Retraites : le refus d'une réforme systématique et l'appauvrissement programmé des retraités

Publié le 27 septembre 2013 à 11h15    Mis à jour le 26 août 2014 à 10h30

Florence Legros

L’article 16 de la loi 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites prévoyait l’organisation d’une «réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse».Trois objectifs : la recherche d’une «plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires», les «conditions de mise en place d’un régime universel» et les «moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité» devaient être poursuivis. Les travaux menés par la commission pour l’avenir des retraites, qui rendra son rapport à l’automne relève logiquement de cette loi.

On aurait pu supposer que ces trois objectifs déboucheraient sur une étude approfondie de la mise en place d’un régime unique par points, dont il a souvent été dit qu’elle réglerait – évidemment – les questions de différences entre régimes mais aussi celle de l’âge de la retraite, qu’un tel régime serait plus transparent, récompensait les carrières longues et assurait une plus grande justice (par exemple, il ne pénaliserait plus les polypensionnés, autrement dit la mobilité de carrière). Or, force est de reconnaître que la transition vers un régime unique par points n’est plus abordée. Que reste-t-il ? Il reste les recettes usuelles propres à un régime par répartition par annuité, considéré – ou presque – hors des conditions économiques, dont on entend souvent pourtant qu’elles sont seules responsables des défi cits. On l’a souvent rappelé, le chômage a peu d’impact sur l’équilibre d’un régime de retraite.

Depuis 2003, néanmoins, la confusion sur l’impact du chômage est entretenue par deux facteurs : d’une part, depuis lors, il est possible de basculer des excédents de l’assurance chômage vers l’assurance vieillesse et donc de modifier l’équilibre du régime de retraite massivement ; d’autre part, le chômage, ainsi devenu une variable centrale des prévisions, est manipulé exercice de prévision après exercice de prévision, et fausse ainsi les projections à la baisse. En revanche, l’impact de la croissance économique est très fort sur l’équilibre des régimes et ceci définitivement depuis 1993 – à cause de la désindexation des pensions par rapport aux salaires. Depuis 1993, en effet, les pensions (et les 25 salaires dits «portés au compte» dont la moyenne sert à calculer la première pension) ne sont plus indexées sur le salaire moyen de l’économie mais sur les prix.

Depuis 1993, dès lors que la croissance économique s’accélère et donc la croissance des salaires, les pensions décrochent. Autrement dit, la croissance appauvrit les retraités relativement aux actifs ; encore, autrement dit, la croissance accroît les ressources du régime tandis que les dépenses en sont limitées ce qui est favorable à l’équilibre du régime de retraite. Les «recettes» qui risquent d’être préconisées par la commission relèvent ainsi de tentatives de rééquilibrage hors toute considération économique. Une augmentation des taux de cotisation, par exemple, pèsera manifestement sur le coût du travail et à terme sur les salaires nets.

Florence Legros

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