La politique monétaire de la Fed et Wall Street

Publié le 13 novembre 2020 à 13h00    Mis à jour le 13 novembre 2020 à 15h04

Jean-François Boulier

Dans la mesure où les taux d’intérêt ont un effet sur les indices boursiers, la politique monétaire, notamment celle de la Réserve fédérale américaine (Fed), devrait logiquement avoir un effet sur les valorisations des actions américaines. S’intéressant à cette relation, un chercheur d’une université canadienne a vérifié sa pertinence sur une longue période, notamment au cours des dernières années durant lesquelles l’inflation a globalement disparu.

Dans un article intitulé «Monetary Policy and Equity Valuation», Nicolas Mougeot, chercheur d’une université canadienne, revient sur la pertinence du lien entre la politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed) d’un côté, et les valorisations obligataires et boursières du marché américain de l’autre. Pour ce faire, il s’intéresse à un siècle de données portant sur les taux d’intérêt de court et de long termes, sur les rendements boursiers et sur l’inflation. 

Sa première découverte a trait à la «règle de Taylor». Très populaire chez les investisseurs, celle-ci soutient que le taux choisi par une institution monétaire dépendrait du taux d’inflation constatée, de son écart à l’objectif d’augmentation des prix de 2 % et de l’écart entre la croissance réelle et la croissance potentielle. 

Le rendement des actions influencé par l’inflation

Les travaux de Nicolas Mougeot soulignent la pertinence de cette règle pour représenter la fonction de réaction de la Fed, durant une période allant de 1978 jusqu’à 2008. Elle apparaît néanmoins moins efficace au cours des autres périodes, notamment depuis la grande crise financière. Sa deuxième constatation réside dans le fait que le rendement des actions, c’est-à-dire le dividende divisé par le cours de Bourse, est positivement corrélé à l’inflation, avec une sensibilité de l’ordre de un dans la période 1978-2008. Cela signifie qu’un point de plus d’inflation se traduisait par un point de plus de rendement. Ce rapport est beaucoup plus faible depuis dix ans.

Les amateurs d’évaluation des actions par l’actualisation des dividendes (notamment la méthode de Gordon et Shapiro) retrouveront l’impact de l’inflation sur le taux d’actualisation, qui correspond dans ces modèles au taux long plus une prime de risque. Le taux long étant lui-même la résultante des taux courts anticipés, c’est la règle de Taylor qui permet de trouver la sensibilité à l’inflation. Ainsi, les données empiriques et le modèle de Gordon et Shapiro s’accordent à trouver un rendement des actions influencé positivement par l’inflation. Autrement dit, quand l’inflation disparaît, le rendement des actions baisse. Cela implique que les valorisations s’envolent car, à taux de dividende donné, c’est en augmentant le cours de Bourse que le rendement peut baisser. Pour quelles raisons le modèle de Taylor a-t-il bien fonctionné post-Bretton Woods et avant la grande crise ? Croyances, auto-réalisation, fuites entretenues par la Fed ? L’étude ne l’explique pas.

Le rendement des actions, c’est-à-dire le dividende divisé par le cours de Bourse, est positivement corrélé à l’inflation, avec une sensibilité de l’ordre de 1 durant la période 1978-2008. Cela signifie qu’un point de plus d’inflation s’est traduit par un point de plus de rendement. Ce rapport est beaucoup plus faible depuis dix ans. 

Le cas japonais

Depuis l’adoption de mesures non conventionnelles par les grandes banques centrales, nous sommes en territoire inconnu. Du moins, loin de la règle de Taylor. Dans un monde où l’inflation a globalement disparu, dans les faits et dans les esprits, les liens entre les fonctions de réaction d’autres banques centrales et les Bourses locales mériteraient d’être considérés. La situation du Japon en particulier, qui connaît la période de taux nuls ou négatifs la plus étendue, pourrait permettre d’anticiper ce qui pourrait advenir dans les autres parties du monde. A moins que l’inflation ne revienne, et que la règle de Taylor n’éclaire à nouveau les évolutions boursières.

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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