L’effet de la transparence bancaire en temps de crise

Publié le 6 novembre 2015 à 12h23

Hervé Alexandre

La crise financière européenne de 2011 a provoqué un très fort accroissement de l’inquiétude concernant la solvabilité des banques européennes. L’indice iTraxx European Financials Senior (qui recouvre le spread de crédit de dettes senior de 25 banques et assurances européennes présentant un faible risque de crédit), après avoir été longtemps cantonné à des niveaux inférieurs à 10 points de base (bp) a dépassé les 200 points de base dès le début de l’année 2011. Au niveau individuel, les spreads de CDS (Credit Default Swap) de certaines banques européennes (Allied Irish Bank, Banco Comercial Portuguese) ont dépassé 2 500 points au plus fort de la crise. Dans le même temps, les spreads d’ING, Rabobank ou DNB ne dépassaient pas les 200 points.

La valeur des spreads de CDS reflète les anticipations du défaut de l’emprunteur, et leur volatilité donne une information sur la robustesse de ces anticipations. La réaction des marchés perceptible à travers la variation du spread de CDS d’une banque dépend de la valeur d’une nouvelle information sur le risque de défaut de cette banque perçu par les investisseurs. Cette réaction est fonction de la quantité et de la qualité de l’information fournie par la banque. Si cette dernière a communiqué régulièrement, alors l’annonce d’une mauvaise nouvelle devrait provoquer une réaction modérée des marchés financiers, qui ont pu l’anticiper.

Dans cette optique notamment, les exigences de transparence des banques imposées par les régulateurs se sont fortement accrues depuis une vingtaine d’années et notamment depuis la crise des subprimes. Au regard de cette évolution réglementaire, il est nécessaire de séparer la communication réglementaire et obligatoire et la communication plus spécifique qui témoigne de la réelle volonté de transparence d’une banque. Ainsi, dans le cas de la crise européenne des souverains, il est intéressant de séparer la communication de renseignements spécifique à l’exposition au risque souverain («specific disclosure») et la communication d’informations générales («general disclosure»), telles que la gouvernance d’entreprise (nature des actionnaires, rémunération des dirigeants…) construite dans une stratégie de communication globale dans le but de créer de la confiance et par contrainte réglementaire. Une grande partie de la littérature empirique et théorique sur la transparence des banques aboutit à la conclusion qu’une communication trop générale ne peut pas être récompensée en période de crise, pendant laquelle la perspective est instable pour toutes les banques. Il semble alors nécessaire de focaliser sa communication et d’aller au-delà des seules contraintes légales, afin de mieux informer les marchés financiers et de réduire l’incertitude.

Un article récent1, reposant sur l’étude empirique de 47 banques européennes pendant la crise européenne de la dette souveraine, analyse ainsi la relation entre la communication des banques et la réaction du spread de leurs CDS. Cette étude se fonde sur l’information diffusée suite aux stress tests effectués par la Banque centrale européenne (BCE) et l’Autorité bancaire européenne (ABE) en 2010 et 2011, rendant publique notamment le niveau d’implication des banques dans le financement des Etats européens. Il est observé qu’une communication trop générale de la part des banques n’a pas l’effet attendu sur le marché et ne participe pas à la réduction de la volatilité des spreads de CDS. Par contre, les résultats montrent un effet significatif de la communication ciblée (ici concernant l’exposition à la dette souveraine) sur la variation des spreads de CDS. La communication ciblée participe à la stabilité du marché, en limitant la crainte du défaut des banques, en période d’environnement instable. Lorsque le risque systémique s’accroît, les investisseurs recherchent une information spécifique et ciblée qui aille au-delà de l’information standard requise.

La stratégie de communication diffère d’une banque à l’autre et les banques les plus transparentes sur le plan général (Barclays et HSBC) ne sont pas les plus transparentes sur le problème spécifique des souverains qui inquiétait pourtant le plus à l’époque. Sur ce dernier critère, Deutsche Bank est parmi les plus prolifiques. Par ailleurs, la transparence globale est moins importante pour l’échantillon en 2011 qu’en 2010, alors que la transparence spécifique s’accroît durant cette période. Les exigences du régulateur et des marchés financiers poussent les banques à communiquer plus sur ce qui est important et un peu moins que ce qui est général.

Les discussions concernant le besoin de transparence et de communication des banques se focalisent trop souvent sur une logique de quantité d’information produite, qui prévaut sur la qualité et l’adéquation de cette information communiquée par les banques.

1 - Alexandre, Hervé and Guillemin, François and Refait-Alexandre, Catherine, Disclosure, Banks CDS Spreads and the European Sovereign Crisis (2015). Working paper CRESE No. 2015–10.

Available at SSRN : ssrn.com/abstract=2668527

Hervé Alexandre

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