Deux pour cent de rendement obligataire… une (très) bonne affaire !

Publié le 24 novembre 2016 à 12h27

Witold Bahrke

Deux pour cent. Est-ce un niveau de rendement attrayant pour un portefeuille obligataire « défensif » ?

A première vue, les investisseurs devraient répondre non, habitués aux 7,4% de rendement moyen annuel délivrés par les obligations souveraines américaines, entre 1990 et 2008. Mais combien d’entre eux auraient anticipé, il y a seulement quelques années, des rendements négatifs pour certaines obligations souveraines, autrement dit payer pour accepter de prêter?

Il faut garder à l’esprit que la croissance économique est fondamentalement l’un des plus importants catalyseurs de performance pour les actifs à long terme. De faibles anticipations de croissance signifient mécaniquement de plus faibles perspectives de rendement et des taux d’intérêt plus bas. La croissance mondiale est tombée de 4,8% en 2005 à 2,9% en 2016, quand les taux obligataires souverains américains à 10 ans ont chuté de 4,4% à 2% (niveau au 9 novembre 2016). Rien de surprenant, si l’on considère la relation de convergence historique, entre croissance, taux d’intérêt et rendements des actifs.      

Comment et pourquoi la croissance a continuellement chuté ? La démographie et la baisse de la productivité sont deux facteurs essentiels du changement de régime de la croissance mondiale. Moins de main d’œuvre intègre la force de travail (car la génération des baby-boomers en sort) et la population active n’est plus capable d’accroître la production au même rythme qu’il y a encore dix ans. Les causes sont en partie bien connues et sont multiples : les gains de productivité obtenus entre 1995 et 2005 grâce à l’essor des technologies de l’information ont été largement digérés et depuis aucun catalyseur similaire, majeur, n’a émergé.  Le sous-investissement global en infrastructures et dans l’éducation sont une autre explication au tassement de la productivité. Selon l’OCDE, pour la première fois dans l’histoire, la génération qui rejoint actuellement la population active aux Etats-Unis est moins qualifiée et diplômée que la précédente, une évolution préoccupante !    

 

Un rendement de 2%, pas si mal !

Prenons l’exemple concret des anticipations de croissance et de rendement aux Etats-Unis. Les données démographiques « autorisent » une croissance de la population de seulement 0,5% dans les prochaines années. Quant à la productivité, quelques hypothèses s’imposent : si nous considérons que l’impact de la révolution technologique est exceptionnelle et que la période antérieure à 1995 est plus représentative d’un régime auquel raisonnablement s’attendre, alors la productivité devrait contribuer à près de 1,25% de la croissance annuelle totale du PIB américain. Il faut toutefois corriger ce chiffre par la détérioration de la qualité de la main d’œuvre, compte tenu de l’affaiblissement du degré de formation. Résultat, la croissance potentielle nette à moyen terme s’établit à 1,5% aux Etats-Unis, en deçà des 3 à 3,5% observés depuis 2005.

En termes d’anticipation de rendement, de telles conditions

macroéconomiques devraient se traduire par un taux de 0,2% annualisé pour les obligations souveraines américaines. Et en allant un peu plus loin dans l’échelle de risque, les obligations d’entreprise investment grade américaines devraient délivrer un rendement de 0,8% à moyen terme contre 2,2% pour le segment high yield. Et concernant les actifs obligataires européens, les attentes sont encore plus modiques ! En somme, l’industrie de la gestion d’actifs devra se surpasser pour renouer avec des rendements en ligne avec la moyenne historique, à moins de renoncer à l’objectif de risque limité.

Dans un environnement de croissance structurellement faible, le risque de récession devient évidemment plus élevé et permanent. Cet environnement plus incertain rend encore plus difficile la génération de performance, a fortiori dans le cadre de portefeuilles défensifs qui sont contraints en risque. Les investisseurs n’ont donc d’autre choix aujourd’hui que de revoir à la baisse leurs attentes en matière de rendement et de s’en contenter. Dès lors, 2% de rendement annuel combiné à un risque limité est une aubaine. Non seulement à court-moyen terme, mais aussi sur un cycle d’investissement complet.

Witold Bahrke

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