Sous-capitalisation : qui trop embrasse mal étreint ?

Publié le 2 novembre 2018 à 11h11

Laurent Olléon

Un rapport parlementaire sur le risque budgétaire associé aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’Etat, déposé le 17 octobre 2018, nous apprend que 25 milliards d’euros ont été provisionnés à ce titre, essentiellement pour les litiges fiscaux. La réforme en cours du dispositif dit «de lutte contre la sous-capitalisation» pourrait bien saler l’addition…

L’exposé des motifs de l’article 13 du PLF 2019 affirme sans barguigner que ce dispositif est «supprimé en raison de son caractère redondant et de la complexité qui résulterait de sa juxtaposition avec les nouvelles règles» générales de déductibilité des charges financières issues de la directive ATAD. On ne saurait être plus loin de la réalité du texte qui, s’il abroge en effet le dispositif actuel, le remplace par un mécanisme nettement plus dur.

Ce mécanisme, inséré au nouvel article 212 bis du Code général des impôts, consiste à abaisser de 30 à 10 % de l’Ebitda le plafond de déduction des charges financières nettes en cas de sous-capitalisation. Mais alors que la sous-capitalisation d’une entreprise suppose aujourd’hui la réunion de trois critères (endettement, couverture d’intérêts, intérêts servis par des entreprises liées), le PLF ne conserve plus que le critère de l’endettement. Seul assouplissement notable : le nouveau dispositif cesse d’assimiler à des intérêts servis à une entreprise liée ceux qui rémunèrent des sommes dont le remboursement est garanti, directement ou indirectement, par une entreprise liée.

Le vrai durcissement est toutefois ailleurs : la sanction de la sous-capitalisation, qui porte aujourd’hui sur les seuls intérêts versés aux entreprises liées, portera demain sur l’ensemble des charges financières nettes supportées par l’entreprise. En d’autres termes, si une entreprise verse 1 % de ses intérêts à des entreprises liées et 99 % à des banques, sa sous-capitalisation va pour l’essentiel limiter la déduction de ses intérêts bancaires, pourtant parfaitement étrangers à cette sous-capitalisation, laquelle s’apprécie exclusivement au regard des sommes mises à disposition par le groupe auquel elle appartient.

Le principe d’égalité devant l’impôt, s’il permet de traiter différemment des situations différentes, telles que celles d’une entreprise sous-capitalisée et d’une autre qui ne l’est pas, impose que le traitement ainsi mis en place ne soit pas disproportionné, voire potentiellement sans rapport avec l’objectif poursuivi. Bercy l’aurait-il oublié ?

Laurent Olléon

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