Les risques de la reprise

Publié le 1 septembre 2017 à 15h13

Ludovic Subran

En 2017, l’économie mondiale reprend des couleurs : la croissance en zone euro comme aux Etats-Unis devrait atteindre + 2 %, l’économie chinoise sera résiliente (+ 6,7 %) et les émergents, comme le Brésil et la Russie, sortiront de l’ornière (respectivement + 0,6 % et + 1,3 %). Le commerce mondial repart sur les chapeaux de roue et devrait même contribuer pour un demi-point à la croissance mondiale (+ 3 %).

Pourtant, les risques persistent. Au niveau macroéconomique, la perfusion de liquidité cache la volatilité et les risques, notamment politiques, la dette continue d’augmenter pour les ménages et les entreprises du monde émergent, et les politiques publiques sont à bout de souffle. Ce rebond de croissance est le bienvenu, il donne du baume au cœur. Mais dix ans après la crise des subprimes, la peur qu’un grain de sable ne vienne se loger dans les rouages de la reprise est toujours là. Un peu de protectionnisme, une politique publique mal calibrée ou une correction sur les marchés financiers pourraient en effet calmer les ardeurs.

Au niveau microéconomique, les effets de la reprise sont déjà là. Les entreprises se font davantage confiance, les carnets de commandes se remplissent, on demande à ses fournisseurs une semaine de plus pour payer, on tire sur le besoin en fonds de roulement et on espère que cela passe. Pourtant, parfois, ça casse – notamment quand les vulnérabilités (endettement, profitabilité) n’ont pas été résolues avant cette reprise. On pense aux secteurs très cycliques comme la construction ou la distribution.. Certes, lorsque la reprise s’enclenche vraiment, les défaillances d’entreprises ont tendance à suivre. Ainsi, la construction explique 44 % des - 13 % de baisse dans les défaillances en France entre avril 2015 et juin 2017. Ce faisant, la reprise économique suscite un accroissement de la confiance, qui elle-même tire fréquemment l’élastique des délais de paiement.

Le comportement de paiement des entreprises s’est tendu l’année dernière. Les entreprises dans le monde entier ont dû en moyenne attendre 64 jours pour être payées en 2016, alors qu’une sur quatre était payée après 88 jours, et une sur dix après 120 jours. En 2017, le délai de paiement moyen se maintiendra au même niveau. C’est en Chine que la situation est la plus préoccupante : les délais de paiement y ont atteint en 2016 un plus haut historique en l’espace de neuf ans (89 jours). En Europe occidentale, la situation s’est légèrement dégradée aussi (+ 1 jour, à 61 jours). Les entreprises des secteurs industriels amont (aéronautique, biens d’équipement, chimie, BTP ou encore TIC) doivent jouer le tout pour le tout pour saisir leur part du gâteau de la reprise, quitte à compromettre le financement de leur BFR.

Fort heureusement, les sociétés non financières sont assises sur un magot équivalent à 6 000 milliards d’euros de liquidités inscrites à leur bilan, soit 10 % du PIB mondial. Le secteur de la technologie reste la machine à cash la plus performante. Les géants que sont Apple, Microsoft, Alphabet, Cisco et Oracle ont accumulé 480 milliards d’euros de trésorerie à eux cinq à fin 2016. C’est plus que les réserves de trésorerie cumulées des sociétés non financières allemandes et britanniques. On peut voir ce matelas de cash comme un plus, en cas de coup dur, ou comme un moins : des perspectives de rendements trop faibles et donc un investissement qui ne se fait pas et qui finit par altérer le potentiel de l’économie globale à croître.

Au final, après les baisses spectaculaires du nombre de faillites entre 2014 et 2016, celles-ci ne devraient se contracter que de - 1 % cette année, et croître de + 1 % en 2018. La Chine (+ 10%), le Brésil (+ 13%) et le Royaume-Uni (+ 5%) semblent particulièrement exposés. Plus inquiétant, les défaillances de grandes entreprises – sociétés affichant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros – ont enregistré une forte progression lors du premier trimestre. Elles sont 74 à être entrées en faillite, soit 30 de plus que l’an dernier à la même époque. L’Europe est la région la plus touchée, concentrant plus d’un tiers de ces défaillances. Un effet domino n’est pas à exclure : les plus petits fournisseurs seront affectés par les difficultés des grands acheteurs, et les incidents de paiements pourraient repartir à la hausse.

Tout le monde mise sur ce coups de fouet économique. En France, il arrive après cinq années difficiles et s’accompagne d’un regain de confiance pour l’euro et pour l’Europe. Certes, les hésitations sont nombreuses sur le contre-choc fiscal, la rigueur budgétaire ou la séquence des réformes structurelles mais le paquet de mesures économiques va dans le bon sens. Fortes de leurs efforts, les entreprises françaises sont aujourd’hui bien placées pour profiter de l’accélération de croissance. Il y aura des remous et des mauvaises surprises, mais ça, elles en ont l’habitude et il suffit de s’y préparer. C’est toujours mieux que le purgatoire économique dans lequel elles étaient durant les cinq dernières années.

Ludovic Subran

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