La trésorerie des entreprises et des ménages toujours en lieu sûr à la banque ?

Publié le 13 mai 2016 à 17h18    Mis à jour le 13 mai 2016 à 18h24

Jean-Louis Mullenbach

La crise financière de 2008 a fait tomber les masques : les banques restent fragiles et les Etats surendettés risquent de ne plus avoir les moyens de renflouer des banques systémiques dans la tourmente. En créant l’Union bancaire, dans le sillage de la crise de la zone euro, l’Europe a précisément voulu rassurer les marchés en tentant de rompre le lien pernicieux entre dettes privées et dettes souveraines. Cette Union a été conçue sur trois piliers. Le premier, une surveillance directe des 130 principales banques de la zone euro par la BCE, est construit. Le deuxième, le mécanisme de résolution unique, est entré en vigueur début 2016. Il prévoit qu’une banque en difficulté devra d’abord solliciter ses actionnaires, puis ses créanciers obligataires en fonction de leur rang de séniorité, et enfin les déposants (certes créanciers mais avec la séniorité la plus élevée) détenant plus de 100 000 euros, avant de se tourner éventuellement vers le fonds de résolution unique abondé par le secteur bancaire européen, l’Etat n’intervenant qu’en dernier ressort en cas de besoin. Mas il manque toujours le troisième pilier, le fonds européen de garantie des dépôts bancaires, susceptible de remplacer progressivement (en totalité à partir de 2024) les systèmes nationaux de garantie.

En l’absence de ce dernier pilier, auquel l’Allemagne et les Pays-Bas sont opposés, l’Union bancaire demeure inachevée. Le cercle vicieux entre crises bancaires et crise des dettes souveraines n’est toujours pas brisé, suscitant la défiance des investisseurs quant à la capacité de ce processus de gestion commune de faillites à protéger l’Europe de nouvelles crises bancaires. Dès lors, les déposants doivent-ils craindre, en cas de défaillance de leur établissement, le blocage de leurs comptes, en attendant la mise en place d’un processus de résolution ? Par rapport au «bail-out», qui faisait appel à l’argent du contribuable, le «bail-in», inscrit dans les textes européens, consiste à prendre l’argent là où il se trouve : sur les comptes en banque et les livrets d’épargne des déposants, même si ce n’est qu’en dernier ressort. Le Canada a mis en place le même type de renflouement en instaurant un régime de recapitalisation interne des banques. Les Etats-Unis s’engagent également sur une voie identique, après le récent abandon par la Fed de son mandat de prêteur en dernier ressort du secteur bancaire. Si une banque fait faillite, elle a donc désormais le droit de se renflouer en puisant dans les comptes de sa clientèle d’entreprises et de particuliers, que ce soit en Europe, et bientôt dans la totalité des pays développés.

En France, l’arrêté du 16 novembre 2015 précise la réalité du système de garantie des dépôts, ainsi que les conditions et limites de l’indemnisation applicable depuis le 1er janvier 2016 :

- le montant garanti, tous soldes créditeurs confondus (comptes chèques, de dépôt, sur livret, PEL, PEA, espèces), dans un même établissement (répartir le risque entre plusieurs banques !) est de 100 000 euros (doublé pour un compte joint), montant porté à 500 000 euros pour des dépôts exceptionnels et temporaires (l’augmentation de plafond ne dure que trois mois après le crédit exceptionnel du compte),

- ce plafond, spécifique aux dépôts, ne concerne ni les titres financiers, ni les assurances- vie, qui font l’objet d’autres mécanismes de couverture, étant précisé que les livrets réglementes (A et LDD) sont directement garantis par l’Etat et ne concourent pas au plafond de garantie,

- autant ce plafond est relativement généreux pour un particulier, autant il est très faible pour une entreprise et risque de conduire celle-ci à la cessation des paiements, sans compter les salariés susceptibles d’être touchés, à concurrence de leurs prochains salaires encore en trésorerie sur le compte bancaire de leur employeur, et au-delà en cas de perte de leur emploi,

- l’encours des emprunts à rembourser par les déposants auprès de leurs banques ne vient pas en déduction des dépôts. Seuls sont pris en compte, pour le calcul du plafond de garantie, les soldes créditeurs des comptes à vue. Les entreprises et les ménages, déjà privés de leurs dépôts au-delà de 100 000 euros, resteront donc redevables de la totalité de leurs comptes courants bancaires débiteurs.

Faut-il enfin avoir une foi absolue dans le montant du plafond de garantie ? En l’absence d’un fonds européen de garantie des dépôts suffisamment dimensionné, les fonds de garantie nationaux sont loin d’être à la hauteur d’une faillite d’un établissement important. Heureusement, il existe de nombreux airbags avant de rogner les dépôts, et on peut imaginer que, dans l’hypothèse où tous ces beaux dispositifs s’avéreraient insuffisants, l’Etat aurait à cœur de respecter sa garantie de 100 000 euros.

Jean-Louis Mullenbach Membre / président du comité éditorial ,  DFCG, Vox-Fi

Jean-Louis Mullenbach est membre de la DFCG et co-président du comité éditorial de Vox-Fi

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