Le blog de Arnaud-Guilhem Lamy
Objectif Lune
En août, la Fed a annoncé un changement majeur de son objectif : le passage d’un objectif d’inflation au ciblage d’un niveau d’inflation moyen. Au lieu de réagir dès que l’inflation menace de dépasser 2 %, la Fed devra au contraire amener l’inflation au-dessus de 2 % pour compenser la phase du cycle où l’inflation aura été inférieure à 2 %. Quelle est l’utilité de ce changement, alors que la perspective d’une inflation élevée paraît très lointaine ? A court terme, cet ajustement n’entraînera aucune action de la banque centrale, puisque les taux sont proches de zéro. Il n’y a donc pas d’impact à attendre à court terme sur l’inflation. Mais c’est justement parce que la banque centrale est à court de munitions que ce changement d’objectif prend tout son sens. Il doit conduire les investisseurs à anticiper une inflation plus élevée dans le futur, permettant une baisse des taux réels à des niveaux largement négatifs. La banque centrale fait alors d’une pierre deux coups : baisse des taux réels et ancrage à un niveau plus élevé des anticipations d’inflation. Pour les théoriciens, ces changements actent la fin de deux piliers de la politique monétaire : la courbe de Phillips, qui établit un lien entre chômage et inflation, et la règle de Taylor, qui définit le taux directeur en fonction des écarts d’inflation et de croissance réalisées par rapport à l’objectif. Si un investisseur obligataire juge la Fed crédible, il va acheter des obligations indexées à l’inflation et éviter les taux longs américains, qui devraient intégrer une prime de terme d’inflation plus importante, et donc monter. Pour les incrédules, acheter les obligations américaines de 5 à 10 ans de maturité paraît la stratégie la plus cohérente : à court ou moyen terme, les taux devraient rester bas ou même baisser, la Fed ayant signé pour des taux bas pour encore plus longtemps.
Arnaud-Guilhem Lamy est responsable des stratégies obligataires euro aggregate au sein de BNP Paribas Asset Management.