Comment réduire la dépendance de nos PME au crédit bancaire ?

Publié le 5 juillet 2019 à 18h01

Ludovic Subran

Les PME sont le ciment économique de l’Union européenne. Elles représentent 99 % du total des entreprises non financières implantées en zone euro, génèrent 60 % de la valeur ajoutée brute totale produite dans la région, et emploient plus de 90 millions de personnes. Elles sont essentielles à l’économie européenne et à sa stabilité.

Mais pour grandir, prendre de l’ampleur sur la scène internationale et continuer de soutenir l’économie régionale, les PME ont besoin de financement. Ces entreprises de taille modérée n’ont en effet souvent pas les capacités de s’autofinancer entièrement, et doivent passer par un financeur externe pour poursuivre leur croissance. Lequel ? Les banques, bien entendu. En espérant que ces dernières acceptent de coopérer…

Heureux constat : c’est de plus en plus le cas ! En zone euro, l’accès au financement des PME s’est amélioré ces dernières années. Le déficit de financement bancaire des PME[1] a diminué dans la région, passant de 6 % du PIB en 2015 à 3 % en 2019. Il se rapproche même fortement du niveau constaté aux Etats-Unis (2 % du PIB en 2019). La BCE et sa politique monétaire accommodante n’y sont pas étrangères, bien au contraire. Bonne nouvelle ?

Périlleuse dépendance

En un sens, oui. Les entreprises européennes ont besoin de fonds pour croître, et les banques leur apportent ce soutien. Mais la piqûre bancaire n’a pas que des avantages. Avec cet accès privilégié au crédit bancaire, les PME européennes en sont devenues fortement dépendantes. La preuve : les prêts bancaires représentent environ 70 % du financement des PME en Europe. A titre de comparaison, ce chiffre atteint seulement 40 % aux Etats-Unis. Que se passera-t-il quand les banques européennes décideront de fermer les robinets ?

Ce scénario n’a rien d’improbable à moyen terme. Avec la finalisation des accords de Bâle III et la mise en place de ceux de Bâle IV, le nouveau cadre réglementaire imposé aux établissements bancaires européens sera plus strict et contraignant. Par exemple, Bâle III va accroître les exigences minimales de fonds propres des banques de 8 % à 10,5 %. Celles-ci pourraient alors se montrer plus sélectives et modérées dans leur politique d’octroi de crédits… au grand dam des entreprises.

Pour les PME, les modalités d’accès au financement devraient rapidement se durcir, et le coût du financement s’alourdir. Selon nos estimations, pour les PME européennes les moins solvables (notation en dessous de B), le coût du financement augmentera de plus de 100 points de base d’ici 2022. Une charge difficile à assumer pour des entreprises dont la trésorerie est déjà fragile. D’où l’urgence de trouver de nouvelles sources de financement, plus flexibles et moins coûteuses.

Le financement direct comme alternative ?

Face à cette situation, l’heure de la désintermédiation du financement en zone euro est peut-être arrivée ! Il faut donner l’opportunité aux entreprises de trouver des sources de financement alternatives, sans qu’elles aient à passer systématiquement par un établissement bancaire. C’est le meilleur moyen de réduire cette dépendance croissante, et de limiter le risque de faillites de PME.

Pourquoi ne pas explorer la piste du financement direct par des investisseurs privés et institutionnels ? Les fonds d’investissement peuvent être un complément idéal au financement des PME européennes, et ils gagnent en crédibilité. Moins contraints par la législation que le financement bancaire, ces derniers disposent d’importantes capacités et séduisent de plus en plus d’entreprises désireuses de se développer. Après avoir atteint le seuil de 100 milliards d’euros pour la première fois en 2016, le volume cumulé des fonds d’investissement a atteint un niveau record de 165,6 milliards d’euros en 2017.

L’épargne des ménages pourrait aussi contribuer au financement des PME européennes. En zone euro, le taux d’épargne des ménages atteint 12,1 %, soit 860 milliards d’euros de capital disponible chaque année. Aujourd’hui, 30 % de ce montant est investi par les ménages en valeurs mobilières. Nous estimons que, si un quart de ces 30 % était redirigé vers des fonds qui investissent dans les PME, cela libérerait 65 milliards d’euros [ ?? 64,5 milliards ?? ou alors : libérerait quelque 65 milliards d’euros ??] de financement par an pour les PME.

Les solutions existent pour sortir les PME européennes de la dépendance bancaire. Il faut maintenant les accompagner vers ces voies alternatives, encore inhabituelles dans notre esprit européen, mais tout aussi efficaces que nos modes de financement traditionnels.

[1]. Le déficit potentiel de financement bancaire des PME mesure la différence entre les besoins de financement bancaire des PME et l’offre de crédits bancaires.

Ludovic Subran

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