Communication financière et médias sociaux

Publié le 10 février 2020 à 10h59    Mis à jour le 10 février 2020 à 16h31

Pascal Dumontier

Les médias sociaux sont devenus essentiels à la communication financière. Les entreprises du CAC 40 ont presque systématiquement un compte Twitter et utilisent par ailleurs fréquemment LinkedIn, Facebook ou Instagram.

Les médias sociaux sont devenus essentiels à la communication financière. Les entreprises du CAC 40 ont presque systématiquement un compte Twitter et utilisent par ailleurs fréquemment LinkedIn, Facebook ou Instagram. L’utilisation des médias sociaux permet-elle un meilleur fonctionnement des marchés financiers en réduisant l’asymétrie d’information et accroissant la liquidité des titres ? Les entreprises gèrent-elles leur communication sur les médias sociaux de manière opportuniste ?

Les médias sociaux permettent aux entreprises de communiquer directement au plus grand nombre les informations qu’elles jugent cruciales, et aux investisseurs d’être immédiatement informés au moindre coût. Cela devrait permettre une meilleure circulation de l’information et réduire l’asymétrie informationnelle entre entreprises et investisseurs, mais aussi l’asymétrie informationnelle entre investisseurs. C’est ce que montrent Blankespoor, Miller et White1. Leur étude s’appuie sur des entreprises américaines du secteur des hautes technologies cotées en Bourse, les entreprises de ce secteur ayant été parmi les premières à recourir aux médias sociaux. L’étude se focalise sur l’usage de Twitter, le média social le plus fréquemment mobilisé par les entreprises étudiées.  

Sur la période considérée, les 85 entreprises étudiées ont publié 4 516 communiqués de presse. En moyenne, ces 85 entreprises ont émis chaque mois 47 tweets destinés à 28 318 followers, 75 % de ces tweets disposant d’un lien vers un communiqué de presse. Pour déterminer l’intérêt informationnel de ces tweets, Blankespoor et ses collègues analysent l’évolution de la fourchette de prix (écart entre le prix demandé et le prix offert normé par le prix moyen), de la profondeur du titre (montant moyen en dollars de la demande et de l’offre de titres) et des volumes de transaction autour de la date de publication du communiqué. Ils constatent que recourir à Twitter pour offrir un accès direct à un communiqué de presse permet une meilleure circulation de l’information. 

La publication d’un communiqué de presse entraîne en effet, toutes choses égales par ailleurs, une réduction de la fourchette de prix et une augmentation de la profondeur du titre et des volumes de transaction qui sont d’autant plus fortes que le communiqué est accompagné d’un tweet permettant d’y accéder par un simple clic. Ils constatent aussi que la réduction de la fourchette et l’accroissement de la profondeur et des volumes augmentent avec le nombre de clics, donc de consultations du communiqué via Twitter. 

Dans la mesure où la nature de l’information financière divulguée via les médias sociaux n’est pas réglementée, on peut craindre un comportement opportuniste de la part des firmes qui recourent à ces médias, les bonnes nouvelles étant rapidement et abondamment relayées, les mauvaises nouvelles l’étant moins. C’est ce que Jung,  Naughton, Tahoun et Wang ont voulu montrer en étudiant le comportement des firmes américaines de l’indice S&P 1500 en matière d’annonces de résultats trimestriels2. Ils constatent d’abord que, en 2013, 48 % des entreprises étudiées communiquaient via Twitter, 44 % via Facebook, 32 % via YouTube et 28 % via LinkedIn. Ils constatent aussi que la probabilité d’utiliser Twitter augmente avec la taille de la firme, le nombre des analystes qui la suivent et le nombre des communiqués de presse qu’elle publie. Cette probabilité diminue en revanche avec la couverture de la firme par la presse et l’âge de son P-DG. 

Pour ce qui est des annonces de résultats, Jung et ses collègues notent que  38 % des résultats ont été l’objet d’un «preview tweet» annonçant la publication prochaine du résultat, 57 % ont été l’objet d’un tweet indiquant le montant du résultat, 36 % des résultats ont été l’objet d’un «rehash tweet» rappelant le résultat. Ils montrent en outre que le nombre de tweets relatifs à un résultat donné est significativement moindre lorsque le résultat est décevant, notamment parce qu’il est inférieur au consensus des analystes financiers. Une analyse complémentaire montre par ailleurs que la réaction du marché à l’annonce d’un résultat augmente avec le nombre de followers et le nombre de fois où le tweet de la firme est retweeté par ses followers.

Ces deux études illustrent les enjeux relatifs à la communication financière via les médias sociaux, enjeux d’autant plus cruciaux qu’ils ne sont pas sans conséquence sur les prix des titres des firmes concernées. 

 

1 - «The Role of Dissemination in Market Liquidity : Evidence from Firms’ Use of Twitter», 

The Accounting Review 

 

2 - «Do Firms Strategically Disseminate? Evidence from Corporate Use of Social Media»,

The Accounting Review

Pascal Dumontier Professeur, DRM Finance ,  Université Paris-Dauphine

Pascal Dumontier est professeur, DRM Finance à l’Université Paris-Dauphine

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