L’économie américaine en attente de prises de décision

Publié le 29 septembre 2017 à 18h27

Anton Brender

Rarement l’incertitude sur la politique budgétaire et monétaire américaine n’aura été aussi grande. Non seulement l’esquisse de la réforme fiscale promise depuis maintenant de longs mois par Donald Trump et le Parti républicain vient seulement d’être dévoilée, mais la composition du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, susceptible d’un renouvellement presque complet, n’est toujours pas connue. Les décisions du Congrès et du Président sur ces deux sujets vont influencer la conjoncture américaine de 2018 mais aussi l’évolution du dollar et des taux d’intérêt.

La semaine dernière a permis d’en apprendre un peu plus sur la direction dans laquelle la Maison-Blanche et le Parti républicain veulent aller en matière budgétaire. Le projet est bien celui d’une réforme de la fiscalité – et pas seulement d’une baisse des taux d’imposition – tant pour les ménages que pour les sociétés : les barèmes des impôts comme leur assiette devraient changer et nombre de niches être supprimées. De nombreuses inconnues subsistent toutefois. Le Congrès va d’abord devoir remplir ce qui a été laissé en pointillés dans le projet. Le soin lui est laissé, par exemple, de définir les seuils des trois tranches d’imposition du revenu des ménages qui remplaceront les sept existant actuellement, mais aussi de décider éventuellement d’une tranche supplémentaire, imposée à un taux supérieur à 35 %. Voter une «grande» réforme qui modifie les taux et les bases d’imposition est une tâche qui aux Etats-Unis en particulier demande une énergie politique considérable. Le jeu des groupes d’intérêt est en effet ici particulièrement puissant et dès qu’une mesure est évoquée, la résistance de ceux qui risquent d’y perdre s’organise : il faut alors la vaincre… ou renoncer. Or les niches que l’on va devoir supprimer vont être nombreuses et sensibles : éliminer la déductibilité, au niveau fédéral, de l’impôt sur le revenu prélevé par certains Etats et collectivités locales, va par exemple susciter de sérieuses oppositions !

L’absence d’unanimité au sein du Parti républicain et la relation difficile du Parti avec le Président rendent incertaine l’issue finale. Beaucoup d’énergie a déjà été dissipée depuis le début de l’année par les Républicains en un effort jusqu’ici désespérément vain pour mettre à bas le système d’assurance-santé mis en place par le Président Obama. Une chose n’en semble pas moins presque sûre : même si elle n’est ni aussi grande ni aussi profonde qu‘annoncée, une réforme a de grandes chances d’être votée dans les prochains mois. Les élections de fin 2018 constituent un enjeu trop important pour que le Parti républicain les aborde sans avoir tenu, au moins en partie, sa promesse majeure. La relation ambiguë qui s’est établie entre le Président Trump et le Parti démocrate comme les demi-promesses faites par le secrétaire d’Etat au Trésor, laissent une chance raisonnable de voir une partie plus grande qu’attendue des baisses d’impôts bénéficier finalement aux classes moyennes. Si tel devait effectivement être le cas, la conjoncture américaine sera en 2018 un peu plus soutenue que beaucoup ne l’attendent.

Savoir qui sera l’an prochain le Président de la Réserve fédérale prend alors toute son importance. Parmi les noms qui circulent actuellement, celui de Janet Yellen est bien sûr le plus rassurant : il devrait garantir une certaine continuité dans la politique de la banque centrale. Parmi les autres candidats toujours en lice selon la presse américaine, certains risquent en revanche de rompre plus radicalement avec la politique suivie jusqu’à présent. C’est le cas en particulier de John Taylor – ancien sous-secrétaire au Trésor et auteur de la «règle» qui porte son nom – mais aussi de Kevin Warsh – membre du Conseil des gouverneurs de 2006 à 2011. Tous deux ont depuis plusieurs années déjà critiqué les mesures d’assouplissement quantitatif et ils considèrent que le niveau des taux directeurs est resté trop longtemps trop bas. Si l’un d’entre eux venait à être nommé et que la composition du reste du Conseil évoluait dans le même sens – outre le Président, quatre de ses six membres doivent aussi être nommés – le risque de voir les taux directeurs monter plus rapidement qu’attendu s’élèverait fortement. Lorsque toutes ces incertitudes se dissiperont, on saura si les marchés avaient raison de parier, comme cela semblait être le cas il y a peu, sur un dollar faible et une quasi-stabilité des taux à long terme !

Anton Brender

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