Comment réduire le taux d’endettement public ?

Publié le 18 juin 2021 à 15h00

Patrick Artus

Après la crise de la Covid, les taux d’endettement public vont être très élevés dans tous les pays de l’OCDE, même si l’on en soustrait la partie de la dette publique qui est détenue par les banques centrales, et qui a un statut particulier : elle est gratuite (puisque les banques centrales rendent leurs profits aux Etats) et elle ne sera probablement jamais remise sur le marché dans la mesure où elle sera renouvelée à l’échéance.

Aujourd’hui, la dette publique des pays de l’OCDE représente 136 % du PIB, celle détenue par les banques centrales représente 34 % du PIB. La question centrale qui se pose aux Etats est donc celle de la stratégie de réduction du taux d’endettement public. Et deux stratégies concurrentes apparaissent.

La première stratégie consiste à mener une politique budgétaire restrictive pour revenir rapidement à un déficit public faible. Cette stratégie a été celle utilisée par la zone euro après la crise des subprimes, et elle a conduit à la rechute en récession de l’économie de la zone euro de 2010 à 2014, et à la crise des dettes dans les pays périphériques. On pourrait donc penser qu’elle serait abandonnée, mais on voit à nouveau apparaître des annonces de gel de dépenses publiques par les pays de la zone euro, la France en particulier.

La seconde stratégie, proposée en général par les économistes keynésiens ou de gauche, est au contraire de stimuler la croissance par une politique budgétaire expansionniste, avec deux composantes : le maintien à court terme de déficits publics importants, pour éviter la rechute de l’activité ; et la mise en place d’investissements publics qui peuvent augmenter la croissance de long terme. C’est clairement la stratégie mise en place aujourd’hui par l’administration Biden, avec d’abord le plan de soutien des revenus de 1 900 milliards de dollars, puis le plan d’investissement (infrastructure, santé, recherche, formation...) de 2 250 milliards de dollars.

Quelle stratégie faut-il choisir ? Réduire le taux d’endettement public en faisant baisser le numérateur (la dette) par une politique budgétaire restrictive, avec le risque de faire trop baisser le dénominateur (le PIB), ou bien en faisant monter le dénominateur (le PIB) par une politique budgétaire expansionniste au risque de faire trop monter le numérateur (la dette publique) ?

Tout dépend de deux paramètres : le multiplicateur budgétaire (l’effet sur le PIB du déficit public), la taille de l’effet sur la croissance potentielle (de long terme) d’investissements publics supplémentaires.

Donnons un exemple numérique. Si le taux d’endettement public par rapport au PIB est de 116 % (cas actuel de la France), et si la croissance de long terme ne varie pas, accroître le déficit public réduit le taux d’endettement public si une hausse de 1 point de PIB du déficit public accroît le PIB de plus de 0,8 %.

On peut aussi calculer quel est l’effet minimum d’un déficit public sur la croissance de long terme pour que ce déficit public améliore la solvabilité budgétaire à long terme. Calculé avec les données de la France, cet effet minimum est très faible, inférieur à 0,1 point de croissance supplémentaire pour 1 point de PIB de dépenses publiques supplémentaires.

Quelle est alors la bonne stratégie ? Il est possible que le multiplicateur budgétaire (l’effet du déficit public sur le PIB) soit faible. Aux Etats-Unis aujourd’hui, alors que l’administration injecte 9 points de PIB de déficit public dans l’économie, on ne révise à la hausse que de 2 points la prévision de croissance pour 2021 : le multiplicateur budgétaire ne serait que de 0,22.

Tout dépend alors de la capacité à trouver les dépenses publiques qui accroissent effectivement la croissance de long terme. Cette question n’est pas simple. On peut avoir l’intuition que les dépenses d’éducation, de recherche, de formation augmentent la croissance potentielle, mais est-ce sûr ? C’est encore plus incertain pour les dépenses d’infrastructures. Pour oser utiliser la stratégie de réduction du taux d’endettement public par la hausse des dépenses publiques, il va pourtant falloir être capable de savoir de manière suffisamment précise quelles dépenses publiques soutiennent significativement la croissance de long terme.

Patrick Artus Chef économiste ,  Natixis

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Depuis 1998, il était directeur de la recherche et des études de Natixis. Il a été promu chef économiste en mai 2013.

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