Banques centrales : vouloir n’est pas pouvoir

Publié le 23 septembre 2019 à 15h04    Mis à jour le 26 septembre 2019 à 9h59

Wilfrid Galand

Alors que l’économie ralentit dans toutes les zones géographiques, les yeux se tournent, comme souvent depuis 2008, vers les grands argentiers de la planète. Mais, pour les banques centrales, l’ère de la toute-puissance touche à sa fin.

Face à la faible croissance européenne et à l’absence d’inflation, Christine Lagarde le souligne depuis sa désignation comme future présidente de la Banque centrale européenne (BCE) : la BCE peut agir, elle veut agir, elle va agir. Les taux – déjà négatifs – vont encore baisser, et de nouvelles injections de liquidités sont en préparation. On va voir ce qu’on va voir ! En martelant sa détermination, celle qui succédera le 1er novembre prochain à Mario Draghi se place dans les pas de son illustre aîné, devenu célèbre par sa déclaration martiale du 26 juillet 2012 : pour préserver l’euro et l’intégrité de l’Union monétaire européenne «nous sommes prêts à faire tout ce qu’il faudra et, croyez-moi, ce sera suffisant».

Son homologue américain, Jay Powell, lui aussi inquiet d’une possible fin de cycle économique, accélérée par les incertitudes nées de la baisse du commerce mondial et de la remontée des incertitudes internationales, s’est également déclaré fin août en faveur d’un soutien monétaire résolu à l’activité économique.

La banque centrale chinoise partage cette ligne de conduite : depuis novembre 2018, elle ne cesse de baisser le taux des réserves obligatoires des banques et de diminuer les taux de prêt «référence» afin de relancer le crédit.

Et pourtant, en dépit de ces efforts, une petite musique monte depuis déjà plusieurs mois au sein des milieux économiques et financiers : les banques centrales sont à bout de souffle, les munitions s’épuisent, l’efficacité est douteuse, bref, la résignation guette.

Eliminons d’abord un mythe tenace : non, les banques centrales ne manquent pas de munitions ! Aux Etats-Unis, la remontée des taux depuis décembre 2015 et le dégonflement faible mais réel du bilan de la Fed offrent désormais de réelles marges de manœuvre.

La situation est encore plus claire en Chine, où le bilan de la banque centrale n’a pas subi les conséquences d’années consécutives de politiques non conventionnelles.

Même en Europe, la BCE dispose encore de moyens très significatifs : un abaissement des taux est possible moyennant une adaptation pour préserver la stabilité du système financier ; les injections de liquidités peuvent aussi reprendre, avec une certaine «souplesse» dans l’application des règles d’achat de dette par pays et par émission ; la banque centrale peut même décider, dans une audacieuse expérimentation, de distribuer directement de l’argent dans l’économie, la fameuse «monnaie hélicoptère».

Le problème n’est pas le manque de moyens, ni le manque de volonté, c’est l’efficacité de ces instruments monétaires qui est sur la sellette. Malgré des années d’injections de liquidités, et un bilan multiplié par cinq depuis 2007, la croissance est faible et l’inflation ne cesse de baisser… Sauf au plus près de ces injections de liquidités.

Les prix des actifs financiers, des opérations de capital-investissement, mais surtout de l’immobilier résidentiel ou commercial se sont envolés ces dernières années, générant de l’anxiété chez les investisseurs et de l’amertume chez les classes moyennes, dont les revenus patinent. Même les classes supérieures sont touchées : la faiblesse des rendements et la crainte d’un ralentissement économique poussent les détenteurs de patrimoine financier aux Etats-Unis à accroître leur effort d’épargne plutôt que de consommer. Quant au système bancaire européen, sa rentabilité s’effondre, menaçant sa capacité à transmettre, via le crédit, la politique monétaire dans l’économie réelle.

Pour que les marchés poursuivent leur marche en avant, une amélioration macroéconomique est indispensable. Les banques centrales n’y suffiront pas et leurs présidents eux-mêmes le reconnaissent de plus en plus. Il faut faire repartir le commerce mondial, en panne depuis plusieurs mois. Seul un accord – ou à tout le moins une trêve prolongée – entre Chinois et Américains pourrait débloquer la situation. Il faudrait aussi mettre en œuvre une relance budgétaire dans les pays qui ont des marges de manœuvre.

Pourquoi pas en Allemagne ? Paradoxalement, les difficultés politiques de la coalition au pouvoir à Berlin pourraient inciter la Chancelière à tenter le coup. Après tout, elle n’a plus grand-chose à perdre.

Wilfrid Galand directeur stratégiste ,  Montpensier Finance

Wilfrid Galand est directeur stratégiste de Montpensier Finance

Du même auteur

Voir plus

Chargement en cours...