Sortir de la culture «take, make, waste»

Publié le 21 novembre 2019 à 10h44

Victoria Leggett

La construction d’une économie durable, qui passe par la décarbonisation de nos économies, notamment, nécessite des investissements colossaux. Certaines entreprises s’emploient mieux que d’autres à relever les grands enjeux sociétaux et environnementaux. L’objectif de l’«impact investing» est justement de déterminer, par une méthodologie rigoureuse, les valeurs à fort potentiel, capables d’allier impact positif sur la société et performance financière.

Tant les gouvernements que les consommateurs ont pris conscience de la nécessité de «décarboner» l’économie. Quatre pays visent la neutralité carbone : la France, le Royaume-Uni, la Norvège et la Suède. Quinze autres ont engagé des débats approfondis sur le sujet. L’Union européenne a décidé d’interdire l’usage de plusieurs objets en plastique à usage unique en 2021 et de réduire de 50 % les émissions de CO2 liées au transport de marchandises d’ici à 2050. Du côté des citoyens et des consommateurs, les grèves des lycéens ou les marches pour le climat, comme la baisse constatée de la consommation de viande, témoignent d’une évolution des mentalités à prendre en compte.

Cette mutation en cours de l’économie mondiale nécessite des investissements colossaux dont bénéficieront les entreprises qui s’emploient à relever les défis écologiques et sociétaux. Profiter du potentiel de croissance exceptionnel de ces sociétés dans les décennies à venir, c’est précisément l’intérêt de l’impact investing. Il s’agit de sélectionner les valeurs qui génèrent un impact positif et mesurable sur la société, tout en offrant des perspectives attractives aux investisseurs.

Mais comment identifier les valeurs à fort potentiel et évaluer leur impact ? A la base des méthodologies de sélection existantes figurent les 17 Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU comme feuille de route. L’UBP a développé son propre dispositif de mesure, en collaboration avec le Cambridge Institute for Sustainable Leadership (CISL), qui répartit ces ODD en six thèmes d’investissement : besoins fondamentaux, santé et bien-être, économies inclusives et justes, stabilité du climat, écosystèmes sains et communautés durables. Les sociétés sont ensuite analysées par thématique selon les critères IMAP («intentionality», «materiality», «additionality» et «potentiality») pour mesurer l’intensité de leur impact.

Concrètement, l’objectif est d’évaluer par exemple la part de l’investissement en R&D allouée aux solutions générant un impact positif ou celle du chiffre d’affaires provenant exclusivement de ces activités. Ou encore de déterminer si le positionnement de l’entreprise peut lui permettre de devenir un leader dans son domaine.

Une valeur à impact positif élevé : Aquafil

Au sein du thème d’investissement «écosystèmes sains», Aquafil est un très bon exemple de société au potentiel attractif, tant par ses fondamentaux financiers solides que par son impact positif élevé – intensité de son impact évaluée à 15/20 selon nos critères IMAP. Aquafil est une société italienne cotée et active à l’international, qui produit des fibres synthétiques (nylon) pour les fabricants de tapis et le secteur de l’habillement. Elle est devenue un leader de l’industrie en développant des technologies qui contribuent à une économie circulaire. Son processus propriétaire Econyl permet de récupérer les déchets en nylon, comme les filets de pêche abandonnés dans les océans ou encore les chutes de tissus et de tapis, pour les recycler en fil de nylon de haute qualité. Ce processus unique a déjà séduit des grands noms de la mode, comme Adidas, H&M, Stella McCartney ou encore Prada. Chaque million de dollars investi dans cette société permet de récupérer 1,3 tonne de filets de pêche et de régénérer 1,02 tonne de rebuts de tapis par an.

Comme Aquafil, ces valeurs à impact positif contribuent à construire les bases d’une croissance durable et d’une économie circulaire, à l’opposé d’une culture de la consommation jetable qui épuise les ressources naturelles, ce que les Anglo-saxons nomment le «take, make, waste». Dans une économie circulaire, les produits et les matériaux utilisés sont recyclés et régénérés à la fin de chaque cycle de vie. Mais il reste un long chemin à parcourir pour généraliser ces pratiques. Aujourd’hui, seulement 9,1 % de l’économie mondiale est véritablement circulaire. C’est en cela que l’impact investing a un rôle majeur à jouer en matière d’approche d’investissement, tant pour la sauvegarde de la planète que pour la performance de nos investissements.

Mots clés Acquisitions
Victoria Leggett Responsable - Impact investing ,  Union Bancaire Privée (UBP)

Victoria Leggett est responsable Impact investing chez l'Union Bancaire Privée (UBP)

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