L'analyse de Patrick Hubert

Concurrence : de nouveaux acteurs aux Etats-Unis ; et chez nous ?

Publié le 22 novembre 2019 à 15h34

Patrick Hubert

On a l’habitude d’attribuer les décisions souvent spectaculaires rendues en matière de concurrence (sanctions pour entente anticoncurrentielle, énormes amendes contre Google, blocage de fusions comme Alstom Siemens) aux puissantes «autorités de concurrence», dont les plus connues sont, chez nous, la Commission européenne et, outre-Atlantique, le département de la justice ainsi qu’une puissante agence fédérale, la FTC. Il existe un consensus au sujet de la dissymétrie entre ces autorités : en Europe, elles sont agressives et sans pitié ; aux Etats-Unis, sauf pour les ententes entre concurrents, elles sont laxistes. C’est simpliste mais ce n’est pas faux.

Toutefois, on oublie qu’aux Etats-Unis, le droit de la concurrence est souvent mis en œuvre par d’autres acteurs qui ne demandent aux deux autorités de la concurrence ni leur avis ni leur soutien. Les consommateurs, les entreprises victimes agissent souvent seules devant les tribunaux. Mais une autre catégorie d’acteurs fait beaucoup parler d’elle ces temps-ci : les state attorneys general (SGA), autrement dit les ministres de la Justice des Etats. Ils peuvent s’opposer à des fusions (certains ont par exemple cherché à bloquer le rapprochement entre T-Mobile and Sprint) ou s’attaquer à des pratiques abusives (les 50 SAG ont décidé d’agir contre Google sur des sujets proches de ceux traités par la Commission européenne, en donnant le lead au SAG du Texas). Ces actions peuvent changer la donne et, si elles ne les réveillent pas, marginaliser les autorités fédérales. Il ne faut donc pas trop se reposer sur l’image rassurante que l’on peut avoir de ces dernières.

Pourrait-on, chez nous, voir arriver d’autres acteurs publics ayant des idées différentes de celles de la Commission ? Il existe déjà, dans chaque Etat membre, une autorité nationale de concurrence ; elles forment avec la Commission un réseau qui n’empêche pas les initiatives mais qui rendrait difficiles des politiques radicalement originales. En France, le gouvernement peut saisir l’autorité nationale de tout dossier, mais c’est cette dernière qui le traitera. En Espagne, il existe des autorités régionales de concurrence mais leur action est relativement discrète. A première vue, chez nous, une révolution du droit de la concurrence impulsée par d’autres que les autorités traditionnelles.

Patrick Hubert

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