Le capex de croissance et l’ESG, priorités absolues du directeur financier post-Covid

Publié le 14 mai 2021 à 18h26

Jean-Louis Mullenbach

Nous entrons dans un monde plus écologique, plus numérique et plus qualifié, avec une bataille à venir de compétences, de formations et de talents qui va devenir déterminante. Dans le monde de demain, il faudra savoir prendre des risques, et donc être capable de financer des innovations technologiques dans les domaines stratégiques, en combinant des offres existantes avec des offres nouvelles. La crise sanitaire a montré la nécessité, pour les entreprises européennes, de se doter d’une capacité d’adaptation face à des événements inattendus et d’une capacité d’action stratégique sur la gouvernance, les questions environnementales et sociales, le numérique et la robotique.

Quand le monde change, il est vital de ne pas se laisser distancer, de travailler sur la croissance potentielle et de donner confiance aux marchés. Une grande entreprise, même bien portante dans son secteur, est condamnée à lutter contre de potentiels nouveaux entrants dans son secteur, et à développer une culture de décarbonation de son métier et d’innovation technologique, commerciale et financière. La crise est un accélérateur de tendances qui avantage ceux qui sauront bouger et innover.

Dans ce contexte, les entreprises vont être confrontées à une immense transformation d’allocation du capital. La finance innovante va devoir changer et devenir durable. Les investisseurs vont moins s’intéresser aux performances financières passées et davantage aux investissements de croissance (notamment les opérations d’acquisitions) et à la réduction des externalités créées par les activités des entreprises (qu’elles finiront bien par payer).

Le directeur financier doit impérativement se projeter et ne pas être seulement le garant de la bonne gestion administrative et financière de l’entreprise. Au-delà des problématiques actuelles et futures de la cybersécurité, de la coordination des services dont il a la charge, de la vérification du respect des procédures internes et de la réglementation comptable et financière, il lui revient de contrôler la bonne exécution de la stratégie définie par le conseil d’administration. Il va probablement participer de plus en plus au choix de cette stratégie, à sa mise en œuvre et à la communication extra-financière de l’entreprise.

Une telle remise en cause suppose de casser les silos pour favoriser l’émergence de stratégies collectives au sein des équipes et implique une organisation agile permettant de tester en permanence et de promouvoir des projets innovants. C’est pour le directeur financier l’opportunité d’accélérer sa légitimité et de jouer un rôle de sponsor et de conduite du changement à l’intérieur de l’entreprise, mais aussi de répondre aux demandes pressantes du comité d’audit, du conseil d’administration, des analystes et des investisseurs.

Autant dire que le directeur financier va devoir prendre les devants sur la communication comptable et financière, mais surtout sur l’information extra-financière, appelée à se développer. Les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) vont prendre de plus en plus d’importance non seulement pour les marchés, mais aussi pour les banques centrales, acheteuses de titres de sociétés cotées dans le cadre de leur politique de QE, les établissements bancaires et les compagnies d’assurances dans le cadre des titres qu’elles prennent en collatéral. Il sera de plus en plus demandé aux grandes entreprises de travailler sur des scénarios d’évolution climatique, sur lesquelles les banques centrales et les établissements financiers commencent déjà à phosphorer (cf. les travaux actuels de la Banque de France).

Les directeurs financiers sont particulièrement concernés par ces disruptions et ces attentes. Il leur faudra auparavant se concentrer sur le capex de croissance face à de tels défis, et donc sur les investissements intangibles et également les opérations de fusions-acquisitions, qui seront demain un élément clé de la pérennité et de la valeur de marché de leur entreprise. 

Jean-Louis Mullenbach Membre / président du comité éditorial ,  DFCG, Vox-Fi

Jean-Louis Mullenbach est membre de la DFCG et co-président du comité éditorial de Vox-Fi

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