Nouvelle décennie : quels enjeux et quels risques ?

Publié le 17 janvier 2020 à 15h30

Jean-François Boulier

L’alignement des intérêts entre les investisseurs et les gérants reste parmi les facteurs principaux recherchés pour une relation de confiance durable. Cela est d’autant plus vrai que les stratégies de gestion sont sophistiquées, risquées ou innovantes. Pratique très commune pour les hedge funds et les fonds de capital-investissement, les «performances fees», c’est-à-dire les frais variables prélevés en fonction des performances du véhicule, se sont également développés au sein des fonds classiques aux Etats-Unis, où la réglementation les oblige à être symétriques.

En Europe, où toutes sortes de dispositifs coexistent, leur réglementation fait actuellement l’objet d’une discussion. Leur existence depuis de nombreuses années permet d’ores et déjà de mesurer, sur l’ensemble des fonds commercialisés, les différences entre ceux qui le proposent et les autres.

Dans l’article intitulé «The Costs and Benefits of Performance Fees in Mutual Funds» et publié en octobre dernier, deux chercheurs européens, Henri Servaes et Kari Sigurdsson, analysent les différences entre les fonds européens adoptant une structure de performance fees et les autres fonds.

Plus de 10 000 fonds analysés

Leurs travaux portent sur une période de dix ans, malheureusement un peu ancienne (2001 à 2011). La base de données qu’ils considèrent porte sur plus de 10 000 fonds et prend en compte les différentes classes de parts. Sur ce panel, 7 % des fonds comportent des performances fees. Ils sont principalement originaires d’Italie, du Luxembourg, d’Irlande et d’Allemagne. Leurs structures de frais comportent généralement plusieurs contraintes dont un benchmark (pour 71% d’entre eux), parfois un seuil de performance (observé sur une période annuelle, pluri-annuelle...) en-dessous duquel seuls les frais fixes sont prélevés (pour 18%) et aussi une règle de niveau maximum (pour 44%), appelée « High water mark ». Ce mécanisme autorise le prélèvement d’une commission uniquement si la valeur liquidative de constatation excède la plus haute valeur liquidative atteinte par le passé.

Les résultats statistiques ne plaident pas en faveur des fonds proposant des frais variables. Sur la période considérée, ceux-ci ont en effet sous-performé en moyenne de 0,6 % leurs équivalents à frais fixes. Cette différence masque toutefois des différences selon les structures. Ainsi, la performance est légèrement positive lorsque les fonds n’ont pas de benchmark mais s’imposent un seuil et une règle de niveau («high water mark»). En revanche, elle est très négative, de l’ordre de plus de 2 % de sous-performance, quand il n’y a aucune contrainte… mais aussi quand toutes les contraintes sont présentes ! Autre enseignement de l’étude : les frais totaux des fonds qui appliquent des frais variables sont notoirement au-dessus des autres, de l’ordre de 0,4 % en brut, sans que les frais fixes de management soient sensiblement différents de ceux des autres fonds.

Si l’alignement d’intérêts entre investisseurs et gérants peut bel et bien passer par un partage de performances comme le proposent les structures à frais variables, cette étude tend à démontrer qu’il ne s’agit pas de la réponse idoine, loin s’en faut ! D’autres angles d’approche pourraient être utiles, portant par exemple sur la gouvernance des fonds… La connaissance des coûts de distribution, leur partage avec les réseaux ou conseillers seraient également particulièrement intéressants.

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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