Les directions financières dans la crise

Acorus se donne les moyens de passer la crise

Publié le 10 juillet 2020 à 15h49

Propos recueillis par Anaïs Trebaul

Après un bon début d’année 2020, le groupe Acorus, spécialisé dans la rénovation et l’entretien d’actifs immobiliers, a réussi à préserver sa trésorerie malgré un arrêt quasi total de son activité pendant le confinement. Pour cela, il a eu recours à différents dispositifs publics et à des reports de charge. Il a également revu certains outils informatiques afin notamment d’améliorer ses prévisions de trésorerie. Le groupe espère désormais que la reprise d’activité observée depuis le mois de juin va perdurer.

Comment la crise a-t-elle affecté votre activité ?

Nous sommes spécialisés dans la rénovation et l’entretien d’actifs immobiliers en milieu occupé, 70 % de nos clients étant des bailleurs sociaux. Nous travaillons aussi avec les secteurs des assureurs, des institutionnels, des chaînes hôtelières, de la santé, des collectivités, des syndics de copropriété, etc. Le 16 mars, notre activité s’est quasiment arrêtée d’un coup ; tous les chantiers ont été stoppés. Jusqu’à fin avril, seule notre activité de dépannage a été maintenue. Pendant cette période, nous étions à 15 % de notre activité normale. A partir de fin avril, une dizaine de chantiers ont repris, suivis par d’autres progressivement, ce qui nous a permis d’atteindre fin mai 80 % de notre activité normale. Nous espérons retrouver notre niveau habituel sur le mois de juillet. Cependant, la reprise se fait différemment d’un secteur à un autre : l’activité hôtellerie redémarre plus lentement, avec plusieurs commandes annulées.

Avez-vous eu recours à des dispositifs publics ? Avez-vous à ce titre rencontré des difficultés ?

Oui, nous avons d’abord eu recours à de l’activité partielle, essentiellement pour les opérationnels : 40 % de nos effectifs ont été mis en chômage partiel du 16 au 31 mars, puis ce pourcentage est passé à 60 % au mois d’avril, et à 20 % en mai. Nous n’avons désormais quasiment plus aucun salarié sous ce régime. Sa mise en place a été globalement simple, mais nous avons néanmoins rencontré quelques difficultés, notamment pour nous adapter aux changements législatifs (évolution des congés pour garde d’enfant en chômage partiel par exemple) et pour effectuer nos demandes d’indemnisation (nos salariés travaillent sous un régime de 39h et le portail de l’Urssaf n’était pas adapté pour ce cas de figure).

Ensuite, nous avons également reporté une grande partie de nos échéances fiscales et sociales : nous venons de payer le solde d’impôts normalement dû au 15 mai et nos cotisations sociales Urssaf, retraite, etc. des mois de mars, avril, et mai, ont pu être décalées de 3 mois.

En revanche, nous n’avons pas sollicité de prêt garanti par l’Etat (PGE). En effet, nous disposions avant la crise d’une trésorerie élevée, nous permettant d’honorer nos échéances pendant un an avec une activité quasi nulle. De plus, pendant le confinement, nous avons continué à encaisser les créances de nos clients – qui ont payé dans les temps – alors qu’en parallèle, l’activité étant moindre, nous avions des échéances fournisseurs diminuées. La baisse d’activité produit un effet sur notre trésorerie en décalage, soit à partir de juin, car, du fait de la reprise d’activité, nos échéances fournisseurs augmentent tandis que nos encaissements clients sont plus faibles et que nous payons les échéances fiscales et sociales préalablement décalées. C’est pourquoi nous n’excluons pas de demander ce prêt d’ici à la fin de l’année.

La direction financière a-t-elle mis en place des mesures particulières ces dernières semaines pour faire face à la crise ?

Nous avons d’abord demandé différents reports d’échéance auprès de nos partenaires privés. Nous avons contacté nos bailleurs afin d’obtenir un report de nos loyers. Nos grands bailleurs institutionnels ont accepté de reporter nos échéances pour 3 ou 6 mois, et de les étaler sur 2021 et 2022, ou de les reporter en fin de bail. En revanche, nos bailleurs particuliers ont été moins souples. Nous avons également bénéficié de reports d’échéance sur une partie de nos prêts.

