Des obligations bien protégées

Publié le 28 septembre 2017 à 10h38

Marc Olivier

Dans la quête de plus en plus difficile de rendements « sûrs », le marché européen des obligations sécurisées représente aujourd’hui une alternative crédible aux emprunts d’Etat. Coup de projecteur sur une stratégie pertinente, hors des sentiers battus.

De nombreux investisseurs institutionnels européens sont contraints par leurs réglementations à ne pouvoir investir que dans des actifs très sûrs, ce qui les amène à favoriser les obligations d’État traditionnelles. L’histoire de ces 20 dernières années nous montre que cette approche s’est révélée particulièrement payante, puisque les emprunts d’État européens étaient jusqu’alors assortis de rendements à long terme positifs. Mais le contexte a sensiblement évolué ces dernières années : les rendements sont désormais extrêmement faibles, voire négatifs.

Les interventions régulières de la BCE, y compris le recours à des achats d’obligations d’entreprise via son programme d’assouplissement quantitatif, ont fortement pesé sur les rendements obligataires. Les investisseurs sont donc obligés de s'aventurer sur des maturités de plus en plus longues pour capter des rendements positifs, d’où l'aplatissement des courbes de taux européens ces dernières années. Parallèlement, le regain d’appétit pour le risque chez les investisseurs a entraîné une contraction des primes de risque. Par conséquent, il est devenu de plus en plus difficile d’identifier des opportunités attractives en termes de rendement/risque. Dans le contexte actuel, il n'existe qu'un tout petit nombre de solutions sûres et suffisamment rémunératrices.

Une double protection

Les obligations sécurisées européennes constituent aujourd'hui une de ces rares solutions. Fortes d’un marché de 2.500 milliards d'euros d’encours, ces obligations émises par des banques ou par des établissements de crédit hypothécaire sont adossées à un panier de sûretés ou collatéral. Les porteurs d’obligations sécurisées bénéficient d'une double protection. La première est au niveau de l’émetteur. En cas d’insolvabilité, l'investisseur devient un créancier privilégié sur les actifs de la banque. La seconde est un accès privilégié au panier de sûretés adossé à l’obligation. Les flux de trésorerie dégagés par ce dernier et les actifs collatéraux garantissent le remboursement de l'obligation sécurisée.

C'est ainsi que même en cas d'insolvabilité de l’émetteur, le porteur est assuré du paiement des coupons comme du principal. L’an dernier, l’accord trouvé entre Novo Banco et ses créanciers illustre parfaitement ce niveau de protection très élevé : les porteurs d’obligations sécurisées de la banque portugaise ont été remboursés intégralement et rapidement, ce qui n’a pas été le cas des porteurs d’obligations senior. Les récentes évolutions réglementaires au sein de l’Union européenne ont encore renforcé le traitement privilégié des obligations sécurisées, puisqu'elles sont désormais couvertes par les réglementations des

banques et des assurances. Elles sont donc aussi sûres que les obligations d'État, si bien que les investisseurs peuvent les substituer aux titres de dette souveraine.

Privilégier la gestion active

Bien que les obligations sécurisées disposent de caractéristiques particulièrement intéressantes, leur gestion requiert une expertise et des connaissances approfondies pour dénouer les complexités d'un marché qui reste inefficient. Les obligations sécurisées européennes sont perçues comme une classe d'actifs sûre, mais plutôt « ennuyeuse » et c’est probablement ce qui pousse les investisseurs à y investir de manière passive : soit ils achètent des obligations et les conservent jusqu'à leur échéance, soit ils investissent dans un fonds indiciel. Cette approche est sous-optimale, puisque les investisseurs percevront au mieux le rendement de l’indice, minoré des frais de gestion.

Une gestion active est préférable pour générer des rendements pérennes, car le marché est inefficient à bien des égards. Il est donc essentiel d'analyser les émetteurs arrivant sur le marché et de comprendre leur modèle économique. Chaque émetteur opère avec une stratégie de financement différente, certains sont plus enclins que d'autres à monnayer leur accès au marché et par conséquent, à proposer des titres affichant des primes de risque plus attractives. Une approche discriminante des émetteurs et des émissions s’impose. De plus, bien que le marché européen des obligations sécurisées soit considéré comme extrêmement sûr, les spreads de crédit fluctuent en permanence. Ces variations sont souvent liées à des facteurs propres aux pays ou aux émetteurs. Seule une gestion active permet d'exploiter ces opportunités. Alors que l'espoir de trouver des rendements « sûrs » mais suffisamment rémunérateurs s’amenuise, les obligations sécurisées apparaissent aujourd'hui comme une des rares alternatives crédibles aux obligations d’État !

 

Marc Olivier

Du même auteur

Chargement en cours...