Gestion d’actifs : attention à la sortie de route si le virage «retail» est mal négocié

Publié le 4 janvier 2019 à 17h38

Pascal Koenig

Face à l’adversité rencontrée sur la collecte institutionnelle, les gérants d’actifs français se catapultent sur le marché de l’épargnant individuel en prenant le risque de ne pas amalgamer l’ensemble des attributs d’un succès sur ce segment.

La distribution «retail» offre des perspectives de collecte alléchantes, boostées par les besoins affichés par les épargnants de trouver une solution au financement de leur retraite. Deux typologies d’enveloppes devraient constituer les supports à ce développement attendu : les contrats d’assurance vie – et notamment la part UC – et les produits de capitalisation régénérés (épargne salariale, retraite collective et privée), issus de la loi Pacte en actuelle discussion.

Quels écueils éviter pour transformer cette opportunité en pari gagnant ?

L’obstacle à contourner est bien évidemment l’aversion au risque de marché des épargnants français, échaudés par la succession des crises financières et son corollaire direct, le déficit en culture financière et avant tout en culture boursière.

Bien entendu, l’industrie ne peut attendre les potentiels modules de connaissance financière délivrés aux jeunes Français dans les enseignements primaires/secondaires. C’est donc à l’industrie de prendre les devants. Une promesse explicite et/ou une offre clairement qualifiée constituent à notre sens des réponses beaucoup plus immédiates. Cela nécessite assurément d’identifier les besoins réels de l’épargnant individuel. Le consensus des études françaises tend à montrer que, pour l’investisseur privé, la sécurité est le critère de choix le plus important devant le rendement et la disponibilité ; si la sécurisation reste sa priorité, un très net désir de comprendre et de donner du sens à son épargne complète cette première silhouette commune.

Cependant, une analyse rapide des annexes financières démontre l’actuel effort chétif des producteurs à rendre lisible et explicite l’objectif d’investissement du produit par simple lecture de son intitulé. Le Large Cap Euro Ex France Euro Stoxx 50 ne dispose pas d’une dénomination à proprement parler accessible et ne semble pas à même de générer une forte pulsion d’achat.  A contrario, les produits nouveaux dits «aspirationnels» ouvrent la voie à cette demande avérée de donner du sens à son épargne (Food for Generations en est une première illustration). Cette évidence marketing nécessite d’être étayée par la mise à disposition auprès des réseaux distributeurs d’outils pédagogiques à destination des clients et de comparateurs de fonds. Ces derniers permettent à la fois de couvrir un large univers produit dans un temps court et de répondre au plus près aux différentes attentes du client exprimées lors du parcours découverte.

De nombreuses «techs», actives dans la distribution, peuvent favoriser l’émergence de solutions originales (notamment sur l’analyse des tendances ou afin de sonder les populations cibles).

Le déploiement de l’investissement responsable sur le marché des particuliers est, en ce sens, illustratif. Les études mettent en évidence qu’une large majorité d’épargnants souhaite accorder une place importante aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions d’investissement (63 %, par exemple, pour une étude Ifop d’août 2018). Cependant, dans la même étude, seuls 5 % des Français déclarent avoir déjà investi dans un fonds ISR. Pourquoi ? Pour des raisons multiples, parmi lesquelles :

- une offre limitée et encore insuffisamment présente et identifiable dans les annexes financières ;

- une offre trop peu lisible, tant dans l’intitulé que dans les objectifs poursuivis ;

- la crainte d’investir dans un produit responsable mais qui ne délivrerait pas de performance ;

- des modèles d’allocation n’intégrant pas pleinement ces typologies de produits ;

- des réseaux de distribution et des épargnants devant s’approprier un verbiage acronymique dédié (qui s’ajoute à celui du «financier») qui accroît la confusion déjà forte et qui est renforcé par la multiplicité des labels plus ou moins adaptés.

Pour conclure, notre industrie dans toute sa diversité et dans un esprit conquérant doit épouser le message de Klaus Schwab (fondateur et président exécutif du World Economic Forum) : «Dans ce nouveau monde, ce n’est pas le gros poisson qui mange le petit ; c’est le plus rapide qui mange le plus lent.»

Pascal Koenig Associé et Fondateur ,  Patrimeta

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