Ensuite, cette période a également été l’occasion de travailler sur nos outils informatiques. Alors que jusqu’à présent nous réalisions nos prévisions de trésorerie de façon hebdomadaire sur Excel, au début du confinement nous avons choisi de mettre en place un outil dédié avec l’éditeur Taiga. Les multiples modifications de prévisions de trésorerie que nous avons dû mener dès le début de la crise nous ont incités à accélérer ce projet que nous avions amorcé avant le confinement. Outre des prévisions de trésorerie facilitées, cette solution nous permet aussi de mieux suivre nos créances clients : le retard moyen de paiement est passé de 34 jours avant la crise à 26 jours désormais ! En outre, nous avons mis en place des liens entre notre outil de suivi de production Nexxio, et notre système comptable, afin d’améliorer la validation à distance par les conducteurs de travaux des factures fournisseurs et sous-traitants et que celles-ci puissent ensuite être traitées comptablement.

Enfin, nous avons pris plusieurs mesures concernant nos paiements fournisseurs. Afin de limiter les possibilités de fraude, les changements de RIB ont été uniquement autorisés sous condition d’obtention d’un courrier manuscrit, tamponné par le fournisseur. De plus, le confinement a accéléré l’arrêt total du paiement de nos fournisseurs par lettre de change. En effet, nous souhaitions avoir une totale maîtrise de nos processus de paiement. Nous les réglons uniquement par virement désormais.

Comment la direction financière s’est-elle organisée ces dernières semaines et comment travaille-t-elle aujourd’hui ?

L’ensemble de la direction financière, soit une quinzaine de personnes, a été mobilisé à quasiment 100 % pendant le confinement, à l’exception de quelques salariés n’ayant pas de solution pour garder leurs enfants. Les salariés mobilisés ont été placés en télétravail et des ordinateurs portables ont été mis à leur disposition. Depuis plusieurs années, nous avions développé un outil en «full web» qui nous a permis de travailler à distance rapidement et facilement. Le télétravail a cependant dû être accompagné d’un encadrement spécifique pour maintenir le lien et les échanges habituellement facilités par le travail en open-space. Sur juillet-août, les collaborateurs sont de retour au bureau la moitié de la semaine, en alternance. A compter de septembre, nous envisageons, à confirmer en fonction de la situation sanitaire, un retour total au bureau avec la possibilité néanmoins et en fonction des besoins du service de permettre un temps de télétravail pour ceux qui le souhaitent. Cette faculté était déjà offerte avant la crise sanitaire mais celle-ci a suscité davantage d’engouement pour une part de télétravail.

Vous avez procédé début juin à une acquisition. Comment l’opération s’est-elle déroulée?

L’acquisition de Technibat (25 millions d’euros de chiffre d’affaires) devait à l’origine être accompagnée d’autres acquisitions, d’un refinancement de notre dette bancaire et de la mise en place d’un système d’incitation pour l’actionnariat salarié au sein du groupe. Le 14 mars, juste avant le confinement, nous avions obtenu l’accord de nos banques sur ce projet. Le décaissement des fonds était prévu mi-avril.

Le confinement, ayant suspendu tous les accords, nous avons reformaté notre projet en nous concentrant sur les éléments stratégiques : le rachat de Technibat et le refinancement de notre dette bancaire, les autres éléments restant prévus mais avec une réalisation décalée probablement sur 2021, une fois la crise sanitaire gérée et digérée. Ce nouveau projet a été validé par nos partenaires bancaires. Sa concrétisation a eu lieu le 9 juin dernier.

Comment envisagez-vous les prochains mois ?

En termes de chantiers, pour ce qui est des fonctions supports, nous allons pour l’instant nous concentrer sur la consolidation des outils mis en place récemment dont nous continuons à développer les fonctionnalités avec des développeurs externes.

Par ailleurs, nous anticipons un bon second semestre. Depuis le début de la crise sanitaire, nous avons fait trois reprévisions budgétaires – contre une par an en temps normal. Lors de notre reprévision d’avril, nous anticipions une baisse de l’activité de 30 % sur l’année par rapport à ce qui était prévu dans notre budget. Pendant notre dernière réunion sur le sujet en juin, cette baisse était plutôt estimée à -15 %. Ces estimations seront à nouveau challengées d’ici fin septembre. 

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