entreprises est l’autofinancement, or l’état d’étranglement de leurs comptes vient amputer cette capacité financière, les rendant d’autant plus dépendantes des financements externes pour investir sur le long terme et se développer.

Suite à la mise en place des règles dites de Bâle 3, les institutions financières européennes sont conduites à réduire la taille de leur bilan. Pendant le même temps, les autorités américaines prennent du retard pour mettre en œuvre cette réglementation, créant une concurrence déloyale au détriment des banques européennes. Aussi les entreprises françaises sont-elles davantage soumises qu’auparavant aux investisseurs anglo-saxons et asiatiques pour leur développement national mais aussi – et surtout – dans le financement des opérations de commerce international libellées en devises. Une trop grande dépendance vis-à-vis de l’épargne internationale peut être un facteur de déstabilisation en période de crise, les investisseurs se recentrant alors géographiquement.

Les règles prudentielles sont, à l’évidence, trop strictes pour les ETI et les PME. Les statistiques de la Banque de France pour le deuxième semestre 2013 tendent à montrer un équilibre entre l’offre et la demande de crédit (avec une hausse de 0,5 % des encours par rapport à la fin 2012), mais on notera que les demandes de prêts sont plus souvent satisfaites quand il s’agit d’un crédit causé que lorsqu’il s’agit de financer un BFR d’exploitation. Aussi a-t-on constaté que ces financements spécialisés (souvent plus chers) ont été privilégiés par les emprunteurs pour réduire leur risque de liquidité.

En dépit des efforts institutionnels récents, force est de constater que le marché français manque de profondeur pour financer les 1 800 entreprises moyennes, les grandes entreprises ayant accès aisément aux marchés internationaux. La France est amenée à connaître un besoin d’investissement et de financement à long terme croissant face à des besoins accrus de financement de la reprise dès que le cycle conjoncturel s’inversera. Aussi le financement du tissu économique français doit évoluer vers un recours accru au marché financier jusqu’à une proportion qui pourrait atteindre 50 % dans un délai de 3-5 ans contre 34 % actuellement.

Ceci devra conduire les banques à développer substantiellement leurs activités d’arrangeurs, tant d’émission de billets de trésorerie et autres créances à court terme, qu’en proposant des fonds de dette et des conduits de titrisation de créances commerciales mobilisables avec éventuelles garanties par l’Etat, d’obligations «couvertes» ou gagées (covered bonds, project bonds), des placements privés obligataires du type des Schulscheine allemands, des groupements d’emprunts, des fonds monétaires, le financement participatif, une police d’assurance-crédit domestique garantie – le cas échéant – par l’Etat pour les créances d’entreprises en croissance, le développement de l’enveloppe de prêt de la Banque Européenne d’Investissement pour ne citer que l’essentiel.

Il faudra poursuivre la réforme du Code des assurances pour favoriser les financements directs de l’économie par les compagnies d’assurance en complément du récent fonds «Novo» et celui du Code monétaire et financier pour modifier l’objet des «Organismes de titrisation». Il faudra aussi en priorité accroître la rémunération après impôts – et sans garantie en capital qui serait antinomique – du risque pris par les personnes morales et physiques via une attractivité renforcée du capital investissement, les fonds Euro-croissance, un Livret bleu européen, des stock-options pour conserver les équipes en France.

Le gouvernement a demandé à la Médiation du crédit un rapport visant à mieux appréhender la situation et les évolutions des entreprises dans leur diversité, leurs modes de financement, les difficultés qu’elles peuvent rencontrer pour accéder au crédit et d’apprécier la réalité et le ressenti. Ce sera œuvre utile !

Dominique Chesneau

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