Obligations : secteur bondé !

Publié le 31 mai 2016 à 10h25    Mis à jour le 31 mai 2016 à 12h04

Patricia Kaveh

Les turbulences qui affectent actuellement les marchés financiers sont assimilables au fait d’avoir quatre saisons dans la même journée. Les comportements moutonniers des investisseurs, liés à l’euphorie ou encore à l’aversion aux risques, sont en partie à l’origine de ces turbulences.

Au cours des dernières années, les politiques monétaires accommodantes des banques centrales à travers le monde ont poussé les investisseurs à prendre de plus en plus de risques. Bon nombre d’entre eux se ruent désormais sur les mêmes transactions en actions, obligations, immobilier, devises et matières premières, estimant que les banques centrales vont continuer de mettre en place des mesures d’assouplissement, ce qui conduit à des stratégies corrélées et à des «crowded positions». Cela n’est malheureusement pas sans conséquences car, lorsqu’une partie du marché financier est secouée, les répercussions se font également sentir sur les autres.

Alors qu’auparavant les catégories d’actifs alternatifs sur les marchés financiers suscitaient l’intérêt d’un public ou d’investisseurs spécifiques, les investisseurs sont aujourd’hui désespérément à la recherche de rendement. Cette situation les a poussés vers de nouveaux secteurs d’investissement, et cela, bien souvent, sans qu’ils aient une véritable compréhension de la catégorie d’actifs concernée. Ces «investisseurs touristes» investissent sans restriction, initiant des positions importantes, ce qui les rend vulnérables à de brusques renversements en cas de manque de liquidités sur les marchés.

Dans ce sillage, nous avons assisté à tout un ensemble de transactions «tendance». Certaines continuent d’exister à ce jour, d’autres ont disparu ou touchent à leur fin. Cette liste inclut les positions longues exprimant des points de vue positifs en dollars US, les actions défensives coûteuses, les créances à haut rendement, les obligations «coco*» ou encore les positions courtes exprimant des points de vue négatifs sur l’euro, le pétrole, l’énergie, le secteur minier et les obligations souveraines. Les prévisions du consensus, en termes de «crowded positions», sont devenues une dynamique dangereuse, en particulier sur les marchés obligataires où la liquidité est irrégulière et où, en raison des réglementations, les banques n’ont pas la capacité ou le désir de recycler les risques.

Lorsque tous les investisseurs sont du même avis, le moindre élément indiquant que cet avis peut être erroné peut conduire à une réaction démesurée, comme ce fut le cas lors des «flash crashes» des actions et des obligations au cours des dernières années. Dans un tel environnement, les influences externes telles qu’une déclaration de la présidente de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen, ou du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, peuvent facilement déclencher une réaction.

Cela a été le cas début février, avec la crainte des taux d’intérêt négatifs. La banque centrale suédoise a été la première à introduire des taux d’intérêt négatifs et ce mouvement a été repris plus récemment par la Banque centrale européenne et la Banque du Japon. Les craintes que les banques centrales utilisent les taux négatifs comme leur dernier outil de lutte contre la récession et la menace d’une déflation se répandent également sur le secteur bancaire. Et la poursuite de l’aplatissement de courbes de rendement n’a pas arrangé les choses. Deutsche Bank est l’exemple le plus récent de l’inquiétude des investisseurs envers les marges sur les prêts bancaires et la capacité de certaines banques à porter ce fardeau.

Néanmoins, certains «crowded trades» sont logiques, mais leurs valorisations sont trop élevées à l’heure actuelle. Par ailleurs, les marchés pourraient être prochainement confrontés à une capitulation exceptionnelle, probablement liée à la dévaluation de sa devise par la Chine ou à un défaut «surprise» significatif du secteur de l’énergie sur les marchés émergents ou développés, voire les deux. Mieux vaut donc dans l’environnement de marché actuel rester patients et attendre que les «crowded trades» disparaissent et que les véritables opportunités se matérialisent.

* Obligations convertibles contingentes.

Patricia Kaveh

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