Déduction des charges financières : vers un plafond européen

Publié le 5 octobre 2018 à 15h42

Laurent Olléon

Le principe de non-immixtion interdit au fisc de remettre en cause le choix des entreprises – et de leurs actionnaires – de financer leurs projets par l’emprunt plutôt que par le capital. C’est au nom du même principe que l’administration peut difficilement remettre en cause ce qui a été financé par l’emprunt : rapprochement entre sociétés, acquisition d’un actif corporel ou incorporel, etc. Le juge exclut en effet qu’elle critique l’intérêt, pour la société, de se lancer dans un projet plus ou moins risqué.

Or si le financement de ses opérations par un apport de capital est fiscalement neutre pour l’entreprise, il n’en va pas de même du recours à la dette, qui permet en principe la déduction des frais financiers. Faute de pouvoir remettre en cause l’emprunt lui-même, l’Etat traque donc les abus supposés en encadrant un peu plus, à chaque loi de finances, les possibilités de déduction. L’instabilité normative qui en découle complique la planification des investissements, tout en minant les efforts entrepris par les gouvernements successifs pour rendre la France plus attractive pour les investisseurs étrangers.

Le PLF 2019 s’inscrit dans la tradition. Il chambarde bien plus le paysage que les lois de finances antérieures, en raison de l’obligation de transposition de la directive 2016/1164 du 12 juillet 2016, dite «ATAD», dont nous reparlerons dans ces colonnes.

L’article 4 de cette directive impose aux Etats membres d’harmoniser leurs régimes de déductibilité des charges financières, avec une mince marge de manœuvre. Voilà qui devrait améliorer la stabilité des règles ! L’article 13 du PLF 2019 prévoit donc de remplacer le mécanisme de plafonnement général par une règle qui limite la déduction des charges financières nettes à 30 % du résultat avant impôts, intérêts, provisions et amortissements, ou à 3 millions d’euros si ce montant est supérieur.

Le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation, sur lequel ont transpiré des bataillons de fiscalistes, est officiellement supprimé dans un souci de simplification… mais réintroduit, en plus dur, comme une exception au nouveau plafond.

Au final, la seule vraie simplification réside dans l’abrogation annoncée de l’amendement Carrez, que l’on attendra prudemment : le dispositif devait déjà être supprimé par le PLF 2018, avant d’être finalement maintenu – et rendu plus complexe.

Laurent Olléon

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