L'analyse de Patrick Hubert

Concurrence et vitesse

Publié le 25 octobre 2019 à 11h51

Patrick Hubert

L’action de la Commission européenne dans le secteur de la technologie est spectaculaire (voir les lourdes amendes imposées à Google). Mais ses procédures sont trop longues. Cela place les entreprises ciblées sous une pression interminable. Quant aux victimes, elles doivent attendre la décision de la Commission pour tenter ensuite, au prix de procédures également longues, de se faire indemniser par les tribunaux.

Cette durée excessive est encore plus critiquable lorsqu’elle concerne le secteur de la technologie qui évolue si vite que la Commission court le risque d’intervenir alors que les victimes ont quasi disparu et que les marchés ont changé.

C’est à cette aune qu’il faut apprécier la décision que la Commission vient de rendre le 16 octobre dernier en ordonnant à Broadcom de cesser d’appliquer certaines clauses dans les contrats avec six de ses clients : pour la première fois depuis près de vingt ans, la Commission adopte ce que l’on appelle des «mesures conservatoires», c’est-à-dire des mesures d’urgence prises en quelques semaines avant étude du dossier au fond.

Cette pratique est bien connue du monde judiciaire (les actions en référé) et de l’autorité française de concurrence mais la Commission, jusqu’à présent, s’en méfiait. En y recourant précisément dans le secteur de la technologie, elle montre qu’elle dispose d’un instrument adéquat pour y régler rapidement les problèmes.

Pour spectaculaire que soit cette initiative, il convient d’en relativiser la portée : des mesures prises rapidement mais qui reposeraient sur une analyse bâclée peuvent être dangereuses. En outre, les victimes ne peuvent pas obtenir d’indemnisation sur la seule base de mesures conservatoires.

Le recours aux mesures conservatoires ne devrait donc pas dispenser la Commission d’accélérer ses procédures au fond. Elle est capable d’étudier des concentrations complexes en quelques mois : ne peut-elle pas en faire autant pour des comportements abusifs ou prétendus tels ?

Patrick Hubert

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