L'analyse de Johann Plé, responsable de la stratégie obligations vertes, AXA IM

Pourquoi l’élection de Joe Biden transformerait le marché des obligations vertes ?

Publié le 29 octobre 2020 à 11h12

Johann Plé

La dynamique de croissance du marché des obligations vertes aux Etats-Unis s'intensifiera dans tous les cas de figure, même si cette dernière serait davantage stimulée par une victoire démocrate.

En juillet dernier, Joe Biden a annoncé son intention d’investir 2 000 milliards de dollars pour développer l’utilisation des énergies renouvelables au cours de son mandat.

Cet engagement, parallèlement à sa promesse de réintégrer l'Accord de Paris dès le 1er jour de sa présidence, devraient avoir un effet sismique sur le marché des obligations vertes conduisant à un rééquilibrage entre les marchés américains et européens.

Cela pourrait également constituer la dernière étape de la consolidation de ce marché en tant qu'alternative crédible à celui des obligations traditionnelles dans le monde.

Le déploiement des 2 000 milliards de dollars d’investissements pourrait très probablement prendre la forme d’émissions d’obligations vertes, c’est notamment le cas du plan de relance de l'Union Européenne de 750 milliards d’euros, dont 30% devrait être émis via des obligations vertes.

Aujourd’hui, les obligations vertes émises en dollar ne représentent plus que 23% du marché des obligations vertes, contre près de 33% fin 2017. Avec 70 milliards de dollars de capitalisation, les obligations corporate IG vertes émises en dollars demeurent une partie infime du marché du crédit IG américain, quand leurs homologues émises en Euro ont connu une croissance exponentielle pour peser plus de 140 milliards de dollars et représenter plus de 5% du marché du crédit IG européen aujourd’hui.

Alors pourquoi le marché américain est-il si loin derrière son homologue Européen ?

La première raison tient au fait que les Etats-Unis n’ont jamais été moteurs sur les problématiques de changement climatique.

Cela a contribué à certain désintérêt pour les obligations vertes, à la fois de la part des émetteurs mais aussi des investisseurs. De plus, les coûts supplémentaires associés à l'émission d'une obligation verte (lié à la création d’un cadre d’émission, d’un comité de sélection de projets ou encore la production de reporting supplémentaires par exemple) expliquent qu’il y ait si peu de d’émetteurs américains arrivant sur le marché.

Un changement commence à s’opérer

Les catastrophes climatiques de grande envergure sont de plus en plus fréquentes et au-delà de leur impact humain, leur impact économique ne peut plus être ignoré.

On observe ainsi un changement de discours de la part des politiques reflétant une prise de conscience collective et globale.

Ainsi, la prise en compte de critères extra-financiers et des problématiques environnementales émerge au-delà du continent européen chez les investisseurs américains. Parallèlement, la nécessité d’intégrer le risque lié au changement climatique amène donc les entreprises à revoir leur stratégie et s’intéresser aux marchés des obligations vertes.

De grandes entreprises américaines sont arrivées pour la première fois sur le marché et d’autres suivront, afin de démontrer leur engagement en faveur d'une transition plus verte, mais aussi capter l'intérêt des investisseurs de tous horizons.

Dans ce contexte, le marché américain tente de garder le rythme d’émission d’obligations vertes du marché européen, mais peine à tenir la cadence.

Une victoire de Joe Biden pourrait renverser la vapeur, et permettre un rééquilibrage entre les deux devises. En effet, le seul marché du crédit américain Investment Grade est près de 2,5 fois plus grand que son équivalent européen, et représente donc un potentiel de croissance colossal.

Une élection de Donald Trump viendrait toutefois nuancer cet enthousiasme puisqu’il continuerait de privilégier les investissements dans les énergies fossiles. Mais cela ne ferait que retarder l’inévitable, car alors que les catastrophes naturelles sont de plus en plus violentes et fréquentes, chaque entreprise et Etat va devoir s’adapter et investir.

La dynamique de croissance du marché des obligations vertes aux Etats-Unis devait donc s’intensifier dans tous les cas, même si cette dernière serait davantage stimulée par une victoire démocrate.

Johann Plé

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