La santé : un secteur à l’aube d’une nouvelle ère

Publié le 4 janvier 2016 à 15h38

Frédéric Ponchon

Le secteur de la santé bénéficie à la fois de thématiques structurelles de long terme et de facteurs plus conjoncturels.

Sur le plan structurel, le secteur est porté par des facteurs sociodémographiques puissants qui n’ont pas vocation à s’inverser.

Dans les pays développés, le vieillissement de la population induit un nombre croissant de pathologies liées à la hausse de l’espérance de vie, et notamment une augmentation sensible des maladies chroniques à l’instar du diabète ou de l’hypertension.

Dans les pays émergents, le secteur est porté non seulement par l’explosion des classes moyennes, mais également par la mise en place de systèmes de santé. En Chine, par exemple, les réformes du système de santé introduites depuis 2009, et qui visent à accroître l’accès aux soins et à la médecine occidentale, conduisent à une accélération des dépenses de santé. Cela fait partie intégrante de la volonté de l’Etat d’orienter le modèle économique vers davantage de consommation domestique en faisant reculer l’épargne de protection des Chinois.

Sur le plan conjoncturel, nous sommes à l’aube d’une nouvelle phase de croissance caractérisée par un retour de l’innovation après une décennie 2000 un peu creuse. Ainsi, en 2014 nous avons assisté à un nombre record d’approbations de nouveaux médicaments par la FDA (Food and Drug Administration), avec 41 autorisations de commercialisation délivrées contre 26 par an en moyenne sur les dix dernières années. C’est le plus haut niveau depuis 1996. En effet, le secteur est rythmé par des «vagues» d’innovation et nous assistons aujourd’hui à l’arrivée sur le marché des premières applications commerciales du décryptage du génome humain du début des années 2000.

En parallèle, après des années de faible retour sur investissement, l’organisation même de la R&D a été repensée. Elle est aujourd’hui, pour la plupart des grands laboratoires, beaucoup plus ouverte, associant la recherche interne à des partenariats avec des universités ou de plus petits laboratoires de biotechnologie. Cette nouvelle organisation permet un renouvellement massif des pipelines tout en en «dérisquant» partiellement les investissements grâce à des prises en licence de molécules à des stades de développement déjà avancés.

Ce renouvellement des portefeuilles de produits, combiné à la fin de la vague de pertes d’exclusivité qu’a connue l’industrie début 2010, devrait entraîner une accélération de la croissance organique à moyen terme du secteur et contribuer à la poursuite de la revalorisation des multiples.

Au cours de cette période 2010-2014, où de nombreux médicaments fortement contributeurs sont tombés dans le domaine public, les laboratoires pharmaceutiques ont cherché à mieux diversifier leur profil d’activité et de résultat via des acquisitions ou des échanges d’actifs. Ils ont également considérablement optimisé leur structure de coûts, ce qui n’était pas une priorité auparavant. Le secteur s’est ainsi transformé ; il est aujourd’hui dans une situation lui permettant de générer une croissance rentable et pérenne.

Autre caractéristique attractive : la génération de cash très élevée du secteur qui lui donne une grande flexibilité pour réaliser des acquisitions (on estime le budget mobilisable par les laboratoires européens pour réaliser des acquisitions à plus de 120 milliards d’euros), verser des dividendes élevés, voire des dividendes exceptionnels, ou encore procéder à des rachats d’actions.

Le thème de la pression sur les prix des médicaments est récurrent, surtout aux Etats-Unis, d’autant plus en période de campagne présidentielle américaine. Il pourrait créer de la volatilité sur le secteur à court terme, la baisse du coût de la santé constituant un sujet de surenchère électoraliste de prédilection dans le processus de primaires démocrates. Nous ne croyons toutefois pas à un scénario trop noir pour les laboratoires pharmaceutiques, car les mesures envisagées auront probablement peu de chance de se concrétiser du fait de la difficulté politique à faire voter de telles réformes et de la force du lobbying… Si les médicaments sont la partie la plus visible des frais de santé, ils représentent seulement 10 % de la totalité des dépenses aux Etats-Unis. Il existe donc d’autres gisements d’économies plus efficaces. Par ailleurs, le secteur est en mesure d’absorber, grâce à de nouveaux efforts sur les coûts, une baisse raisonnable des prix. Mais il est absolument essentiel pour soutenir les prix que les nouveaux produits mis sur le marché offrent un progrès réellement disruptif pour l’allongement de la durée de vie des patients et leur confort.

Frédéric Ponchon

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