Les actions les plus recherchées sont-elles les plus performantes ?

Publié le 24 janvier 2020 à 11h04

Jean-François Boulier

Les actions présentant des caractéristiques attractives sont supposées faire l’objet d’une plus forte demande de la part des investisseurs que les autres titres. En renchérissant leur prix d’acquisition, une telle évolution peut cependant peser sur la performance enregistrée par leurs détenteurs. Plusieurs chercheurs américains se sont intéressés à l’existence, ou non, d’un tel lien de cause à effet.

Le bon sens voudrait que les actions aux caractéristiques les plus désirables soient davantage achetées que les autres. Toutes autres choses étant égales par ailleurs, leur prix pourrait en conséquence être supérieur à celui des titres moins recherchés. Si tel est le cas, alors leur détention amènerait une performance moindre, sauf à ce que leur popularité continue d’augmenter. Une théorie confirmée par la pratique ?

Dans un opus récent de quelque 180 pages, intitulé «Popularity, a Bridge between Classical and Behavioral Finance», Roger Ibbotson, professeur à l’Université de Chicago, et trois co-auteurs (Thomas M. Idzorek, Paul D. Kaplan et James X. Xiong) proposent de reconsidérer les fondements les plus ancrés de la théorie financière en matière d’évaluation des actions. Leur point de départ consiste à s’interroger sur l’équilibre d’offre et de demande des titres. Ce sujet est à la base de la théorie «moderne» du portefeuille, due à Harry Markowitz, et de sa traduction célèbre en modèle d’équilibre inventé par William Sharpe, le «Capital Asset Pricing Model».

L’importance de la marque et de la réputation

Les chercheurs ne remettent pas en cause l’idée d’un équilibre, mais suggèrent d’ajouter aux traditionnelles hypothèses de «fonction d’utilité moyenne variance» — celles-ci stipulent qu’un investisseur ne considère que la performance moyenne et le risque — des facteurs de «popularité». Leur développement théorique, intitulé par référence au précédent «Popularity Asset Pricing Model», suit celui de leurs illustres précurseurs. Il aboutit à des formules semblables, mais enrichies d’un ensemble de caractéristiques propres aux entreprises ayant émis les actions : le risque n’y est donc plus le seul critère valorisé par les marchés, contrairement à la doxa précédente.

Les auteurs effectuent plusieurs tests historiques de leur approche en étudiant les performances comparées de groupes de titres ayant des caractéristiques plus désirables ou moins désirables. Par exemple, ils analysent les performances depuis le début du XXIe siècle d’actions américaines dont l’émetteur dispose d’une marque à plus forte notoriété que les autres. Le premier quart des entreprises ayant les meilleures marques enregistre des performances inférieures de 2,9 % annuellement à celles du dernier quart classé selon ce critère. Roger Ibbotson, Thomas M. Idzorek, Paul D. Kaplan et James X. Xiong considèrent également un ensemble d’autres mesures de «popularité», comme l’avantage concurrentiel (pour lequel ils constatent un écart de 2,93 % annuels entre les quartiles) et la réputation (écart de 6,3 % !). Ainsi, sur une période assez longue, la performance des titres les plus désirables apparaît-elle moindre que celle des autres titres. Voilà qui prête à reconsidérer bien des certitudes… Cette démonstration tend en tout cas à prouver que des facteurs insuffisamment reconnus dans les théories existantes peuvent s’intégrer dans l’analyse réalisée par les investisseurs.

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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