Comment a évolué l’environnement de l’industrie de la gestion d’actifs

Publié le 21 octobre 2016 à 18h00

Marc Renaud

Collecte et performance en berne, concurrence féroce renforcée par le poids croissant de ETF, hausse des coûts induisant baisse de rentabilité et moins de créations de sociétés de gestion, l’environnement a changé pour cette industrie dont la France s’est fait une spécialité.

Le monde est bien sûr fait de paradoxes : les besoins de rendement sont en effet aujourd’hui criants, alors que l’environnement est celui d’un monde où les placements «sans risques» ne rapportent plus rien. Pour autant, plus personne ne veut prendre de risque en matière de placements. Les sociétés de gestion indépendantes étant historiquement spécialisées dans des classes d’actifs plus risquées, comme les actions («laissant» le monétaire aux grandes institutions), elles sont donc à la peine et la collecte s’essouffle.

L’environnement s’est en effet considérablement durci pour l’industrie de la gestion d’actifs. La concurrence était en effet déjà forte avec, il faut s’en souvenir, l’agrément donné par l’Autorité des marchés financiers à près d’une petite cinquantaine de sociétés de gestion en création tous les ans jusqu’à il y a peu. Mais celle-ci s’est trouvée encore considérablement renforcée par l’arrivée des ETF (trackers) qui depuis quelques années gagnent régulièrement de fortes parts de marché. L’existence depuis maintenant quelques années de marchés heurtés, voir violents, a rendu l’objectif de réalisation de bonnes performances difficile, au moins dans la durée et plus encore dans leur régularité. Beaucoup d’investisseurs dits «longs», caisses de retraite ou compagnies d’assurances, voient leurs horizons d’investissement se réduire du fait d’une baisse de leurs horizons d’investissement. Quand ce n’est pas le cas, la réglementation les empêche d’investir dans des actifs perçus ou définis comme à risque. Le coût de la réglementation, qui s’exprime en coûts humains et logistiques, ainsi que la nécessaire amélioration des pratiques conduisent, comme la concurrence exacerbée, à une érosion des marges. Les «points morts», niveau minimum d’actif sous gestion nécessaire à la capacité pour une société de gestion à être rentable, augmentent. Couplé à la difficulté croissante de trouver des actifs pour lancer des fonds («seed money»), ce phénomène conduit à voir le nombre de créations de sociétés de gestion diminuer.

Comme cela est souvent le cas dans tous les secteurs, un ralentissement de la croissance couplée à une baisse de rentabilité conduit ou devrait conduire à une phase de concentration. Ce n’est ici pas si évident. Nous parlons là en effet d’une industrie ou l’actif est un actif humain, ce qui rend bien sûr les opérations de croissance extrêmement compliquées. Un choc culturel consécutif à une absorption d’un petit par un grand ou par une alliance entre deux «petits» est un risque réel et potentiellement mortel ou a minima destructeur de valeur. Cela d’autant plus que les sociétés de gestion ayant en grande partie les mêmes clients, un plus un ne font très souvent pas deux…

Plus que jamais, innovation et/ou performances sur la durée deviennent indispensables. L’un comme l’autre ne sont ni faciles à réaliser, ni surtout possibles à décréter !

Nous faisons toujours un beau métier, dont la France s’est fait une spécialité reconnue (y compris par nos amis britanniques…). Ce métier n’a jamais été facile mais, pour toutes les raisons invoquées ci-dessus, il l’est de moins en moins, exigeant toujours plus de rigueur, plus de moyens, et cela sans brider l’expression des talents. 

Marc Renaud

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