BCE : la fin annoncée du QE

Publié le 20 octobre 2017 à 17h09    Mis à jour le 23 octobre 2017 à 9h56

Michel Martinez

La BCE devrait réduire de moitié son programme d’achat de titres obligataires (QE) jeudi 26 octobre, à compter de janvier 2018. Cela suggère que ce programme se terminera en 2018, ouvrant ainsi la porte à la sortie de la politique de taux directeurs négatifs en 2019. Cela vient du fait que l’économie de la zone euro se porte mieux, que les excès de capacité se réduisent, y compris sur le marché du travail, que les risques associés à une remontée des taux d’intérêt ou à une forte appréciation de l’euro sont perçus comme modérés. Cela conforte la Banque centrale dans l’idée que l’inflation reviendra à des niveaux proches de 2 % en 2020.

Lors de la prochaine réunion de politique monétaire, nous nous attendons à ce que la BCE annonce une réduction du programme d’achat d’actifs (APP) de 60 milliards d’euros par mois à 25 milliards d’euros, à partir de janvier 2018, et ce pour une période d’au moins neuf mois (septembre 2018). Si elle est avérée, une telle réduction de sa politique d’achat de titres obligataires, de plus de la moitié, suggérerait qu’à partir d’octobre 2018, la BCE en aurait fini avec cette perfusion monétaire qui vise à maintenir les taux d’intérêt à long terme à de bas niveaux. Comme d’habitude, le président Draghi devrait garder un biais «baissier», indiquant que la Banque centrale restera prête à en faire plus, si nécessaire, notamment si les perspectives économiques devaient se dégrader. En ce qui concerne le deuxième outil de perfusion monétaire, à savoir les taux d’intérêt à court terme négatifs, la BCE devrait réitérer que les taux directeurs resteront aux niveaux actuels (ou inférieurs) «bien longtemps après» la fin de son programme d’achat. Dans notre esprit, cela suggère que la première remontée du taux de dépôt, aujourd’hui à - 0,40 %, aurait lieu six mois après la fin du QE, à savoir en mars 2019 (probablement relevé à - 0,20 %) ouvrant ainsi la voie à la fin de la politique de taux négatif au printemps-été 2019.

En septembre, le Président Draghi s’est dit «confiant» sur les perspectives économiques et il ne fait guère de doute que son jugement n’a pas changé depuis. Les indicateurs d’activité sont tous au vert en zone euro. La confiance des chefs d’entreprise et des consommateurs est proche des plus hauts historiques. La croissance se tient sur des rythmes de 2-2,5 % l’an, soit très supérieurs à la croissance tendancielle, de l’ordre de 1,2 %. Il n’est donc pas étonnant que le chômage, proche de 12 % il y a deux ans, soit descendu à 9,2 % récemment. C’est encore élevé mais la tendance actuelle suggère que ce taux passera en 2018 en deçà du taux de chômage dit «structurel» (probablement de l’ordre de 8,5 % en zone euro). A cet égard, la BCE ne manquera probablement pas de souligner dans les prochaines semaines le fait que les pressions salariales commencent à apparaître en Allemagne, où le taux de chômage est descendu en deçà de 5,0 %.

L’inflation, à 1,5 % en septembre, devrait ralentir à 1,0 % en début d’année 2018 en raison d’effets de base sur les prix de l’énergie et de l’alimentation. On sera donc encore loin de l’objectif de 2,0 % d’inflation. Il est toutefois fort probable que les prévisions que la BCE publiera en décembre montreront la confiance de la BCE dans le retour de l’inflation et feront apparaître une projection proche de 2,0 % en 2020.

Les fuites orchestrées dans la presse depuis plusieurs semaines suggèrent que la BCE aura hésité entre deux scénarios : une prolongation sur une période de temps relativement courte (six mois) mais avec des achats réduits faiblement (de 60 à 40 Mds par mois) ; ou une présence plus longue sur les marchés (neuf mois) en dépensant moins (25 Mds). Ces deux scénarios ont en commun qu’ils débouchent sur une augmentation similaire de la taille du bilan de la BCE (225-240 Mds EUR). En effet, dans l’esprit de la BCE, ce qui pèse le plus sur la courbe des taux d’intérêt et peut prévenir une remontée rapide des taux d’intérêt ou une appréciation forte de l’euro, c’est le signal envoyé au marché concernant le stock d’obligations que la BCE entend détenir à terme et non les flux mensuels de ses achats.

Nous partageons un tel point de vue et anticipons que les taux d’intérêt à 10 ans remonteront d’environ 20pb d’ici la fin de l’année et d’environ 60pb d’ici un an. Cette remontée des taux longs ne résulterait pas uniquement du changement impulsé par la BCE, mais aussi de ce qui se passera outre-Atlantique où nous voyons la Fed relever ses taux directeurs une fois en décembre et trois fois en 2018. Dans la zone euro, il faudra toutefois surveiller les rendements obligataires dans la périphérie, car la réduction du QE pourrait accroître la vulnérabilité de certains pays à un plus faible engagement de la BCE sur les marchés de dette d’Etat.

Michel Martinez Chef économiste Europe ,  Société Générale Corporate & Investment Banking

Michel Martinez est chef économiste Europe, Société Générale Corporate & Investment Banking

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