Vitesse limitée pour l'économie mondiale

Publié le 17 janvier 2020 à 15h23    Mis à jour le 17 janvier 2020 à 17h51

Gilles Moëc

Un certain vent d’optimisme souffle dans l’économie mondiale depuis quelques semaines. La trêve conclue entre les Etats-Unis et la Chine dans la guerre commerciale et le début d’une clarification dans le dossier du Brexit, couplés à l’effet retardé du stimulus monétaire supplémentaire offert par la Fed et la BCE depuis l’été 2019, permettent en effet d’écarter les risques de scénario récessif. Mais la vraie question pour nous est de savoir si l’économie mondiale va connaître une véritable re-accélération, ou si elle restera bloquée sur un rythme de croissance inférieur au potentiel. C’est malheureusement ce scénario «médiocre» qui est notre hypothèse de base pour 2020.

Premier problème : l’incertitude est moindre, mais elle reste substantielle. L’accord de «phase 1» signé entre les Etats-Unis et la Chine nous assure sans doute contre de nouvelles hausses de tarifs dans les mois qui viennent, mais la tentation pour les Etats-Unis d’utiliser l’arme commerciale dans le cadre de négociations politiques avec les Européens sera grande. Par ailleurs, l’élection présidentielle américaine est très ouverte, et les options de politique économique défendues par les principaux candidats sont très variées et parfois radicales. En Europe, le Brexit ne disparaîtra pas des esprits, car la relation de long terme entre le Royaume-Uni et l’Union européenne reste à définir, tandis que, sur le continent, une situation politique complexe demeure en Italie et en Espagne.

Deuxième problème, il n’est pas évident que, même sans le risque permanent de guerre commerciale, la Chine puisse re-accélérer fortement cette année. En effet, les déséquilibres financiers y restent lancinants, et les autorités monétaires pourraient décider de profiter de l’embellie du côté du commerce international pour aller plus avant dans la restauration du bilan des banques et des entreprises, ce qui se traduira transitoirement par un ralentissement de la demande intérieure.

Troisième problème : le rebond de l’investissement des entreprises sera, selon nous, limité. Aux Etats-Unis, la résilience de la consommation est rassurante et a offert un «socle» à la croissance. L’investissement, quant à lui, a souffert. Au-delà d’une réaction normale à la montée des incertitudes, nous y voyons aussi la conséquence d’une certaine détérioration de la profitabilité des entreprises. En effet, la bonne tenue de la consommation reflète les fortes créations d’emploi et une progression plus substantielle des salaires qui, en l’absence de gains de productivité, ne peut provenir que d’une diminution de la part des profits. Elle a été dissimulée pour un temps par la baisse de l’impôt sur les sociétés offert par Donald Trump et par la baisse des taux d’intérêt, mais elle n’en est pas moins réelle. En Europe, en 2018, la pression de la demande sur l’offre se traduisait dans les enquêtes par une augmentation forte du nombre d’entreprises déclarant ne pas pouvoir répondre à la demande en raison d’une insuffisance de capital, laissant espérer un vrai redémarrage de l’investissement. Après le ralentissement de 2019, il faudra du temps pour retrouver une telle tension sur les capacités.

Entendons-nous bien : les risques de récession ont fortement reculé, et la croissance sera positive. Il nous semble toutefois que les marches soient actuellement dans un certain décalage par rapport à ce que l’économie réelle peut offrir de manière réaliste cette année.

Gilles Moëc Chef économiste ,  AXA

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