Smart Beta : de la révolte à la révolution

Publié le 24 avril 2015 à 11h24

Etienne Vincent

La remise en cause des indices traditionnels par les stratégies smart beta ne fait que commencer. Mais elle est déjà porteuse d’enjeux importants et va modifier, selon nous, de manière durable et structurelle les choix d’allocation stratégiques des investisseurs.

Apparu après la crise de 2008, le smart beta était au départ une innovation marketing au vocable rassurant, capitalisant sur plus de dix ans de développement de l’indiciel. Il reprenait à son compte un discours déjà ancien sur les limites des indices traditionnels pondérés par les capitalisations présentant l’inconvénient, dans certaines configurations de marché, de se surexposer à certains secteurs. Séduits par ce discours de simplicité, les producteurs d’indices et d’ETF (Exchange-Traded Funds) se sont très vite emparés du sujet. Pourtant, ces stratégies ne sont ni «passives» ni adaptées à un horizon de court terme. Au contraire, une gestion qui s’éloigne des indices pondérés par les capitalisations aura une rotation de portefeuille plus élevée. D’autre part, nombre de stratégies smart beta reposent sur des facteurs de surperformance à long terme, comme l’«anomalie de faible volatilité», l’approche «value», l’effet «momentum»… Pour transformer un facteur en stratégie, il existe une grande diversité de méthodes, chacune devant trouver un compromis entre la recherche de performance, les contraintes et les risques spécifiques à chaque facteur.

Face à cette foule de méthodes, les investisseurs restent encore perplexes et entendent dire qu’une forte croissance des fonds smart beta risquerait de faire disparaître l’alpha. Ce serait vite oublier que l’écrasante majorité de la gestion d’actifs reste indexée sur des indices classiques. Par ailleurs, la diversité même des approches disponibles pour les investisseurs protège d’une uniformisation potentiellement destructrice de valeur. Mais une fois admise la pertinence du smart beta, la question de la combinaison des stratégies smart beta reste entière. Quel poids donner à chaque facteur ou stratégie ? Quelle référence adopter ? Comment implémenter ces stratégies dans l’allocation globale ? Pour l’instant, deux courants semblent émerger. D’un côté, les partisans de l’indiciel prêchent l’utilisation d’une gamme d’un même fournisseur, assurant une cohérence entre l’utilisation des différents facteurs. De l’autre, les consultants défendent une approche par sous-classes d’actifs à thèmes, afin de pouvoir gérer les risques et assurer la mise en compétition des offres. Pourtant, aucune de ces deux visions ne répond totalement aux besoins des investisseurs, car elles traitent séparément les différentes stratégies smart beta, alors que c’est de leur complémentarité que résultent la stabilité de l’alpha créé et la gestion globale des risques.

A la méthode consistant à juxtaposer plusieurs stratégies smart beta monofactorielles, les investisseurs ont tout intérêt aujourd’hui selon nous à adopter une approche consistant à construire un portefeuille «multi smart beta». Autrement dit un portefeuille unique exposé à plusieurs facteurs d’alpha systématiques, dans des proportions définies par un budget de risque, c’est-à-dire l’écart acceptable par rapport à l’indice de départ. Cette approche permet de définir par exemple une stratégie visant une tracking error de 5 % au total et de l’affecter à 60 % au facteur low volatility, 20 % au facteur value et 20 % au facteur momentum. La mise en commun des contraintes a l’avantage de réduire le coût global de la solution et d’optimiser la gestion du risque, puisque c’est le risque total qui est encadré et non des risques individuels. Enfin, cette méthodologie permet a posteriori d’attribuer la performance directement aux vrais facteurs de rendement, donc de mieux la comprendre. Cette approche structurante est aussi une «révolution» sur la philosophie globale du portefeuille, puisqu’elle oblige l’investisseur à mettre le risque au cœur des choix d’allocation.

Etienne Vincent

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