L’Eonia est (bientôt) mort… vive l’Ester !

Publié le 2 octobre 2019 à 15h41

Mathilde Lacoste

L’univers de la gestion monétaire s’apprête à vivre une petite révolution avec le remplacement programmé de l’indice Eonia. Jusqu’ici référence de calcul du taux « sans risque », l’Eonia sera remplacé par l’Ester (ou €STR) *. Cette réforme qui s’étend sur une période transi-toire jusqu’au 3 janvier 2022, date de l’abandon de l’Eonia, a été pensée pour pallier les défi-ciences méthodologiques de ce dernier.

Pourquoi l’Eonia, en vigueur depuis 20 ans, n’est-il plus conforme ?

Les symptômes sont multiples. Le fameux scandale des manipulations sur le Libor en 2012 où des banques avaient empêché ce taux de trop monter pour masquer leur illiquidité et ne pas éveiller les soupçons sur leur vulnérabilité en déclarant des taux inférieurs à la réalité, a fait émerger des dysfonctionnements quant à la méthodologie de l’indice. Alors que la crise de 2008 et les injections de liquidités des banques centrales ont participé à la baisse des opérations interbancaires avec la diminution structurelle des opérations non garanties, ses faiblesses se sont révélées : pas de transparence, nombre trop réduit de contributeurs, concentration géographique et enfin faible volume de transactions éligibles.

En quête de fiabilité

L’enjeu est donc de donner naissance à un indice plus robuste et plus fiable, qui représente mieux la réalité économique.

Son objectif est aussi de faciliter liquidité et profondeur de marché et d’assurer la continuité de la publication même en cas de tensions sur le marché interbancaire. L’Ester sera calculé par la BCE quotidiennement et publié à J+1 (à 8 heures du matin) quand l’Eonia est calculé et publié pour le jour en cours. Le nouvel indice se distinguera aussi de son prédécesseur par son panel de banques potentiellement contributrices. Il est élargi à 52 membres (contre 28), avec une diversification géographique, puisqu’en moyenne 31 banques de 10 pays contribueront chaque jour (contre 12 banques issues de 6 pays actuellement). Enfin, le calcul des contributions sera considéré par transaction et non plus par banque.       

Techniquement, le calcul de l’Ester sera construit sur le classement des transactions du taux le plus bas au taux le plus haut, l’agrégation des transactions au même niveau de taux, le retrait des 25% des volumes les plus élevés et les plus faibles, enfin, le calcul du taux pondéré par leur volume sur les 50% restants. Et si jamais moins de 20 banques ont contribué, ou si 5 banques comptent à elles seules pour 75% ou plus du volume total, une mesure d’urgence sera activée. La BCE procèderait à un calcul hybride combinant la méthode classique et le taux de la veille, afin de limiter tout risque de liquidité.

 

Défi d’adaptation pour les gestions monétaires

Pour les gérants de portefeuille et les investisseurs, la période de transition durant laquelle les deux indices cohabiteront n’est pas si simple à appréhender. L’Eonia sera publié dans sa forme actuelle pour la dernière fois le 30 septembre prochain. Entre le 2 octobre 2019 et le 3 janvier 2022, les deux indices seront publiés selon la méthodologie de l’Ester. L’Eonia sera alors indexé au cours de l’Ester +8,5 points de base.

Des dispositions seront nécessaires pour planifier le passage d’un référentiel à un autre et l’adaptation juridique, infrastructurelle, en termes de gestion de portefeuille et de communication auprès des parties prenantes, qu’un tel changement requiert. Il semble ainsi utile de commencer à inventorier toutes les positions en portefeuille faisant référence directement ou indirectement (rémunération du collatéral) à l’Eonia. Il convient aussi de vérifier la compatibilité des systèmes IT utilisés en alignant les process à l’heure de publication de l’Ester (révision des batchs informatiques). Par ailleurs, il faut identifier les documents d’information destinés aux investisseurs, qui nécessiteront une mise à jour. A ce titre, une modification des prospectus des fonds sera nécessaire notamment s’il y est explicitement fait mention de l’heure de publication de l’Eonia dans sa forme actuelle. Enfin, il faudra aussi adapter les délais de règlement selon le type de transaction. Les opérations avec compensation étant les plus sensibles à une publication de l’indice en J+1, les opérations sur produits dérivés, appels de marge et dépôts, notamment, impliqueront potentiellement un décalage de date de règlement.

Plus globalement, une évaluation transversale de l’ensemble des risques et opportunités, opérationnels et commerciaux, relatifs au changement d’indice s’impose d’ores et déjà !

 *Eonia : Euro OverNight Index Average. Ester : Euro Short Term Rate

Mathilde Lacoste

Chargement en cours...